Le pape François, patriarche d'Occident et le patriarche oecuménique Bartholomée, ici en 2014, discutent dans la perspective des 1700 ans du Concile de Nicée, en 2025 | © Wikimedia Commons
Vatican

Le pape met le 1700e anniversaire du Concile de Nicée à son agenda

La présence du pape François au 1700e anniversaire du concile de Nicée, le premier grand concile œcuménique, donnerait un coup de fouet à son programme œcuménique, mais elle sera aussi l’occasion pour le pontife de faire avancer le dialogue avec l’islam, auquel il est particulièrement attaché, et son programme géopolitique pour la région.

Bernard Hallet avec Crux

Bien qu’il ait déjà exprimé son désir de se rendre en Turquie pour la commémoration du concile de Nicée, qui s’est tenu en 325 après J.-C. dans ce qui est aujourd’hui İznik, dans le nord-ouest de la Turquie, le pape a renouvelé cette semaine son souhait de s’y rendre. François a déjà exprimé à plusieurs reprises son souhait de célébrer cet anniversaire au côté du patriarche Bartholomée, qu’il a rencontré une quinzaine de fois depuis 2013 et avec lequel il a tissé une relation d’amitié. Le 28 novembre, le pontife a assuré qu’il «pense (se) rendre» à cette commémoration, lors d’une audience à la Commission théologique internationale.

Un souhait réitéré

Et François a écrit une lettre, rendue publique le 30 novembre, remise au patriarche œcuménique Bartholomée Ier par l’intermédiaire du cardinal Kurt Koch, dans laquelle il réitère, noir sur blanc, son souhait de se rendre en Turquie en 2025.

Soixante ans après la promulgation du décret Unitatis Redintegratio, où l’Église catholique s’est engagée dans le mouvement œcuménique, le pape François reconnaît que «les divisions qui remontent à un millénaire ne peuvent être résolues en quelques décennies». Mais il enjoint à ne pas «perdre l’espoir que cette unité [entre les chrétiens] puisse être réalisée au cours de l’histoire et dans un délai raisonnable». 

Le patriarche œcuménique Bartholomée Ier, chef de la plupart des chrétiens orthodoxes du monde et bon ami du pape François, a fait allusion pour la première fois à une visite papale pour cet anniversaire. Il s’est exprimé en mai lors d’un voyage à Lisbonne, au Portugal, déclarant que le pape «veut célébrer ensemble cet anniversaire très important».

L’œcuménisme, une place importante dans le jubilé

Si le pape François se rend en Turquie en 2025, il s’agira du cinquième voyage papal en République de Turquie, et de sa deuxième visite dans le pays après celle de novembre 2014. Depuis le début de son pontificat, François a fait de l’œcuménisme une priorité, notamment en ce qui concerne les relations avec les Églises orthodoxes.

L’œcuménisme devrait être un thème sous-jacent important du Jubilé de l’Espérance 2025. Dans sa bulle d’indiction pour le Jubilé, publiée au début de l’année, le pape a fait plusieurs références à ce sujet. Il a notamment évoqué l’anniversaire, l’année prochaine, du Concile de Nicée qui, entre autres, a produit le Credo de Nicée récité pendant la messe, affirmé la pleine divinité du Christ et établi une formule pour déterminer la date de Pâques.

«L’œcuménisme du sang»

Les Pères du Concile ont choisi de commencer ce Credo en utilisant pour la première fois l’expression «Nous croyons», en signe que toutes les Églises sont en communion et que tous les chrétiens professent la même foi», a déclaré le pape dans la bulle. Il a exprimé l’espoir que les membres d’autres Églises et communautés chrétiennes participeraient au jubilé et a noté en particulier la coïncidence des commémorations de Nicée avec l’année jubilaire.

