La secte des «pieds-nus» se dit «soldat de l’islam»

Burkina Faso: Un groupe radical musulman débarque dans le pays

Ouagadougou, 3 août 2012 (Apic) Une mystérieuse secte musulmane dite des pieds-nus» a fait son apparition au Burkina Faso, alors qu’au Mali voisin, les deux tiers du territoire nationale sont contrôlés par des groupes radicaux musulmans: les salafistes d’Al qaïda Maghreb (AQMI) et du Mouvement pour l’unité et la justice en Afrique de l’ouest (MUJAO).

Le quotidien burkinabé «Sidwaya» a rapporté dans son édition du 1er août, que les pieds-nus assument leur appartenance à un courant islamique radical, prônent une application stricte de la charia. La secte est née au Mali. Les Maliens retiennent des «pieds-nus» l’épisode sanglant d’une confrontation qui a entraîné la mort d’un juge et de 10 membres de la secte, en 1998 à Dioila à 135 km de Bamako. Le guide spirituel et un groupe de disciples avaient été condamnés pour cela à la perpétuité, à la suite d’un procès en 2000.

Depuis 2008, ils ont établi leur quartier général au Burkina Faso, dans un hameau discret qu’ils font appeler «Base Bilal», situé à quelques kilomètres de Bobo-Dioulasso, la seconde ville du pays. Bilal était un Ethiopien, premier muezzin de l’islam et compagnon du prophète Mahomet.

Le siège de la secte est dans un no man’s land boisé. Les habitations sont construites principalement en banco, un mélange de boue et de paille. Ils disposent d’une mosquée sans minaret, d’une résidence du guide spirituel, d’une résidence des mariés, d’une autre pour les non mariés. Un drapeau blanc y flotte avec l’inscription «Dieu est unique» en arabe. La mosquée fait office de centre de formation.

A l’intérieur de ce lieu de culte et à côté du Minbar (tribune de prêche de l’imam), deux gros fouets et un glaive y sont placés. Ils sont destinés à corriger tous les contrevenants à la loi islamique, qu’ils appliquent chez eux depuis 2011. Les femmes vivent isolées des hommes.

Tout abandonner pour se retrouver pieds nus

C’est dans le courant de 2009, que les populations de Bobo-Dioulasso ont commencé à croiser, dans leurs rues, ces curieux individus aux pieds nus, habillés de morceaux d’étoffes tissés ou cotonnades de couleur blanche, vivant dans un univers hermétique. Ils ont tous un pont commun: avoir abandonné religion (y compris l’islam ordinaire), famille, amis, biens et argent pour se retrouver pieds nus «sans aucune autre attache que Dieu». De plus en plus d’adeptes rejoignent la secte dans le pays, au point que des sous-bases ont été construites, à Ouagadougou la capitale.

Abdramane Sylla, gourou de la secte, est un vieux barbu. Documents en mains, il a expliqué que les pieds-nus «sont une composante singulière du mouvement islamique qui s’identifie à l’application stricte du glorieux Coran et la Sunna (la tradition musulmane, seconde source de la loi islamique avec le Coran) du prophète».

Selon lui, le Coran et la «pratique purifiée» de la Sunna sont «incontestablement le chemin lumineux que tout musulman doit emprunter pour se rapprocher d’Allah». La simplicité de leur vie, a-t-il poursuivi, découle du fait que selon les écrits et les autres sources de l’histoire, de grands érudits et même des prophètes ont eu à marcher pieds nus dans leur vie. Il a cité en exemple les prophètes Abraham, Issa Ibn Maryam (Jésus, fils de Marie), Mahomet et l’imam Malick. Cet acte de la marche aux pieds nus se manifeste souvent sur ordre divin. «Pieds nus est une conception islamique signifiant pour ses adeptes, l’endurance, la croyance ferme en Allah, le djihad au quotidien. C’est le rejet de tout bien matériel et tout ce qui peut être source de corruption. C’est dominer ses passions», a encore dit le vieux gourou.

Pour Sylla, «Dieu a conçu l’homme à un degré de perfection tel qu’il n’a pas besoin d’artifice pour vivre». Ce qui justifie, leur rejet de tout moyen de transport autre que la marche, et des commodités du monde moderne, telles les chaussures, l’habillement à l’européenne, l’école.

Proches de Boko Haram et des salafistes du Mali

Ils sont en phase avec le Boko Haram du Nigeria et les salafistes qui contrôlent, depuis mars, les régions nord de Gao, Kidal et Tombouctou, au Mali. Car, a indiqué le secrétaire général de la secte, Abdoulaye Traoré, «ceux qui veulent vraiment suivre le prophète Mahomet doivent forcément appliquer la charia, la loi divine qui prime sur celle du monde moderne (les lois de l’Etat)». «Il y a chaque jour des crimes, on n’en parle pas. Pourquoi on qualifie d’inhumains les crimes liés à l’application de la charia?», s’est interrogé Traoré.

Il a rappelé au passage, que la charia a déjà été appliquée au Burkina Faso en 2011 sur leurs bases. Au cours d’une rencontre, l’émir d’une base a été flagellé publiquement, un vendredi, de 80 coups de fouets pour avoir diffamé la secte. La sentence a été prononcée «équitablement» et exécutée dans les conditions prévues par la charia. (apic/ibc/bb)

3 août 2012 | 15:35
par webmaster@kath.ch
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