Le cardinal Robert Prevost apparaît à la loggia de la basilique Saint-Pierre après son élection comme 267e pape | © Kesytone/AP Photo/Alessandra Tarantino
Dossier

Le cardinal américain Robert Francis Prevost élu pape sous le nom de Léon XIV

8 mai 2025 | 19:42
par I.MEDIA
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24 heures de conclave auront suffi aux 133 cardinaux électeurs pour donner un successeur au pape François. Depuis la Loggia de la basilique Saint-Pierre de Rome, le cardinal Dominique Mamberti a annoncé l’élection du cardinal américain Robert Francis Prevost, le 8 mai 2025. Le 267e pape de l’histoire a pris le nom de Léon XIV.

Annoncé par les vaticanistes comme un des ‘papabili’, le cardinal Robert Francis Prevost, 69 ans, a donc été élu en seulement 24 heures. C’est le signe de la volonté des cardinaux de vouloir donner rapidement un chef à l’Église catholique et signifier son unité. C’est le premier pape des États-Unis.

Marqué par son expérience de missionnaire en Amérique latine, discret avec les médias, l’Américain Robert Francis Prevost a été repéré par le pape François pour diriger en 2023 le puissant dicastère chargé de sélectionner les évêques du monde. Créé cardinal cette année-là, ce membre de l’Ordre de Saint-Augustin a un parcours atypique.

Né à Chicago le 14 septembre 1955, Mgr Robert Francis Prevost est issu d’une famille d’ascendance française, italienne et espagnole. Après avoir été formé en mathématiques et en philosophie à l’Université de Villanova à Philadelphie, il entre en 1977 en noviciat chez les augustiniens, où il prononce ses vœux quatre ans plus tard. Il reçoit l’ordination sacerdotale en 1982 à Rome des mains de Mgr Jean Jadot (1909-2009), alors pro-président du secrétariat pour les non-chrétiens, et perçu comme une figure ›progressiste’ au sein de la Curie. Cet archevêque de nationalité belge fut délégué apostolique aux États-Unis de 1973 à 1980, à une époque où la nonciature n’existait pas encore en raison de l’absence de relations diplomatiques formelles entre Washington et le Saint-Siège.

Visiblement ému, Léon XIV a salué la foule rassemblée place St-Pierre | © Vatican Media

Le père Robert Francis Prevost obtient en 1987 un doctorat en droit canonique à l’Angelicum (Université pontificale Saint-Thomas d’Aquin) avec une thèse sur le rôle du prieur local de l’Ordre de Saint-Augustin. Tout en préparant sa thèse, il vit par ailleurs une première expérience missionnaire au Pérou en 1985-86, en tant que chancelier du diocèse de Chulucanas et vicaire de la cathédrale.

Après un retour de quelques mois dans son Illinois natal comme responsable de la pastorale des vocations et directeur des missions pour sa province, il retourne au Pérou en 1988 pour 11 années durant lesquelles il cumule de nombreuses missions dans l’archidiocèse de Trujillo. Il fonde notamment une paroisse dont il sera le premier curé jusqu’en 1999, et sera aussi été prieur de sa communauté, juge ecclésiastique, directeur du séminaire augustinien, ou encore préfet des études et recteur du séminaire diocésain, où il enseigne le droit canonique, la patristique et la morale.

Élu provincial pour sa région d’origine couvrant le Midwest américain, il retourne à Chicago en 1999. Le père Prevost est ensuite élu prieur général de l’Ordre de Saint-Augustin, une charge qu’il exerce durant deux mandats de six ans, de 2001 à 2013. Après une année de transition comme directeur de la formation au couvent de Saint-Augustin à Chicago, premier conseiller et vicaire provincial, il est appelé à l’épiscopat par le pape François en novembre 2014, retournant ainsi dans son ancien pays de mission.

Un évêque missionnaire dans un Pérou instable

D’abord administrateur apostolique du diocèse de Chiclayo, il en devient en septembre 2015 évêque de plein droit. Selon l’édition 2022 de l’Annuaire pontifical, ce diocèse situé au nord du Pérou compte 90 prêtres incardinés, pour une population totale de 1,3 millions d’habitants, parmi lesquels 83% de catholiques. Mgr Prevost exerce par ailleurs la charge d’administrateur apostolique du diocèse de Callao, le grand port sur le Pacifique, de 2020 à 2021.