«J’espère vivement que le jubilé donnera lieu à des célébrations œcuméniques afin de mettre en lumière la richesse du témoignage de ces martyrs». François, qui tout au long de son pontificat a parlé de «l’œcuménisme du sang», faisant référence à l’assassinat de chrétiens pour leur foi sans tenir compte de la confession à laquelle ils appartiennent, a déclaré que ces martyrs, «issus de différentes traditions chrétiennes, sont aussi des semences d’unité, des expressions de l’œcuménisme du sang».

En juillet dernier, le pape a créé une «Commission des nouveaux martyrs – témoins de la foi» au sein du Dicastère du Vatican pour les causes des saints, afin de dresser la liste des chrétiens tués pour leur foi depuis l’an 2000.

Pâques simultanément pour les catholiques et les orthodoxes

La plupart des traditions chrétiennes, y compris l’Église catholique, suivent le calendrier grégorien, tandis que certaines, dont de nombreuses Églises orthodoxes, continuent de célébrer selon l’ancien calendrier julien. Selon leur confessions, les chrétiens ne célèbrent pas Pâques en même temps. Toutefois, a relevé le pape, en 2025 Pâques tombera le même jour dans les calendriers julien et grégorien.

Dans la bulle jubilaire, le pape François a prié pour que cette coïncidence «serve d’appel à tous les chrétiens, d’Orient et d’Occident, pour qu’ils fassent un pas décisif vers l’unité autour d’une date commune pour Pâques. Il est bon de rappeler que beaucoup de gens, ignorant les controverses du passé, ne comprennent pas comment les divisions à ce sujet peuvent continuer à exister.»

Resserrer les liens avec l’islam

Outre son programme œcuménique, la visite potentielle du pape en Turquie lui offrirait une nouvelle occasion de resserrer les liens avec l’islam, puisque 99,8 % de la population turque est musulmane. Ce serait également l’occasion pour François d’essayer de faire bouger les choses sur des questions régionales importantes telles que le statut du Liban et la guerre à Gaza.

En août, pendant les Jeux olympiques (JO) internationaux d’été, le président turc Recep Erdoğan a fait pression sur le pape pour qu’il fasse une déclaration publique condamnant ce qu’il a qualifié de «ridicule» concernant les valeurs morales et religieuses pendant les JO. Une demande formulée à la suite de débats sur le genre et des réactions négatives suscitées par ce qui est apparu comme une parodie de la Cène réalisée par des travestis, lors de la cérémonie d’ouverture. Le Saint-Siège, et non le pape, s’est finalement dit «attristé» par cette séquence de l’ouverture des JO.

Dans un message ultérieur sur les médias sociaux le président turque a affirmé qu’il avait également discuté avec le pape de la guerre à Gaza et qu’il avait suggéré que le pape François organise des discussions avec les pays soutenant Israël dans le cadre des efforts diplomatiques visant à éviter l’escalade.

En laissant le Saint-Siège exprimer sa tristesse à propos de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques, le pape François a affiché une unité avec les musulmans qui sera probablement renforcée lors de sa visite en Turquie. Le pontife s’est également positionné comme pouvant jouer un rôle dans l’instauration de la paix en Terre sainte, une position que le Vatican tient beaucoup à conserver.

Coup triple pour le pape

Il est donc possible qu’au cours de sa visite en Turquie, après avoir jeté cet os à Erdoğan pour les JO, le pape François ne se contente pas de consolider ses relations avec les orthodoxes, mais qu’il occupe également une position plus forte lorsqu’il rencontrera les dirigeants islamiques et se rendra à ses réunions bilatérales à huis clos.

Avec sa deuxième visite en Turquie, le pape peut jouer un coup triple: renforcer le dialogue catholique-orthodoxe, faire progresser les liens catholiques-islamiques et promouvoir la cause de la paix dans ce qui reste une région profondément fracturée. (cath.ch/crux/imedia/bh)

Le pape François, patriarche d'Occident et le patriarche oecuménique Bartholomée, ici en 2014, discutent dans la perspective des 1700 ans du Concile de Nicée, en 2025 | © Wikimedia Commons
1 décembre 2024 | 12:08
par Bernard Hallet
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