Fribourg: Conférence de Mgr Charles Morerod à l’Institut Philanthropos

L’athéisme contemporain, une question à débattre

Fribourg, 18 mars 2012 (Apic) La salle de gymnastique de l’Institut Philanthropos à Bourguillon (Fribourg) était bondée, samedi 17 mars 2012, pour écouter Mgr Charles Morerod, le nouvel évêque du diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg (LGF), parler de l’athéisme contemporain. Une conférence de haut niveau ponctuée de nombreuses petites pointes d’ironie.

Mgr Morerod a abordé, en philosophe averti et connaisseur de l’actualité dans ce domaine, le thème de l’athéisme contemporain, pour montrer que les arguments actuels n’avaient souvent rien de bien nouveau. Mais le religieux dominicain estime important d’étudier les arguments des athées et d’entrer en dialogue avec eux, sans quoi on risque de rester dans un dogmatisme pouvant donner raison aux défenseurs de la non existence de Dieu.

La question de Dieu doit être posée

Citant différents penseurs contemporains, anglais, américains, français et italiens, qui affichent leur athéisme et qui demandent que la question de Dieu soit posée, l’évêque insiste pour que l’Eglise catholique ose la poser. Ce qui est important, c’est de pouvoir opposer des arguments aux athées, et non simplement de les ignorer.

Faisant référence au philosophe athée italien Paolo Flores d’Arcais, qui a publié toute une étude sur le thème, il rappelle que Benoît XVI a voulu un débat avec lui. Cela a donné naissance à un livre: «Est-ce que Dieu existe? Dialogue sur la vérité, la foi, et l’athéisme».

Si des athées avancent des arguments pour démontrer l’inexistence de Dieu, il est nécessaire de leur opposer des arguments précis. Mgr Morerod montre que les athées comme les croyants ont inscrit en eux «un désir de Dieu». Ce qui les amène à poser la question.

Le réductionnisme athée

Le réductionnisme, scientifique en particulier, est un argument souvent avancé: toute vérité ne peut provenir que du domaine scientifique. Cette attitude ne tient pas compte de la richesse de la causalité. Tout réduire à des processus scientifiques ou biologiques, c’est considérer Dieu comme une hypothèse inutile (»il n’a plus rien à faire»). Pour l’évêque de LGF, en disciple de saint Thomas d’Aquin, la causalité divine intervient dans le monde, mais la causalité créée aussi. Dieu, qui a créé l’homme libre, veut agir à travers lui.

Ce que déplore le conférencier, c’est le dogmatisme de l’athéisme issu du réductionnisme: tout ramener au «comment sont les choses», c’est passer à côté de la question bien plus essentielle: «pourquoi y a-t-il quelque chose ? «. Il fait également allusion au fait que de nombreux scientifiques de haut niveau reconnaissent que leurs découvertes ou inventions existaient déjà avant d’avoir été pensées par le cerveau humain.

Le mal

Les sciences naturelles aident à comprendre que le monde est organisé, et organisé pour nous. Mais il a dû être pensé par quelqu’un, il n’est pas dû au hasard. Mais il y a aussi le réductionnisme au monde immédiat. Le conférencier cite l’exemple de la publicité sur les bus anglais disant: «Il n’y a probablement pas de Dieu. N’ayez pas peur et profitez de la vie !» La publicité parle, et, dans ce cas, on a joué sur le fait que la religion pouvait empêcher de jouir de la vie.

L’argument selon lequel, puisqu’il y a du mal, il ne saurait y avoir de Dieu, ne convainc pas Mgr Morerod. S’il passe très vite sur ce point, il indique simplement que le mal ne peut être premier et qu’il n’existe que par rapport à un ordre. Il y a mal là où il y a absence.

La violence

Un des arguments souvent utilisé par les athées contemporains est la violence. Les guerres à composante religieuse amènent certains à critiquer la religion et Dieu. Michel Onfray, philosophe français athée, va jusqu’à s’exclamer: «Des millions de morts pour l’amour du prochain !» Dès lors, un monde sans Dieu serait infiniment préférable. Mais l’évêque constate que «l’amour du prochain, c’est aussi autre chose que la guerre !  » Et il ne faudrait pas oublier que l’athéisme a aussi été à l’origine de violences (les régimes totalitaires, par exemple).

«Pourquoi l’être et pas plutôt le néant ?»

La raison humaine peut arriver à comprendre, même si certaines choses lui échappent. La question de l’existence de Dieu n’est pas uniquement théorique, elle a des incidences, des impacts très forts sur la vie quotidienne. En outre, l’existence de Dieu ne s’impose pas si on n’en veut pas. Et le théologien de se demander si l’on peut éviter les questions ultimes, dont celle-ci: «Pourquoi l’être et pas plutôt le néant ?» L’intelligence est donnée à l’homme pour qu’il essaie de comprendre. Dès lors, «ne mérite l’invective que celui qui ne cherche pas», affirme l’évêque, en citant Fabrice Hadjadj, le nouveau directeur de Philanthropos. JS

Encadré

A la fin de l’année scolaire, l’Institut Philanthropos aura déjà formé 250 étudiants

L’Institut Philanthropos a vécu samedi sa septième rencontre annuelle. Présidé par Nicolas Michel, l’Institut en est à sa huitième volée d’étudiants. Depuis sa création, il n’a cessé de croître, pour arriver en 2011-2012 à 48 étudiants, essentiellement francophones. A la fin de l’année scolaire, ce seront 250 étudiants qui auront consacré une année de leur existence à approfondir leurs connaissances en anthropologie dans le contexte des valeurs chrétiennes. Cette année est aussi celle du passage de témoin de la direction d’Yves Semen au philosophe Fabrice Hadjadj. Ce dernier a été présenté aux invités par son prédécesseur. Mgr Charles Morerod était l’invité de cette journée. Il a donné une conférence et présidé la messe solennelle.

(apic/js)

18 mars 2012 | 16:00
par webmaster@kath.ch
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