Le pape Léon XIV a salué la foule, prononcé un discours et dit une «Je vous salue Marie» | © Vatican media

Au sein de la conférence des évêques du Pérou, Mgr Prevost occupe les fonctions de vice-président et de membre du conseil permanent de 2018 à 2023, et de président de la commission pour l’éducation et la culture de 2019 à 2023.

Les évêques du Pérou jouent un rôle important de stabilité institutionnelle durant les crises politiques successives qui mènent aux renversements successifs des présidents Pedro Pablo Kuczynski en 2018, Martín Vizcarra et Manuel Merino en 2020, et Pedro Castillo en 2022. Quelques jours avant sa chute et son arrestation, ce dernier, issu de la gauche radicale, est reçu par le président de la conférence épiscopale et par Mgr Prevost, afin de trouver une solution pacifique «dans ce moment très difficile de la vie démocratique péruvienne», soulignent alors les évêques, qui avaient eu jusqu’alors des relations difficiles avec son administration.

Mgr Prevost est donc un bon connaisseur de la réalité politique et sociale de l’Amérique du Sud. Il est à souligner qu’au sein de l’épiscopat latino-américain, les ressortissants des États-Unis sont rares. La conférence épiscopale du Pérou compte cependant un autre Américain: il s’agit de Mgr Arthur Colgan, religieux de l’Ordre de la Sainte-Croix, qui est évêque auxiliaire de Chosica depuis 2015.

Le Pérou, un pays relativement petit à l’échelle de l’Amérique latine mais néanmoins grand comme deux fois la France, a reçu la visite du pape François en janvier 2018: ce voyage lui a donc permis de rencontrer et de repérer Mgr Prevost, qu’il a reçu en audience privée en 2021.

Un profil missionnaire original au sein du dicastère pour les Évêques

L’ascension de Mgr Robert Prevost au sein de la Curie romaine a fait l’objet de spéculations durant plusieurs années, car il est devenu membre du dicastère pour le Clergé en juillet 2019, et du dicastère pour les Évêques en novembre 2020: ces nominations discrètes peuvent parfois constituer un premier indice en vue d’une prise de responsabilité au sein de la Curie romaine.

En prenant la succession effective du cardinal Ouellet le 12 avril 2023, il est devenu le premier évêque missionnaire hors de son pays d’origine à être nommé à la tête de ce dicastère stratégique, chargé de sélectionner les évêques des diocèses des pays de ›chrétienté ancienne’, essentiellement situés dans l’hémisphère Nord. Les évêques des terres de mission demeurent sous la juridiction du dicastère pour l’Évangélisation, l’ex-congrégation pour l’Évangélisation des peuples.

Cependant, des évêques venus des pays de l’hémisphère Sud ont parfois occupé la charge de préfet du dicastère pour les évêques: ce fut notamment le cas du cardinal béninois Bernardin Gantin de 1984 à 1998 et de son successeur, le cardinal brésilien Lucas Moreira Neves, de 1998 à 2000.

Durant ses premières années de mandat, le cardinal Prevost, resté relativement discret dans les médias, a été apprécié par sa qualité d’écoute et sa maîtrise des dossiers. Un évêque français l’ayant rencontré deux mois après sa prise de poste salue ainsi ses «questions judicieuses» et son esprit de synthèse, soulignant que ce premier contact lui avait laissé une «bonne impression».

Critiques sur sa conduite dans une affaire d’abus

Ses deux années à la tête de la province augustinienne Notre-Dame-du Bon Conseil (1999-2001) ont fait l’objet, 20 ans plus tard, de vives critiques de la presse américaine en raison d’une affaire d’abus sexuels sur mineurs impliquant un membre de sa congrégation. En tant que provincial, le Père Prevost avait en effet donné en septembre 2000 son accord pour l’accueil d’un religieux condamné à neuf ans de mise à l’écart pour abus sexuels sur mineurs, le Père James Ray, dans un prieuré augustinien situé près d’une école primaire.

Durant deux ans, ce religieux a continué à célébrer des mariages et des baptêmes, exerçant par ailleurs un ministère d’aumônier d’hôpital. Ce n’est qu’en 2002, avec le durcissement des règles établies par l’épiscopat américain, que ce prêtre a été écarté de cette résidence, avant d’être laïcisé en 2012 après la découverte de nouvelles affaires le mettant en cause.

