Professeur Reinhard Schulze, spécialiste de l'islam à l'Université de Berne (Image: DRS)
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Le Coran appelle-t-il à la violence?

Berne, 5 février 2015 (Apic) Le Coran appelle-t-il à la violence? Reinhard Schulze, spécialiste de l’islam à l’Université de Berne, explique que le livre sacré des musulmans contient effectivement des commandements de tuer ou de faire la guerre, mais rappelle qu’ils sont liés à des conditions précises et à des contextes particuliers.

 

Kath.ch: Le Coran appelle-t-il à la violence?

Reinhard Schulze: Si l’on entend par ‘appel à la violence’ un commandement explicite de Dieu de tuer, on trouve dans le Coran quatre passages qui contiennent une telle injonction. Ils stipulent que, dans des circonstances bien définies, les personnes qui empêchent de façon violente les musulmans de pratiquer leur culte, ou qui menacent la religion musulmane elle-même en adorant un autre dieu à côté du Dieu unique (polythéistes, ndlr), doivent être tués, à moins qu’ils ne se distancient de leur comportement. Les commentateurs du Coran ont replacé ces passages dans le contexte concret de Médine. Ils n’étaient pas d’accord entre eux si les passages étaient à prendre dans ce contexte particulier ou d’une manière générale.

Kath.ch: Alors, les autres religions ne représentent pas une trahison pour l’islam?

Reinhard Schulze: Le Coran ne considère comme religions adversaires que celles qui mettent en danger l’idée d’un Dieu unique. Ce peut être le cas d’un culte qui empêche par la violence la pratique de la religion islamique. Mais le Coran exige de respecter tout autre culte, pratiqué dans un autre endroit. Les quatre versets qui contiennent un commandement de tuer ne remettent pas en question le respect des autres religions.

Kath.ch: Les chrétiens vénèrent un Dieu trinitaire. Cela ne met-il pas en danger le culte du Dieu unique?

Reinhard Schulze: Du moment que, d’après le Coran, il n’y a qu’un seul Dieu, qui au dernier jour jugera de la fidélité des hommes à son égard, les juifs et les chrétiens ne représentent pas de menace pour l’islam. D’un point de vue coranique, les juifs et les chrétiens peuvent également être fidèles à Dieu. Ce n’est que lorsque ceux-ci empêchent les musulmans de pratiquer leur culte qu’ils sont considérés comme des adversaires. Le concept chrétien de trinité est certes faux d’un point de vue coranique, mais ce n’est pas quelque chose que le livre sacré considérerait comme une menace.

Kath.ch: Le Coran contient-il d’autres formes de violence?

Reinhard Schulze: Outre ces quatre passages où un commandement explicite de tuer est formulé, il y en a d’autres où une situation de combat est mentionnée. Ils décrivent pour la plupart des circonstances liées au fait que les musulmans, à Médine, ont été entraînés dans une lutte violente. Ceci vaut particulièrement pour les sourates de Médine plus tardives, alors qu’une communauté musulmane était progressivement en train de prendre forme. Dans les sourates précoces de Médine, il s’agit surtout de références à l’histoire biblique, dans lesquelles un prophète est par exemple menacé de mort ou dans lesquelles sont relatés des combats entre personnes. Ce sont des éléments narratifs mythiques, qui apparaissent aussi et surtout dans l’Ancien Testament.

Kath.ch: Le Coran enjoint-il à se battre pour sa foi?

Reinhard Schulze: Dans le Coran, il y a deux lieux et deux temps de révélation différents: La Mecque entre 610 et 622, et à Médine, entre 622 et 632, suite à l’exil du Prophète et de sa communauté. Pour la communauté à Médine, la conquête de la souveraineté sur la sainte maison de Dieu, la Kaaba à La Mecque, revêtait une importance décisive. Les efforts pour la récupération de la Kaaba ont été décrits comme un «djihad», un combat. Ceux qui luttaient dans ce but étaient considérés comme des combattants sur le chemin de Dieu.

Kath.ch: Mais les musulmans ont depuis lors regagné ce lieu saint…

Reinhard Schulze: Avec l’occupation pacifique de La Mecque par la communauté musulmane de Médine, en 630, le but du «combat» a été atteint. Mais la notion rhétorique du combat pour Dieu est restée, formant une part de la mémoire historique de l’islam. Plus tard, des juristes musulmans se sont basés sur ce concept de combat dans la voie de Dieu pour ériger des normes légales d’après lesquelles on peut décider quand un tel combat est acceptable. Mais c’est seulement beaucoup plus tard que certains mouvements islamiques ont utilisé ce concept de djihad pour justifier leurs luttes du point de vue islamique. (apic/sy/rz)

Professeur Reinhard Schulze, spécialiste de l'islam à l'Université de Berne (Image: DRS)
6 février 2015 | 14:53
par Bernard Bovigny
Temps de lecture: env. 3 min.
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