La persécution des chrétiens a empiré en 2015, indique l'ONG «Portes Ouvertes»

Pour la 14ème année consécutive, la Corée du Nord, «dernier bastion du stalinisme», remporte la première place de l’Index mondial 2016 de la persécution des chrétiens. Publié mercredi 13 janvier 2016 par l’association de défense de la liberté religieuse «Portes Ouvertes», cette liste des pays où la pratique religieuse est interdite ou entravée montre que la persécution des chrétiens a empiré en 2015.

Pour l’ONG, plus de 150 millions de chrétiens sont persécutés dans le monde, et l’islam radical est le facteur principal de persécution dans 35 des 50 pays mentionnés dans l’Index. Les autres facteurs à la source de la persécution des chrétiens sont le nationalisme religieux, les dictatures, l’athéisme post-communiste, les tensions interethniques ou les systèmes maffieux et de crime organisé.

Les actes antichrétiens ont doublé

«Portes Ouvertes» a comptabilisé 7’100 chrétiens tués pour leur foi l’an dernier, contre 4’344 pour le précédent Index. Les assassinats et les actes violents de persécution ne représentent qu’une partie de la persécution subie par les chrétiens, mais il s’agit de la partie la plus visible. Les chiffres mentionnés sont inférieurs à la réalité. De nombreux assassinats sont passés sous silence, car ils ont lieu dans des endroits trop isolés, dangereux ou difficiles d’accès. «Cependant, note l’ONG, ils montrent que le meurtre de chrétiens en raison de leur identification à Jésus-Christ est une dramatique réalité aujourd’hui».

Dans la même période, 2’406 églises ont été détruites ou gravement vandalisées, contre 1’062 un an auparavant. En Chine, on constate une forte augmentation de ce genre de persécution avec 1’500 églises ciblées en 2015, contre 258 en 2014. Le Nigeria reste parmi les pays où les églises sont le plus ciblées (198 en 2015, 108 en 2014). Ces statistiques ne se réfèrent qu’aux cas dûment documentés. De ce fait, il n’y a aucun chiffre pour la Corée du Nord, et ceux de la Syrie et l’Irak sont largement inférieurs à la réalité.

Dans le cas du Nigeria, pour lequel l’ONG a recensé 4’068 chrétiens tués et 198 églises attaquées, «il est probable que les chiffres soient bien plus élevés que cela, car de nombreuses atrocités n’ont pas été rapportées et le caractère religieux des faits violents n’est pas toujours établi».

Les chrétiens, cible de choix des terroristes somaliens et libyens

En ce qui concerne la Centrafrique, le nombre de morts (1’269) et d’églises attaquées (131) ne couvrent que la période qui va de janvier à avril 2015. Ainsi, les chiffres pour la totalité de la période considérée devraient être supérieurs. Au Kenya, 148 étudiants chrétiens ont péri jeudi 2 avril 2015 dans l’attaque menée par les islamistes somaliens ‘shebab’, liés à l’organisation terroriste Al-Qaïda, contre l’Université de Garissa, à 150 km de la frontière somalienne. Les miliciens les avaient séparés des autres étudiants avant de les assassiner.

En Libye, 3 incidents majeurs ont été enregistrés. Ils concernent tous des enlèvements et des assassinats de migrants ou d’expatriés chrétiens. En février 2015, 21 travailleurs immigrés coptes égyptiens ont été assassinés par des djihadistes affiliés au groupe «Etat Islamique».

En avril, 79 réfugiés éthiopiens et érythréens chrétiens ont été enlevés et plus d’une trentaine ont été assassinés. En juin, 86 migrants érythréens chrétiens fuyant la répression politique dans leur pays ont été enlevés par des militants du groupe «Etat Islamique» en Libye.

Impunité des persécuteurs

L’ONG souligne l’importance de comprendre que, plus encore que pour les assassinats, les attaques d’églises ne sont pas juste un fait violent ponctuel. «L’attaque d’une église peut avoir un effet destructeur sur tous les chrétiens qui la fréquentent, et ce, pour longtemps. Les paroissiens auront peur de retourner dans un lieu de culte avec leur famille. Cette crainte peut aussi se propager à d’autres communautés chrétiennes. Une église détruite qui n’est jamais reconstruite reste un témoin de la vulnérabilité des chrétiens et de l’impunité des persécuteurs».

