Le cardinal Philippe Ouédraogo a été évêque de Ouagadougou depuis 2009 | © Maurice Page
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Le cardinal Ouédraogo quitte son diocèse de Ouagadougou

Le pape François a accepté la démission pour raison d’âge du cardinal Philippe Nakellentuba Ouédraogo de sa charge d’archevêque de Ouagadougou, au Burkina Faso, le 16 octobre 2023. À 78 ans, celui qui reste l’une des grandes figures de l’Église catholique en Afrique et une personnalité morale importante dans son pays est encore cardinal électeur en cas de conclave jusqu’au 25 janvier 2025, jour où il atteindra les 80 ans.

Pour le remplacer, le pape a nommé Mgr Prosper Kontiébo, jusqu’à présent évêque de Tenkodogo, dans le centre-est du pays, depuis 2012. Né en 1960 à Boassa, dans l’archidiocèse de Ouagadougou, il a fait ses vœux perpétuels en 1988 au sein de l’Ordre des Clercs réguliers pour les malades (Camilliens) fondé par saint Camille de Lellis (1550-1614).

À 63 ans, Mgr Prosper Kontiébo prend la suite du cardinal Ouédraogo qui était à la tête de l’archidiocèse depuis 14 ans. Créé cardinal lors du premier consistoire convoqué par le pape François en 2014, Philippe Ouédraogo avait été élu en 2019 et pour trois ans président du Symposium des Conférences épiscopales d’Afrique et de Madagascar (Sceam).

Un cardinal médiateur dans un pays déstabilisé

Né en 1945 à Konéan, dans le diocèse de Kaya, au nord de Ouagadougou, Philippe Nakellentuba Ouédraogo est issu d’une famille aux origines musulmanes. Cela ne l’empêche pas d’entrer au petit séminaire puis au séminaire une fois son baccalauréat en poche. Celui qui est surnommé « petit berger de la savane burkinabé » est ordonné prêtre en 1973 pour le diocèse de Kaya. D’abord vicaire, il part poursuivre sa formation à Rome, à l’université pontificale urbanienne. Quatre ans plus tard, en 1982, il y obtient un doctorat en droit canonique. De retour au «pays des hommes intègres», le jeune prêtre devient curé de la cathédrale de Kaya.

En 1996, Jean Paul II le nomme évêque d’Ouahigouya, dans le nord du pays, un diocèse à très forte majorité musulmane. Il a 51 ans et s’implique alors dans la mise en application du premier synode spécial pour l’Afrique qui vient d’avoir lieu à Rome. En 2001, il est élu à la tête de la Conférence épiscopale du Burkina Faso et du Niger, poste qu’il assure jusqu’en 2007. Deux ans plus tard, Benoît XVI le nomme archevêque de Ouagadougou. Là, il s’engage pleinement dans le dialogue avec les autres religions, notamment l’islam – il participe par exemple aux prières de la rupture du Ramadan -, ou encore avec les religions traditionnelles, que pratique 15% de la population.

Refus de fonction politique

L’unité des chefs religieux face aux violences est une clé pour assurer la paix dans cette région d’Afrique bouleversée après l’effondrement du régime libyen en 2011. Depuis, le Sahel a été inondé d’armes et de combattants après la chute de Kadhafi et le Mali, au nord du Burkina Faso, est devenu une plaque tournante du djihadisme. Dans le nord du Burkina Faso, les attaques se multiplient à partir de 2015, causant la mort de milliers de personnes et jetant sur les routes des centaines de milliers de familles. Démuni face à la montée de l’extrémisme islamique qui met en branle les équilibres communautaires, il rappelle que les chrétiens ne sont pas les seules victimes de ces atrocités et que les musulmans en payent un lourd tribut.

Lors du soulèvement populaire de 2014 qui chasse le président burkinabé Compaoré du pouvoir, les responsables religieux se placent aux côtés du peuple et offrent une médiation pour une transition non violente. Alors chargé de mettre en place les structures de cette alternance, le prélat refuse l’idée que l’archevêque de Bobo-Dioulasso, Mgr Paul Ouédraogo, endosse les fonctions de président de transition, estimant qu’un homme d’Église ne peut conduire le destin politique d’un pays.

Quelques années plus tard, début 2022, alors que c’est au tour du président Kaboré de voir son pouvoir vaciller en raison de son incapacité à endiguer la violence djihadiste, il est appelé en urgence comme médiateur pour que le chef de l’État puisse partir sans que la situation ne finisse en bain de sang.

Conservateur sur le plan de la doctrine de l’Église

Figure morale et homme de dialogue, il n’hésite pas à s’attaquer à ceux qui, sous prétexte de tradition, exercent la sorcellerie ou bien accusent certaines femmes de ces pratiques. À Ouagadougou, un foyer d’accueil sera d’ailleurs ouvert pour accueillir ces femmes chassées de leurs villages pour de la prétendue sorcellerie.

En 2014, il est créé cardinal par le pape François et devient ainsi le deuxième burkinabé à recevoir la barrette cardinalice, quatorze années après le décès du cardinal Paul Zoungrana. Quelques mois plus tard, il participe aux deux synodes sur la famille – 2014-2015.

Conservateur sur le plan de la doctrine de l’Église et sa vision de la famille, il écrit par exemple dans son message de Pâques 2021 que «les familles chrétiennes et africaines devraient se rebeller contre l’impérialisme de certains lobbys et associations qui prônent et veulent imposer le mariage homosexuel, le libertinage sexuel, le divorce.» Il s’érige également contre les politiques anti-natalistes et tacle ceux qui imputent à la démographie africaine la responsabilité de la pauvreté sur ce continent. (cath.ch/imedia/hl/rz)

Le cardinal Philippe Ouédraogo a été évêque de Ouagadougou depuis 2009 | © Maurice Page
16 octobre 2023 | 14:16
par I.MEDIA
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