«Le christianisme a-t-il fait son temps?»

Porrentruy: Conférence de Carême de l’abbé Jean-Marie Ploux

Porrentruy, 6 avril 2011 (Apic) C’est à l’initiative de l’équipe pastorale des Sources que Jean-Marie Ploux est venu à Porrentruy, notamment pour présenter et débattre de son livre «Dieu n’est pas ce que vous croyez!». Prêtre de la Mission de France, un diocèse destiné à porter la Parole dans tout le pays, il a invité ses auditeurs à revoir les représentations mystiques ou métaphysiques qu’ils peuvent se faire de Dieu pour mieux le redécouvrir à travers l’humanité de Jésus.

«Nous avons souhaité durant ce Carême prendre un temps de réflexion, pour l’ensemble de notre Unité pastorale, sur Dieu. Mais qui c’est finalement ce Dieu? Quels liens y a-t-il entre lui et Jésus? C’est pour nous apporter son éclairage que l’abbé Jean-Marie Ploux nous a fait l’amitié de passer quelques jours en Ajoie.» C’est par ces quelques mots que l’abbé Pierre Girardin a souhaité la bienvenue à son hôte, le 29 mars dernier, pour cette conférence qui réunissait une bonne cinquantaine de membres du groupe bruntrutain du Mouvement chrétien des retraités (MCR). Puis le curé de Porrentruy énumère succinctement son parcours atypique. «Né en 1937, Jean Marie Ploux est entré au séminaire de la Mission de France en 1962 et a été ordonné prêtre en 1969. Après quatre années passées en Algérie, des études d’arabe et d’islamologie à Rome et un séjour de cinq ans en Egypte, il est nommé vicaire général de la Mission de France. A l’issue de son mandat, il s’installe à Marseille où il poursuit sa réflexion sur le dialogue interreligieux. Depuis 1996, il réside à Bergerac où, en plus de sa collaboration dans la paroisse locale, il garde un poste de formateur à la Mission de France et poursuit son travail de théologien.»

Pendant toute cette intervention, par timidité ou par modestie, Jean-Marie Ploux a les yeux rivés dans son propre livre, un petit sourire aux lèvres.

«Un Dieu qui nous prie»

En ouverture de son exposé, Jean-Marie Ploux revient sur le prologue de son livre «Dieu n’est pas ce que vous croyez!» où il cite Raymond Devos à travers un sketch dans lequel l’humoriste raconte avoir rencontré Dieu en train de prier dans une église: «Je me suis dit: Qui prie-t-il? Il ne se prie pas lui-même. Pas lui? Pas Dieu? Non! Il priait l’homme! Il me priait, moi! Il doutait de moi comme j’avais douté de lui! Il disait: Ô Homme! Si tu existes, un signe de toi! J’ai dit: Mon Dieu, je suis là! Il m’a dit: Miracle! Une humaine apparition! Je lui ai dit : Mais mon Dieu… comment pouvez-vous douter de l’existence de l’homme, puisque c’est vous qui l’avez créé? Il m’a dit: Oui… mais il y a si longtemps que je n’en ai pas vu un dans mon église… que je me demandais si ce n’était pas une vue de l’esprit! Je lui ai dit: vous voilà rassuré mon Dieu! Il m’a dit: Oui! Je vais pouvoir leur dire là-haut: L’homme existe, je l’ai rencontré!»

Jean-Marie Ploux enchaîne avec la citation d’un autre comique: Michel Boujenah. «Depuis la nuit des temps, dit Dieu, que j’écoute la prière des hommes, j’aimerais tant que, pour une fois, des hommes écoutent la prière de Dieu. La prière de Dieu aux hommes! J’aimerais tant!»

