Cracovie: Le sanctuaire Jean Paul II, mémorial d'une icône préservée de la controverse

La canonisation du pape polonais fait l’unanimité dans son pays

Cracovie, 17 septembre 2013 (Apic) Le sentier de pèlerinage emprunte un large escalier menant à une monumentale croix consacrée à la mémoire de Jean Paul II. En arrivant au sommet de la colline, l’on aperçoit l’impressionnante silhouette du sanctuaire Jean Paul II. L’édifice, consacré il y a quelque mois, est un imposant symbole de la vénération portée au défunt pontife par les habitants de Cracovie et de toute la Pologne. Ici, contrairement à ce qui se passe à l’étranger, la figure de Karol Wojtyla a eu un tel impact sur l’histoire du pays que l’on ne trouve pratiquement aucune voix pour critiquer son imminente canonisation.

La forme massive du bâtiment d’environ 60 mètres de hauteur, surmonté d’un toit hexagonal, mais aussi de plusieurs grues, n’est pas sans rappeler un mausolée. En entrant dans l’église, de style moderne et faisant la part belle au béton brut, on est étonné de voir des électriciens et des maçons côtoyer les fidèles. Alors que des messes sont déjà célébrées, des travaux de finition sont encore en cours. L’intérieur du sanctuaire est impressionnant et en impose par la hauteur de certains plafonds, ses dorures et ses tableaux aux teintes pastel, parfois un peu kitsch, chères aux Polonais. C’est que l’église revêt, pour les croyants de la région, une grande importance symbolique et spirituelle, rehaussée de fierté nationale.

«N’ayez pas peur!»

Le cardinal Stanislas Dziwisz, l’ancien secrétaire particulier du pape polonais, qui a succédé à Mgr Wojtyla à la tête de l’archevêché de Cracovie, a consacré le sanctuaire en grande pompe le 23 juin 2013. L’édifice fait partie du Centre «N’ayez pas peur!», nommé selon l’injonction de Jean Paul II lors de l’inauguration de son pontificat, en 1978. Le complexe a été lancé en 2006 par l’archevêque de Cracovie en l’honneur du défunt pape, un an après sa mort. Il a été bâti à proximité immédiate du sanctuaire de la Miséricorde Divine, un thème majeur de l’enseignement spirituel du pontife polonais.

Benoît XVI en personne est venu posé, lors de son premier voyage en Pologne en 2010, la première pierre du complexe religieux qui comprend, outre le sanctuaire, un institut interculturel, un musée ou encore un centre de conférences. La construction de l’église a été officiellement lancée en juin 2011, quelques semaines après la béatification de Jean Paul II.

Un important centre de pèlerinage

A l’intérieur et autour du sanctuaire, la figure de Jean Paul II semble occuper tout l’espace. A l’entrée, une échoppe de fortune propose statuettes et autres porte-clés à l’effigie du Bienheureux. Dans l’édifice, les représentations picturales et les nombreuses reliques du défunt pape sont spécialement à l’honneur. Une fiole contenant du sang du pontife attire un nombreux public. Le récipient repose à l’intérieur d’une petite châsse dans le maître-autel de marbre blanc, à l’étage inférieur du bâtiment. Les fidèles sont obligés de se mettre à genoux pour la contempler de près. Le sang a été recueilli à la clinique romaine Gemelli lors d’un des derniers examens effectués sur le pontife avant sa mort. Sa croix pontificale, sa mitre et sa chasuble ont aussi été offerts par Rome.

Les murs de l’église sont notamment décorés de tableaux saint-sulpiciens représentant les visites de Jean Paul II dans les principaux sanctuaires mariaux du monde, Fatima, Lourdes ou encore Czestochowa. Les fidèles peuvent aussi se recueillir sur la pierre tombale du pape polonais, transférée de la crypte de la basilique St-Pierre de Rome, après sa béatification.

Le sanctuaire est d’ores et déjà un important centre de pèlerinage. Les fidèles peuvent y obtenir des indulgences plénières. Tous les 22 octobre, à l’occasion de la fête liturgique du Bienheureux Jean Paul II, d’importantes célébrations et processions sont organisées.

Une dévotion évidente

L’impression d’omniprésence de la figure de Jean Paul II se confirme dans les rues de Cracovie, la capitale culturelle du sud de la Pologne. Il est difficile d’y marcher plus d’une centaine de mètres sans croiser un portrait du défunt pape ou une inscription à sa mémoire. Dans cette région de Petite Pologne (Malopolskie) d’où il est originaire, il fait l’unanimité. «En Pologne, tout le monde le vénère, même les athées ont un profond respect pour lui», assure à l’Apic Kornelius Politzky, prêtre polonais, qui vit depuis 35 ans en Suisse. Grand connaisseur et admirateur de Karol Wojtyla, il a été son élève lorsqu’il enseignait au séminaire de Cracovie.

