Burkina-Faso: Le pays fête le cinquantenaire de son indépendance
L’Eglise catholique dénonce les dix fléaux qui rongent la société burkinabé
Ouagadougou, 10 décembre 2010 (Apic) A l’occasion de la célébration du cinquantenaire de l’indépendance du pays, le 11 décembre, l’Eglise du Burkina-Faso a dénoncé avec «un cœur meurtri», les dix fléaux qui rongent le pays, dont la corruption et les inégalités sociales. Dans un message publié sur le site internet de la Conférence épiscopale du Burkina-Niger (CEBN) (*), les évêques burkinabés saluent cependant les acquis du pays depuis son accès à l’indépendance.
Les dix fléaux mentionnés par les évêques sont: «l’égoïsme de la classe politique, les excès politiques, l’oubli du bien commun, la démocratie apparente, la faiblesse du développement, la pauvreté et la misère, le déni des valeurs morales et religieuses, la violation des droits et le difficile accès à la justice, la corruption, et enfin, les inégalités entre citoyens».
Une classe politique «plus prédatrice» que soucieuse du bien commun
Ces maux, expliquent-ils, sont le résultat du «faible niveau» d’information et d’instruction de la population qui l’empêche de demander des comptes aux dirigeants. Cela a permis l’émergence d’une classe politique «plus prédatrice» que soucieuse de stimuler la création et la distribution équitable des richesses pour la satisfaction des besoins du peuple.
Il s’y ajoute que la conception du pouvoir comme «instrument de puissance et non comme un moyen de servir le bien commun, a souvent dévoyé la démocratie» au Burkina-Faso. De ce fait, L’argument de la force a parfois pris le pas sur la force des arguments, l’intolérance et la perte des valeurs ont souvent conduit à des crimes de sang et des crimes économiques qui n’ont pas encore été totalement soldés, ont souligné les archevêques et évêques burkinabés.
Prise «en otage» du champ politique
En outre, ils ont estimé que la démocratisation dans leur pays connaît de nombreuses entraves. Au nombre de celles-ci figurent la prise «en otage» du champ politique, le refus du consensus sur les règles du jeu démocratique, le manque d’initiatives significatives au niveau des partis politiques et de l’Etat pour éveiller la conscience citoyenne et stimuler la participation des citoyens
La CEBN déplore également le risque d’émergence d’une administration partisane avec la politisation de l’administration publique ainsi que la subordination du pouvoir judiciaire au pouvoir exécutif. Cet état de fait nuit à l’indépendance de la justice, «clé de voûte de toute démocratie». La corruption croissante et le développement d’une culture d’impunité sont des sources d’une rupture de confiance entre les gouvernés et les gouvernants. Les prélats relèvent encore le poids trop important de l’argent dans les compétitions électorales, la corruption électorale et «la propension de la classe politique burkinabé à avilir le jeu politique par un militantisme par trop intéressé». Tous ces faits font aussi partie des entraves à la démocratisation, insistent-ils. Pour les évêques catholiques burkinabés, la souveraineté du pays est «loin d’être maîtrisée et reste vulnérable aux chocs exogènes».
Le Burkina Faso, un monde à plusieurs vitesses
«Si tout progrès comporte des élus et des exclus, on peut dire qu’il a été jusqu’à présent, au Burkina-Faso, un processus de paupérisation qui a mis en jeu des facteurs politiques, économiques, sociaux et culturels qui se sont renforcés négativement et ont creusé les écarts constatés dans un monde à plusieurs vitesses», ont-ils encore poursuivi.
Les évêques ont encore estimé que les manifestations contre la vie chère qui ont eu lieu l’année dernière à travers tout le pays sont des signes d’une pauvreté qui frôle de très près la misère quand on apprend que 10% de la population détient les 80% des biens de ce pays.
S’agissant de la corruption, le message de la CEBN montre que des études entreprises par l’Etat lui-même et certaines organisations de la société civile ont mis à jour «l’ampleur et la gravité» du phénomène dans tous les secteurs de la vie. «Le plus inquiétant est la tendance à sa banalisation et le manque de sanctions exemplaires».
Dans le domaine de la justice, les évêques constatent que le sentiment le plus répandu chez les burkinabés est qu’il existe «une justice des pauvres et une justice des riches», et cette justice à deux vitesses doit être «énergiquement combattue par une application correcte et rigoureuse de la loi». «L’appartenance à un parti politique, la capacité financière ou l’occupation de hautes fonctions publiques ne doivent pas interférer dans l’application de la loi», concluent-ils.
Face à toutes ces insuffisances et tares, la CEBN invite les concitoyens à regarder vers l’avenir, tout en reconnaissant les acquis du pays, depuis son indépendance. Il s’agit, entre autres, de la paix, de la culture de la concertation et du dialogue social pour la résolution des conflits sociaux et de la culture de la tolérance qui favorise une vie sociale harmonieuse entre les différentes ethnies et les religions. Dans ce cadre, ils rappellent le rayonnement culturel du Burkina-Faso, sur la scène internationale, grâce à l’organisation de certaines manifestations culturelles dont le Salon international de l’artisanat de Ouagadougou (SIAO), le Festival Panafricain du cinéma de Ouagadougou (FESPACO), la Foire internationale du livre de Ouagadougou (FILO), le Salon international du tourisme et de l’habitat de Ouagadougou (SITHO), la Semaine nationale de la culture (SNC).
(*) www.egliseduburkina.org (apic/ibc/be)