Le pape souhaite l’aboutissement de la béatification controversée de Léon Dehon
Rome, 5 juin 2015 (Apic) Le pape François a expressément souhaité l’aboutissement de la cause de béatification du prêtre français Léon Dehon (1843-1925), bloquée en 2005 en raison d’écrits antisémites du fondateur de la congrégation des Prêtres du Sacré-Cœur. Recevant au Vatican le 5 juin 2015 quelque 120 religieux de cet institut réunis en chapitre général, le pape a souhaité que l’histoire du «quasi bienheureux Dehon» soit étudiée «avec l’herméneutique de l’époque».
Devant les religieux, le pape François a une nouvelle fois mis de côté le discours prévu pour l’occasion dans lequel il qualifiait le Père Dehon de «grand apôtre du Sacré-Cœur» et encourageait les déhoniens à continuer leur chemin avec générosité sur la voie tracée par leur fondateur». Dans son discours improvisé, le pape a alors explicitement souhaité que le processus de béatification bloqué depuis dix ans finisse bien et a assuré que le Père Dehon avait subi une forme «d’humiliation» après sa mort.
Commentant le thème du chapitre général, «miséricordieux, en communauté, avec les pauvres», le pape a évoqué l’attachement de leur père fondateur à la miséricorde, à l’importance d’aller vers le monde, vers les gens, et à sortir de soi-même, «comme – permettez-moi de le dire – le quasi bienheureux Dehon l’avait demandé».
Sans jamais les citer, le pape a néanmoins clairement souhaité que les écrits jugés antisémites du Père Dehon soient placés dans le contexte historique de l’époque. «C’est un problème d’herméneutique», a-t-il confié avant de poursuivre: «On doit étudier une situation historique avec l’herméneutique de l’époque, et pas avec celle d’aujourd’hui».
Des blocages successifs
Le processus de béatification du Père Dehon avait été bloqué une première fois en 1952 par la Congrégation pour la doctrine de la foi. Cependant, après une nouvelle procédure, Jean-Paul II avait officiellement reconnu en avril 2004 un miracle attribué à son intercession, ouvrant ainsi la voie à sa béatification.
Le prêtre français devait alors être béatifié le 24 avril 2005 mais la mort du pape polonais, quelques semaines plus tôt, ajourna cette célébration. Nouvellement élu, Benoît XVI fit le choix de ne pas le béatifier après la découverte par l’épiscopat français d’écrits jugés antisémites. Il nomma une commission chargée de faire la lumière sur l’antisémitisme de Léon Dehon.
Dans son ‘Catéchisme social’ de 1898, Léon Dehon avait écrit que le peuple juif avait «la soif de l’or». «Il a le Christ pour ennemi. Laissé libre et doué d’un grand talent pour la spéculation, il a conquis notre or et il nous tient asservis. Il tient la presse et fait l’opinion. Il remplit nos grandes écoles publiques et vise à s’emparer de l’administration et de la magistrature. C’est une conquête entamée et déjà bien avancée (…). Il faudra bien qu’une solution vienne et ce sera encore un triomphe pour les vieux principes de l’Eglise», avait-il encore écrit.
Face à ces critiques, les déhoniens avaient répondu qu’à l’époque de leur fondateur cette pensée judéophobe était alors largement partagée. Le postulateur de la cause de béatification, le Père Evaristo Martinez de Alegria, avait assuré que cette pensée anti-juive n’avait pas été considérée comme un élément susceptible de bloquer l’instruction du procès.
La congrégation des Prêtres du Sacré-Cœur de Jésus a été fondée en France en 1878. Les quelque 2’200 déhoniens présents dans une trentaine de pays à travers le monde œuvrent principalement dans le domaine social et l’enseignement. (apic/imedia/ami/mp)