Pour les Polonais, une canonisation qui va de soi

Le prêtre polonais rejette en bloc les critiques qui ont surgi à l’étranger quant à la rapidité inhabituelle avec laquelle Jean Paul II a franchi les étapes menant à la sainteté. Certains observateurs de l’Eglise ont en effet mis en avant des «zones d’ombres» dans le pontificat de Jean Paul II, qui auraient selon eux dû être examinées de façon plus approfondie avant d’aller plus avant dans la procédure de canonisation. On a relevé son manque d’attention face aux scandales des abus sexuels commis par des prêtres, révélés sous son pontificat. D’autres ont critiqué ses rencontres avec des gouvernants politiques controversés. Le pape polonais avait notamment donné la communion au dictateur chilien Augusto Pinochet, connu pour avoir fait assassiner des milliers d’opposants politiques. Des reproches que l’abbé Politzky conteste. Pour lui, Jean Paul II menait sa mission au-delà des clivages politiques de gauche et de droite. Il rappelle qu’il a accepté de rencontrer aussi bien le dictateur de droite Augusto Pinochet que Fidel Castro ou Wojciech Jaruzelski, l’ancien président de la Pologne communiste. Le prêtre estime au contraire que Jean Paul II a tout fait pour abattre les dictatures, partout dans le monde. «Jean Paul II a été un artisan de paix, il a notamment été l’instigateur d’une révolution morale qui a détruit le communisme et libéré la Pologne de son joug», affirme l’abbé Politzky. «C’est pour cela que les Polonais considèrent que c’est un saint homme, et que personne ne s’oppose, dans notre pays, à sa canonisation», conclut le prêtre polonais.

Encadré

Jean Paul II

Jean Paul II, de son vrai nom Karol Wojtyla, est né en 1920 à Wadowice, près de Cracovie, dans le sud de la Pologne. Il devient archevêque de Cracovie en 1964, puis cardinal en 1967. Il est élu pape en 1978.

C’est le premier pape polonais de l’histoire et le premier pontife non italien depuis le XVIe siècle. Jean Paul II est décédé en 2005, dans la 26e année de son pontificat, le troisième le plus long de l’histoire.

Sa volonté de rapprocher les religions a conduit à une sensible amélioration des relations de l’Eglise catholique avec les juifs, les orthodoxes et les anglicans, notamment.

Surnommé le «pape voyageur», il parcourut plus de 129 pays pendant son pontificat. Plus de 500 millions de personnes ont pu le voir durant cette période. Il institua de grands rassemblements comme les Journées mondiales de la jeunesse (JMJ).

Le «faiseur de saints»

Jean Paul II béatifia 1’340 personnes et en canonisa 483, soit plus que pendant les cinq siècles précédents. Il fut l’ardent défenseur des réformes du Concile Vatican II, auquel il participa très activement en tant qu’évêque.

Grand promoteur des droits de l’homme, il s’est opposé à l’idéologie communiste et par son action, notamment en Pologne, a favorisé la chute du bloc de l’Est. Il a également condamné les excès du capitalisme. Jean Paul II est considéré par certains comme l’un des «meneurs politiques» les plus influents du XXe siècle.

Béatifié par Benoît XVI en 2011, son procès en canonisation s’est déroulé de façon particulièrement rapide. Au cours de ses funérailles, le 8 avril 2005, une partie de la foule a scandé «santo subito, santo subito», c’est-à-dire «saint tout de suite !» L’adage médiéval «Vox populi, Vox Dei», (la voix du peuple est la voix de Dieu) et une pétition signée par 170 cardinaux ont poussé le pape Benoît XVI à autoriser, le 13 mai 2005, l’ouverture d’un procès en canonisation. Ce fut une exception aux normes qui fixent habituellement un délai de cinq ans entre la mort et l’ouverture du procès. C’est ainsi la première fois, depuis l’instauration en 1588 de nouvelles normes pour les procédures de canonisation, qu’une cause a été ouverte aussi rapidement. Jean Paul Il sera probablement élevé au rang de saint par le pape François le 27 avril 2014. (apic/rz)

Note: Des photos du lieu de pèlerinage de Quarten sont disponibles chez kipa@kipa-apic.ch Prix pour diffusion: 80 francs la première et 60 francs les suivantes.

17 septembre 2013 | 15:41
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 6  min.
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