Ce nouveau rapport comptabilise uniquement les actes violents survenus entre le 1er novembre 2014 et le 31 octobre 2015. La Syrie, l’Irak, l’Afghanistan, la Somalie ou le Nigeria, fréquemment cités dans les médias pour des actes anti-chrétiens, font partie du haut du tableau établi par «Portes Ouvertes». En 2015, trois pays ont fait «une poussée de fièvre anti-chrétienne remarquée», à savoir: l’Erythrée, le Pakistan et la Libye.

L’Erythrée, «Corée du Nord de l’Afrique»

L’Erythrée pointe désormais au 3ème rang du classement de l’Index mondial 2016 de la persécution des chrétiens. «Avec le régime dictatorial paranoïaque du président Issayas Afewerki, on peut sans conteste lui décerner le titre de ‘Corée du Nord de l’Afrique’», écrit l’ONG de défense des chrétiens.

Le Pakistan figure en 6ème place, «son plus haut rang jamais atteint». La violence y est comparable à celle du Nigeria. En Libye, le niveau d’insécurité la propulse au dixième rang de l’Index mondial. L’islam radical est le facteur principal de persécution dans 35 des 50 pays mentionnés par l’Index.

L’index 2016 contient deux nouveaux venus: le Niger et le Bahreïn, classés respectivement 49 et 48ème.  Les incursions de Boko Haram ont semé la peur parmi les chrétiens du Niger et les islamistes radicaux ont lancé des émeutes anti-chrétiennes dans les jours qui ont suivi les attentats contre le siège de Charlie Hebdo à Paris. Au Bahreïn, qui était sorti de la liste en 2015, l’islam radical gagne du terrain. La population est de plus en plus influencée par Daech, le soi-disant «Etat islamique». Tant les expatriés, dont le culte ne peut être exercé que dans quelques lieux, que les convertis d’origine musulmane en ressentent les effets, souligne «Portes Ouvertes».

Situation améliorée au Sri Lanka

En revanche, la situation s’est améliorée au Sri Lanka, avec la non-réélection surprise du président nationaliste Mahina Rajapaksa en janvier 2015. Depuis, les deux mouvements bouddhistes extrémistes gardent un profil bas. «Les attaques contre les églises se poursuivent, mais ne sont plus approuvées, ni par le gouvernement ni par la majorité de la population».

Après une première évaluation rapide, dès qu’un pays est considéré comme candidat à figurer sur l’Index, des questionnaires sont remplis par des experts internes et externes à «Portes Ouvertes». Le questionnaire examine les pressions qui restreignent la pratique du christianisme.  Elles sont mesurées dans cinq sphères distinctes: vie privée, vie familiale, vie sociale, vie civile et vie ecclésiale. Une sixième catégorie tient compte des violences faites aux personnes et aux propriétés des chrétiens.


Encadré

L’ONG «Portes Ouvertes» fondée en 1955 par le Néerlandais  Frère André

Fondée en 1955 par le Néerlandais Ann Van Der Bijl, Frère André, bientôt surnommé «le contrebandier de Dieu», l’ONG «Portes Ouvertes» se décrit comme une association indépendante et apolitique au service des chrétiens persécutés ou discriminés à cause de leur foi. Son aide s’adresse à tous les chrétiens, sans distinction de confession. En 2010, elle avait été nominée une première fois par le Parlement européen pour le Prix Sakharov qui honore les personnes ou les organisations qui ont consacré leur existence à la défense des droits de l’homme et des libertés. L’ONG «Portes Ouvertes Suisse», basée à Romanel-sur-Lausanne, fait partie du réseau «Open Doors», qui regroupe une vingtaine d’associations indépendantes œuvrant dans plus de 60 pays. Ce réseau soutient les communautés chrétiennes fragilisées par un environnement hostile partout où les chrétiens manquent de liberté religieuse. (cath.ch-apic/com/po/be)

 

 

Index mondial de la persécution des chrétiens
12 janvier 2016 | 15:13
par Jacques Berset
Temps de lecture: env. 5 min.
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