Lausanne: L’organisation protestante DM échange et mission fête ses 50 ans

La mission, un échange entre Nord et Sud

Lausanne, 22 novembre 2013 (Apic) L’organisation protestante DM échange et mission fête ses 50 ans du 22 au 24 novembre au Casino de Montbenon à Lausanne. Les festivités du 50e anniversaire devraient attirer près de 1’200 invités, dont environ 500 lors du culte de dimanche. Durant ce demi-centenaire, le sens de la mission a beaucoup évolué en Suisse. Il est actuellement compris comme un échange entre Nord et Sud, comme l’exprime le nom de l’organisation.

La salle de conférence de Montbenon accueillait une bonne centaine d’invités, le 22 novembre, qui ont entendu notamment Benedict Schubert analyser le sens du témoignage. Ce missiologue, pasteur à la paroisse protestante St-Pierre à Bâle a été engagé avec son épouse de 1984 à 1993 en pastorale en Angola. Il a été longtemps collaborateur de «DM échange et mission» et de son partenaire alémanique Mission 21.

Un des buts principaux de la fondation du DM, à savoir l’intégration de l’Eglise et de la mission, a-t-il été atteint? S’est-il demandé en début de conférence, tout en répondant clairement: non.

«La mission ne devrait plus être ce que quelques romantiques spirituellement chauffés ne pouvaient pas s’abstenir de poursuivre, mais la manifestation de ce que l’Eglise assumait comme responsabilité dans un mouvement dont Dieu lui-même était l’auteur, l’origine et le garant», a-t-il rappelé au sujet des origines de l’organisation. «Or, cinquante ans après sa fondation, est-ce que DM – échange et mission peut être satisfait et constater avec reconnaissance que sa mission à lui a été accomplie? Est-ce qu’il peut dire que les Eglises auxquelles il est structurellement lié, vivent dans et de la dynamique de la mission?»

«La dynamique missionnaire protestante est très peu profonde en Suisse. La méfiance face à la mission existe également chez les pasteurs, constate Benedict Schubert. «L’image générale de la mission me paraît toujours celle du 19e siècle, mais combinée avec les jugements de valeur du temps présent», affirme-t-il, en soulignant que l’Eglise réformée en Suisse fait face à une baisse du nombre de membres. Dans une vingtaine d’années, les protestants pourraient ne constituer plus que 20% de la population suisse, selon certaines études sociologiques.

Les réticences de la population face à la mission

Benedict Schubert perçoit trois principales raisons aux réticences face à la mission. D’abord, le contour indécis de ce qu’est véritablement l’Eglise. «Par où passe la frontière entre Eglise et non-Eglise?», s’est-il demandé. «Jusqu’il y a relativement peu de temps, nous pouvions dire tranquillement que la mission était accomplie en notre pays. La mission – si vraiment elle est nécessaire – se fait ailleurs, à Cuba ou au Cameroun», explique le conférencier. «Or, à un rythme accélérant, un nombre croissant de Suissesses et Suisses quitte, depuis trente ans les Eglises, et les Cubains et Camerounais (et bien d’autres) sont devenus nos voisines dans le bus, nos collègues du quartier».

Une deuxième réticence face à la mission se trouve dans «l’aphasie religieuse collective», à savoir une énorme difficulté à parler de la foi et de la religion, «d’autant plus en public». «Parler de la foi, parler religion n’appartient dans notre pays qu’aux espaces réservés à cette fin et aux personnes dont on peut attendre qu’ils le font», lance-t-il. «Nous parlons de ce qui oriente notre vie, de Dieu, de l’Evangile dans les temples et églises, sur les cimetières et – selon le canton – à l’école, mais uniquement aux heures et dans les salles désignées».

La troisième réticence face à la mission réside en Suisse dans la méfiance à l’égard de l’étranger, selon Benedict Schubert. «Nous avons commencé à réaliser qu’il y a des êtres humains qui voient le monde et y vivent d’une autre manière que nous, mais nous continuons, me paraît-il, convaincus que ce monde fonctionnerait au mieux, si tout le monde se comportait comme nous. Et le ciel, nous l’imaginons une sorte de Suisse parfaite : ponctuel, propre, avec une comptabilité en ordre», affirme-t-il.

Le conférencier a souligné que si la société n’était plus réceptive face à la prétention de détenir la «vérité absolue», elle restait toutefois sensible au témoignage de la foi. «Je suis convaincu que les gens attendent les témoignages. Un public inondé de reality shows reste sensible à des expériences authentiques», a-t-il affirmé, ajoutant: «L’Eglise, c’est la communauté de celles et ceux qui comprennent leurs expériences et en parlent et vivent comme faisant partie non seulement du récit de leur vie individuelle, mais du grand récit de la mission de Dieu».

Encadré 1:

Interview

Bertrand Quartier, responsable de l’information à DM Echange et Mission à Lausanne

Apic: DM échange et mission fête ses 50 ans, mais le mouvement missionnaire en Romandie date de bien plus longtemps, même de plusieurs siècles, comme la Mission morave, créée en 1732 …

Bertrand Quartier: Oui, il faut savoir que le rassemblement de ces anciens mouvements missionnaires dans les années 50 ou 60 correspond à une époque charnière. Les Eglises fondées dans les pays du Sud sont devenues autonomes. Devant cette situation nouvelle, les Eglise de Suisse romande ont cherché à reprendre elles-mêmes le domaine de la mission des mains de ces mouvements. Elles ont alors lancé le Département missionnaire des Eglises protestantes en Suisse romande, devenu ensuite DM échange et mission.

