Philippines: Assassinat du père Cecilio Lucero: une exécution extrajudiciaire
L’Eglise et les ONG accusent le gouvernement d’être derrière
Manille, 9 septembre 2009 (Apic) L’Eglise catholique et les organisations de défense des droits de l’homme aux Philippines accusent le gouvernement d’être derrière l’assassinat du prêtre catholique abattu dimanche 6 septembre aux Philippines.
Mardi 8 septembre, une grande manifestation a rassemblé des sympathisants de l’organisation œcuménique de défense des droits de l’homme, Promotion of the Church People’s Response (PCPR), à laquelle avait appartenu le P. Cecilio Lucero, tué par balles au volant de sa voiture dans la province de Samar-Nord, le 6 septembre, dans des circonstances encore mal définies.
Pour les manifestants dénonçant l’assassinat du prêtre, il n’y a aucun doute : «Le défenseur des pauvres et des opprimés» est une nouvelle victime des «exécutions extrajudiciaires» en augmentation dans la région, des assassinats non élucidés par la police et sur lesquels enquêtait justement le P. Lucero.
Selon les rapports de police, le P. Cecilio Lucero, 48 ans, curé de l’église Saint-Joseph Ouvrier à Catubig, dans le diocèse de Catarman, de la province Samar-Nord (Région des Visayas Orientales), a été abattu lors d’une embuscade au village de Layuhan, le dimanche 6 septembre, vers 8 h 30 du matin, alors qu’il rejoignait San Jose en camionnette par la route nationale.
Selon les premiers rapports de police, cités par Eglises d’Asie, une trentaine d’hommes ont fait feu sur le prêtre, avant que l’un des attaquants ne lui tire une balle dans la tête à bout portant, entraînant la mort sur le champ. Mais par la suite, des «témoins dignes de foi» ont parlé d’un groupe de 5 à 6 hommes seulement, portant des lunettes de ski (une caractéristique des «exécutions extrajudiciaires» aux Philippines) et, selon les rapports, ayant les visages camouflés sous un bonnet, un masque, étant vêtus d’uniformes de la police, ou encore de l’armée…
Peu de certitudes également concernant les passagers qui accompagnaient le P. Lucero. Un laïc, Isidro Miras, blessé pendant l’attaque, aurait été transporté dans un état grave à l’hôpital à Catarman. Il est parfois fait mention d’un autre passager, Jose Aguda, 17 ans, blessé au pied, qui serait également à l’hôpital.
De larges zones d’ombre subsistent également au sujet du policier Eugene Bation, assigné comme garde du corps au P. Lucero après que celui-ci eut reçu de nombreuses menaces de mort. Les premiers rapports de police l’avait déclaré touché par les tirs des assaillants et transporté à l’hôpital, avant de rapporter récemment qu’il n’aurait en réalité pas été blessé. Eugene Bation aurait déclaré à la police avoir fait feu à son tour contre les assassins, les forçant à se disperser et s’enfuir.
«Nous pensons que le P. Lucero était surveillé et suivi. Lorsqu’il est arrivé à San Jose, ses assassins l’attendaient», a déclaré Mgr Emmanuel Trance, évêque de Catarman, qui s’est déclaré «anéanti» par la nouvelle et a condamné fermement le meurtre du prêtre dans une déclaration diffusée sur le site de la CBCP (Catholic Bishops’ Conference of Philippines).
Selon lui, le prêtre catholique était attendu à San Jose la nuit précédente, mais avait reculé son départ à la dernière minute, depuis l’île où il assistait à un mariage familial. La mer étant agitée, il avait décidé de prendre le premier bateau du matin. Mgr Trance a également rapporté que le prêtre, qui dirigeait le Bureau des droits de l’homme et le Centre d’action sociale (SAC) du diocèse, avait reçu de nombreuses menaces de mort depuis l’assassinat du maire de Catubig en février dernier.
«Depuis qu’il travaillait pour les droits de l’homme et allait partout enquêter sur les crimes qui avaient été commis, il s’était mis à dos les militaires comme les rebelles armés».
L’engagement en politique des deux frères aînés du prêtre assassiné renforce, selon le prélat, la thèse selon laquelle l’assassinat du P. Lucera serait une exécution politique. Wilmar Lucero, ancien membre du Congrès, est actuellement en lice pour les présidentielles de 2010. Quant à Antonio Lucero, il est gouverneur adjoint de la province de Samar-Nord.
Selon le prélat le fait qu’une exécution extrajudiciaire puisse aujourd’hui viser un prêtre risque de répandre la peur au sein de toute la population.
», a-t-il déclaré.
Dès le lendemain de l’assassinat du prêtre catholique, la police des Visayas orientales en charge de l’enquête a affirmé mettre tous les moyens en œuvre pour retrouver les coupables. Mario R. San Diego, directeur de la police régionale, a annoncé avoir mis en place un groupe de forces spéciales, baptisé « SITG Lucero », lequel coordonnera les différents corps de police d’investigation.
Le corps du prêtre assassiné a été transporté à la cathédrale Notre-Dame de l’Annonciation à Catarman pour la veillée mortuaire qui s’est tenue le 8 septembre au soir. (apic/eda/pr)