«L’esprit de mission n’est pas réservé à quelques héros»

France: Interview du Père Luc Lalire, nouveau Secrétaire général du CEFAL

Paris, 1er février 2011 (Apic) Après quinze ans de ministère à Dijon et cinq années comme prêtre Fidei donum en Uruguay, le Père Luc Lalire a récemment été nommé Secrétaire général du Pôle Amérique latine de la Conférence des évêques de France (CEFAL), en remplacement de Philippe Kloeckner. L’occasion, à la veille de la rencontre des Fidei donum européens, qui se tiendra à Bogota du 6 au 11 février 2011, de faire le point sur cette institution créée il y a 50 ans, suite à l’appel en 1961 de Jean XXIII à l’Eglise de France.

Apic: Père Luc Lalire, dans quel état d’esprit et avec quels objectifs prenez-vous vos fonctions?

Père Luc Lalire: A titre personnel, c’est d’abord une chance de pouvoir établir un lien concret avec tous ceux qui partagent une même mission, dans des conditions parfois difficiles matériellement et dans des pays aux cultures et richesses économiques très différentes. Rencontrer ces personnes, leurs communautés, comme je le fais actuellement, me confortent aussi dans la nécessité d’établir des liens entre missionnaires, avec les diocèses qui les reçoivent et avec les diocèses ou communautés religieuses qui les envoient et, enfin, avec l’Eglise de France.

Mon premier objectif est donc d’assurer une continuité de ce service, c’est-à-dire un esprit de mission qui n’est pas réservé à quelques héros. Non seulement cela vaut la peine, mais je pense même qu’il est nécessaire de faire une expérience de ce type. L’idée est donc de continuer à faire connaître le CEFAL, à rendre possible l’envoi de prêtres, religieux et laïcs français par leurs diocèses ou communautés, afin de travailler un temps au service d’une Eglise particulière d’Amérique latine. Non pour «aider» une autre Eglise, mais pour être enrichi et enrichir l’Eglise particulière qui nous accueille et l’Eglise diocésaine ou communauté qui nous envoie.

Apic: Quelle est la situation aujourd’hui du CEFAL en termes d’effectifs, et quelles sont vos orientations de travail sur le continent latino-américain?

Père Luc Lalire: Aujourd’hui, le Pôle Amérique latine est en lien avec 64 prêtres diocésains, 132 laïcs, 189 religieux et 206 religieuses, au service de la Mission en Amérique latine. Au total, ce sont 591 Françaises et Français. Les prêtres sont au service des diocèses qui les accueillent. Beaucoup sont curés de paroisse, mais certains ont également des responsabilités dans un champ pastoral particulier. La diversité des «statuts» induit celle des champs d’action qui, pour la plupart, sont orientés vers les personnes les plus fragiles ou isolées, là où l’Eglise entend être présente.

L’un des principaux enjeux est de relever le défi de l’âge et d’assurer une continuité. Beaucoup de ceux qui sont allés en Amérique latine, il y a 30 ans ou plus, sont encore sur place. Certains sont retournés dans leur diocèse d’origine. Mais la proportion du nombre de prêtres est toujours égale. Nous devons cependant relever le défi de nouvelles propositions et pour que d’autres puissent partir, il faut sans doute adapter les délais et les engagements.

Apic: Quel peut et doit être le rôle des missionnaires du CEFAL au sein de l’Eglise latino américaine?

Père Luc Lalire: La présence des missionnaires français (CEFAL) est toujours d’actualité. Non pas pour défendre une idée de la place de l’Eglise dans la réalité sociale, ou en rapport avec une théologie particulière, mais parce que la mission et l’échange entre Eglises que sous-tend cette mission naissent de la prise de conscience de ce qu’est l’Eglise dans son identité profonde: une Eglise comme «communion-missionnaire». C’est donc une composante de son «être-Eglise»!

Mes rencontres avec les missionnaires le démontrent. Certains sont par exemple engagés par leur diocèse dans le micro crédit, d’autres dans la construction de «viviendas» (maison d’habitation), dans des programmes d’alphabétisation et scolarisation, dans la présence aux jeunes et la lutte contre la dépendance de la drogue, etc… En Bolivie, un des prêtres français a été chargé pendant des années de la coordination de la pastorale pénitentiaire. Une réalité très difficile. Or, cette pastorale, reconnue par les divers gouvernements, a contribué à faire adopter des lois destinées à améliorer les conditions de détention (séparation entre prévenus et condamnés, entre mineurs et majeurs, entre familles et criminels…).

Apic: Quelles sont vos priorités pour les mois à venir et, plus largement, quelles sont les perspectives pour les missionnaires du CEFAL?

Père Luc Lalire: L’urgence va être la poursuite du travail commencé en Haïti pour aider l’Eglise de ce pays à vivre au milieu de son peuple et répondre aux nécessités urgentes.

Plus généralement, les perspectives des missionnaires me semblent être une permanente adaptation aux nouveaux visages de l’Eglise de ces pays confrontés aux grands changements des sociétés civiles du continent latino américain. C’est une question essentielle pour ceux dont le souci est que nos Eglises soient vraiment missionnaires. (apic/jcg/ggc)

1 février 2011 | 16:43
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 3  min.
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