À l’automne 2024, il fait par ailleurs face à l’accusation d’avoir cherché à couvrir deux cas de prêtres pédophiles dans son ancien diocèse de Chiclayo. L’administrateur apostolique de ce diocèse défend alors vigoureusement défendu son prédécesseur en précisant qu’il avait bien transmis les dossiers au procureur et au dicastère pour la Doctrine de la foi, et que son action était conforme aux règles du droit civil comme du droit canonique.

le cardinal Prevost est apparu comme l’une des figures les plus visibles de la seconde assemblée synodale, en 2024 | © Vatican Media

Plus récemment, en mars 2025, le cardinal Prevost a fait l’objet de nouvelles attaques venant cette fois du réseau SNAP (Survivors Network of those Abused by Priests) l’accusant d’avoir mené des «actions et omissions vouées à interférer ou à éviter une enquête civile ou canonique, administrative ou pénal, contre certains prêtres du diocèse de Chiclayo». Un courrier adressé par cette organisation au cardinal Parolin, alors secrétaire d’État du Saint-Siège, serait resté sans suite.

En tant que préfet du dicastère pour les Évêques, le cardinal Prevost avait pour mission d’appliquer les règles du motu proprio du pape François Vos estis lux mundi, qui peut amener à la démission d’évêques reconnus coupables de négligence, de couverture ou de mauvaise gestion de cas d’abus impliquant des prêtres situés sous leur juridiction.

Membre du Synode sur la synodalité

Membre du Synode sur la synodalité, ce grand chantier lancé par le pape en 2021 pour rendre l’Église plus inclusive et moins cléricale, le cardinal Prevost a été particulièrement impliqué dans les réflexions sur les nominations d’évêques et leur mode de gouvernance. Devant les journalistes, il n’a pas hésité à dire que le processus de sélection des candidats à l’épiscopat devait être plus synodal, c’est-à-dire impliquer toujours plus les prêtres, les religieux et surtout les laïcs. Il faut selon lui que les nonces – qui ont notamment la mission de mener cette tâche – aillent au contact des gens et des groupes paroissiaux.

Certes, pour le cardinal Prevost, un évêque doit être un leader. Mais il ne peut pas être un simple administrateur d’entreprises tant l’Église a besoin de pasteurs qui connaissent leur peuple. Dans un entretien aux médias du Vatican en 2023, il assure pour autant ne pas souhaiter que le choix des évêques soit le résultat d’un processus démocratique ou politique.

Dans le même registre, début 2024, il a fait partie des évêques de la Curie qui bloquent le projet de «Conseil synodal» du Synode allemand – structure voulue pour permettre à des représentants laïcs désignés démocratiquement de participer pleinement à la gouvernance de l’Église catholique outre-Rhin.

Sur la question du rôle des femmes dans la gouvernance de l’Église, le cardinal américain suivait la ligne du pape François en écartant a priori la possibilité de l’ordination de femmes diacres, une décision qui risquerait finalement de «cléricaliser» la femme. Le cardinal Prevost plaidait cependant pour donner davantage d’espace aux femmes, et notamment à des postes de responsabilités. Son dicastère a d’ailleurs connu une petite révolution sous le pontificat de François puisque trois femmes y siègent dorénavant, parmi lesquelles la religieuse française Yvonne Reungoat.

Relativement discret lors de l’assemblée de l’automne 2023, le cardinal Prevost est apparu comme l’une des figures les plus visibles de la seconde assemblée synodale, en 2024. Il a notamment mis en valeur l’importance d’une formation commune pour les évêques des diocèses de l’hémisphère Nord et ceux des diocèses dits «de mission», invitant à mieux articuler le lien entre Rome et les Églises locales et à élargir la sélection des nouveaux évêques en consultant le peuple de Dieu. (cath.ch/imedia/hl/rz)          

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Le cardinal Robert Prevost apparaît à la loggia de la basilique Saint-Pierre après son élection comme 267e pape | © Kesytone/AP Photo/Alessandra Tarantino
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Depuis la Loggia de la basilique Saint-Pierre de Rome, le cardinal Dominique Mamberti a annoncé l’élection du cardinal américain Robert Francis Prevost, le 8 mai 2025. Le 267e pape de l’histoire a pris le nom de Léon XIV.

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