«Un Dieu qui nous prie… Je trouvais bien de commencer mon livre par ce renversement pour parler de la situation de la société dans laquelle on vit… un monde qui est devenu irréligieux. Notre société se définit par et pour l’Homme. Cette société humaniste, centrée sur l’Homme, divorce d’avec ce Dieu, considéré par certains comme intolérant, juge, ou empêcheur de liberté. Aujourd’hui nous vivons dans une société complètement sécularisée.» Un phénomène que Jean-Marie Ploux regrette bien sûr et qui, selon lui, n’a cessé d’évoluer depuis la Révolution française et la séparation des Eglises et de l’Etat en 1905: «notre société et les Hommes qui la composent se sont progressivement soustraits à la pensée religieuse.»

Avoir un discours accessible

«Certes mon titre est un peu curieux, ’Dieu n’est pas ce que vous croyez!’ J’ai l’air de prétendre que vous ne savez pas ce que c’est et que moi je sais. Ça peut paraître un peu prétentieux, mais je vous assure que ce n’est pas le cas». Jean-Marie Ploux explique alors qu’il a écrit son livre en pensant à ceux qui ne sont pas chrétiens ou ceux qui se sont éloignés de l’Eglise. Pour lui, il y a un problème de communication à travers le langage utilisé à l’église: «Qu’est-ce que l’on dit lorsqu’on parle de Dieu? Et qu’est-ce que les gens entendent lorsqu’on parle de Dieu?»

Pour lui, les images du catéchisme sont révolues. «Raconter le péché originel à un jeune d’aujourd’hui, à travers la symbolique histoire d’Adam et Eve autour d’une pomme et d’un serpent, c’est au risque d’entendre ’ça va pas pépé? Tu débloques?’ Et c’est vrai qu’on ne peut plus représenter les choses comme ça! Il faut être fidèle à la foi chrétienne et en même temps savoir parler à nos contemporains dans leur langage et en tenant compte de leur culture.»

Pour Jean-Marie Ploux ce langage imagé de l’Eglise ne «passe plus»: «Un Dieu en colère qui a besoin du sacrifice de son fils pour expier la faute originelle, ça ne passe plus non plus! On ne peut plus parler comme ça! Et si on ne peut plus le dire, qu’est-ce qu’on dit?»

A propos de la résurrection

«Quand j’étais gamin, dans mon livre de catéchisme il y avait cette question: Quel est le plus grand miracle de Jésus? La réponse était: Il a ressuscité des morts. Ça fait deux bêtises. La première c’est que Jésus n’a pas ressuscité lui-même, puisque l’écriture dit que c’est Dieu qui l’a ressuscité d’entre les morts. La seconde, c’est que la résurrection n’est pas un miracle. Si la résurrection s’était déroulée comme au cinéma, Jésus se serait relevé, on l’aurait vu, mais ce n’est pas le cas.» Pour le conférencier, la résurrection a été une expérience de foi pour les disciples, mais ça n’a pas été quelque chose de spectaculaire: «Il n’y a que Lazare qui est revenu à la vie.»

«Jésus ne savait pas tout!»

Jean-Marie Ploux pense qu’il est important de revenir à l’humanité de Jésus: «Quand on lit la vie du Christ, comme il est le fils de Dieu, on projette sur lui ce que l’on connaît sur son père. Alors si Dieu sait tout, Jésus aussi savait tout. Dans ce cas-là, c’était un homme qui n’avait pas besoin de la foi. Mais si on dit ça, alors Jésus n’est plus un homme, c’est un surhomme ! Parce qu’un homme c’est vous et moi… et nous, on est des hommes et des femmes de foi. Et bien Jésus, c’était aussi un homme de foi. Jésus ne savait pas tout et ne pouvait pas tout. Les récits évangéliques, en particulier ceux de sa mort, le démontrent. Il faut donc essayer de comprendre Dieu à partir de l’homme Jésus et non l’inverse.»

Avant de signer «Dieu n’est pas ce que vous croyez!», aux Editions Bayard (2008), Jean-Marie Ploux a publié une demi-douzaine d’ouvrages, dont: «Le christianisme a-t-il fait son temps?», aux éditions de L’Atelier (1990), «Le dialogue change-t-il la foi?» également à L’Atelier (2007). (apic/pt/sic/bb)

6 avril 2011 | 09:50
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture: env. 5 min.
Carême (160), Porrentruy (19)
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