Il a fallu trouver d’autres formes de relations avec les pays de mission. Des relations moins paternalistes ou perçues comme colonialistes.

Les missions protestantes de Suisse ont toujours travaillé avec les communautés locales, sans chercher à imposer leurs vues ni à collaborer avec le pouvoir politique, ce qui a souvent été mal vu, de la part des colonisateurs par exemple.

Apic: L’indépendance avec l’Etat semble une constante du mouvement missionnaire protestant en Suisse.

Bertrand Quartier: C’est vrai. Cela provient surtout du fait que les premiers missionnaires étaient issus de l’Eglise libre, et non de l’Eglise protestante nationale. Ils disposaient donc d’une plus grande indépendance face aux autorités politiques.

Apic: Et depuis 50 ans, quelle évolution voyez-vous dans le sens de la mission?

Bertrand Quartier: L’évolution se trouve dans le changement même de notre nom. L’accent est davantage mis sur l’échange. Nos missionnaires se rendent, sur demande, dans certains pays en vue d’appuyer le travail qui se fait déjà sur place, et non pour imposer des initiatives pastorales.

Apic: Dans l’Eglise catholique en Suisse, le mouvement missionnaire a tendance à prendre le chemin inverse: en raison de la crise des vocations sacerdotales, de plus en plus de prêtres proviennent de l’étranger. Qu’en est-il dans les Eglises réformées?

Bertrand Quartier: Nous ne connaissons pas encore cette même crise des vocations, mais on peut affirmer sans hésitation que les protestants suivent le même mouvement que les catholiques. Il est cependant vrai que nous avons peu de pasteurs étrangers en Romandie et que leur présence est liée à des parcours individuels.

Apic: Certains missionnaires protestants, notamment en Asie, sont connus pour une attitude de prosélytisme qui leur procure parfois des ennuis de la part des gouvernements.

Bertrand Quartier: Ils surtout issus des milieux pentecôtistes ou évangéliques. Ils sollicitent non seulement l’adhésion des ouailles, mais également leur générosité financière. Il faut avouer que de nombreuses communautés protestantes traditionnelles connaissent une baisse importante de fidèles, alors que les communautés évangéliques sont en croissance.

Apic: Mais ils prennent aussi le nom de «protestants». Cela ne vous pose pas problème?

Bertrand Quartier: Le monde protestant est très diversifié. Il est donc difficile de garder une unité de pastorale. Nous n’avons pas, comme c’est le cas chez les catholiques, une unité de doctrine.

Apic: L’avenir de DM échange et mission?

Bertrand Quartier: Nous resterons dans une dynamique d’échange avec les Eglises du Sud. Une autre mission importante sera de toujours davantage appuyer les Eglises de Suisse dans leurs efforts d’enrichissement et d’échange avec des chrétiens d’autres pays.

Encadré 2:

Trois formes d’envoi en mission

DM Echange et Mission compte une quinzaine de collaboratrices et collaborateurs à son secrétariat à Lausanne. Actuellement entre 15 et 20 missionnaires sont sur le terrain, dans des pays du Sud, ainsi que leur famille.

DM Echange et mission compte trois formes d’envoi en mission :

– Des envois à plus long terme, avec des contrats de 2 ans renouvelable.

– Des civilistes, qui accomplissent cette activité au lien du service militaire, pour une durée de 8 à 10 mois

– Des stages de découverte et de sensibilisation (dans les paroisses, hôpitaux, services sociaux, …) de 1 à 3 mois.

Chaque envoyé suit une semaine commune de formation intensive, alors que ceux qui s’engagent à long terme effectuent des formations complémentaires, en fonction de leur engagement.

On trouve des personnes de tous âges, dont des jeunes retraités qui souhaitent effectuer un petit engagement et vivre une expérience missionnaire, ainsi que des gens de toutes formations, mais surtout dans les domaines de théologie, de la santé, de l’éducation et du développement rural. Les missionnaires engagés à plus long terme sont majoritairement âgés entre 25 et 35 ans, souligne Bertrand Quartier.

Le budget annuel de DM Echange et Mission tourne autour de 4 millions de francs. Les recettes sont assurées par des dons individuels et collectifs, des contributions des paroisses, des quêtes, ainsi que des appuis institutionnels (Pain pour le Prochain, DDC, …), de fondations et même de communes, en fonction des projets.

Encadré 3:

Née de la fusion entre six sociétés missionnaires

Avant 1963, six sociétés de mission exerçaient leur activité dans les Eglises protestantes de Suisse romande: Mission suisse en Afrique du Sud (créée en 1875), Mission de Paris (1822), Mission de Bâle (1815), Mission morave (1732), Société belge d missions protestantes au Congo (1910) et Action chrétienne en Orient (1922).

Le 23 novembre 1963, huit Eglises protestantes de Suisse romande s’unissent et créent le «Département missionnaire des églises protestantes en Suisse romande», qui deviendra «DM Echange et Mission». Le magazine Terre Nouvelle est lancé en 1979. Il est l’œuvre de la collaboration entre DM Echange et Mission, l’Entraide protestante suisse (EPER) et Pain pour le prochain (PPP). En 2005, un accord-cadre de collaboration est signé entre la Fédération des Eglises protestantes de Suisse (FEPS), DM Echange et Mission et Mission 21, son correspondant en Suisse allemande.

(apic/bb)

22 novembre 2013 | 17:48
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 7  min.
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