Nouveau moine à l'Abbaye bénédictine de Disentis (GR), Frère Laurentius Sauterel est originaire d'Yverdon | © Stefan Schwenke
Suisse

Le parcours de Frère Laurentius, d’Yverdon à l’Abbaye de Disentis

Frère Laurentius Sauterel a récemment prononcé sa profession perpétuelle à l’Abbaye bénédictine de Disentis, dans les Grisons. L’Yverdonnois de 28 ans a découvert sa vocation pendant ses études de médecine. Il raconte comment il a trouvé sa voie vers cette communauté de montagnes.

Sabine-Claudia Nold, kath.ch / traduction et adaptation: Raphaël Zbinden

Avez-vous grandi dans une famille religieuse?
Laurentius Sauterel: Oui, j’ai reçu la foi principalement de mes grands-parents Léon et Marie-Louise. Mon grand-père était radiologue dans le canton de Fribourg et, à partir des années 1970, médecin-chef à l’hôpital d’Yverdon. Ma mère, les Sœurs de la Charité de Sainte Jeanne-Antide Thouret et une bonne amie de mes grands-parents, Montserrat Soler, ont également joué un rôle important dans mon cheminement spirituel. Cette dernière m’a appris à développer une relation personnelle avec le Christ et m’a parlé du monastère de Montserrat, en Espagne.

Sans oublier l’abbé Martial Python, qui était curé à Yverdon et qui est devenu mon accompagnateur spirituel. Maintenant que j’étudie à Fribourg, il est également directeur spirituel du séminaire – un signe de la Providence!

Avez-vous toujours su que vous vouliez entrer au couvent?
Lorsque j’ai quitté Yverdon à l’âge de 15 ans pour passer mon baccalauréat bilingue à Frauenfeld (TG), je me suis demandé si la foi en Jésus-Christ avait encore un sens dans notre société actuelle, avec toutes nos connaissances scientifiques. Bien sûr, j’étais convaincu de l’authenticité de foi des personnes que j’ai mentionnées, et j’ai également rencontré deux camarades de classe qui prenaient leur foi au sérieux: Benjamin Schäfer, un mormon, et Micha Rippert, qui est aujourd’hui pasteur réformé en Thurgovie. Après le baccalauréat, j’ai commencé des études de médecine et, au cours de la première année, j’ai ressenti l’appel à consacrer ma vie à la transmission de la foi. J’en ai beaucoup discuté à l’époque avec Micha, qui ressentait en même temps l’appel à devenir pasteur.

«Mon tempérament n’est pas vraiment adapté à une vie contemplative»

Après ma première année de médecine, pendant que je préparais mes examens, j’ai cherché un endroit où je pourrais intérioriser cet appel bouleversant qui m’était lancé, celui de consacrer ma vie à Jésus. Sur la carte du réseau CFF, j’ai vu la localité de Disentis/Mustér et je me suis dit que Mustér ressemblait à Münster, ce qui devait signifier «monastère». J’ai appelé là-bas et Frère Urs m’a répondu d’une manière très agréable et amicale: «Nous trouverons certainement une solution pour vous accueillir chez nous.»

Comment avez-vous vécu ces premières semaines à Disentis?
Ces deux premières semaines à Disentis remontent à dix ans, début août 2015. À l’époque, je préparais mes examens à l’infirmerie, où vivait un moine âgé et très impressionnant: Frère Luzi Cavegn. Je me suis assis en face de lui pour toutes mes révisions jusque peu avant sa mort, le 1er mars 2019.

Pendant la préparation de ma profession perpétuelle, j’ai découvert la photo d’une hirondelle que j’avais prise le 8 août 2015 depuis la fenêtre de Frère Luzi. J’ai utilisé cette photo pour les invitations à ma profession perpétuelle.

Pourquoi avez-vous finalement choisi les bénédictins et Disentis?
Je n’ai compris la raison de cette décision qu’après coup: le Christ m’a tout simplement toujours appelé là-bas. Beaucoup de gens ne comprennent pas pourquoi je suis allé chez les bénédictins. À première vue, mon tempérament n’est pas vraiment adapté à une vie contemplative. Mais rien n’est impossible à Dieu, comme nous le lisons dans l’Évangile selon saint Luc (Lc 1,37 ; Mc 10,27 par). Je n’ai jamais entendu cet appel ailleurs qu’ici, à Disentis.

«Ici, j’ai découvert un accès unique au Christ dans les Écritures saintes»

Grâce à la règle de saint Benoît, j’ai découvert, depuis mon entrée à l’Abbaye, un accès unique au Christ dans les Écritures, en particulier grâce aux sœurs d’un prestigieux monastère du nord de l’Allemagne: le couvent de Mariendonk. Ces sœurs sont à la pointe de la recherche sur les Pères de l’Église. Grâce à elles, j’ai appris à connaître et à aimer les Pères de l’Église et leurs interprétations des Écritures. Elles sont pour moi des guides et des modèles. Je suis régulièrement en contact avec elles et je lis leurs publications.

Pourquoi Disentis? Parce que cette communauté allie depuis des années, d’une manière unique, la contemplation et la mission. La contemplation par la lecture des Écritures saintes et le chant de presque tous les 150 psaumes par semaine, la mission par la longue tradition de notre monastère dans le travail avec les jeunes, que ce soit dans notre école ou en étroite collaboration avec les groupes de prière Adoray pour les jeunes et les Journées mondiales de la jeunesse (JMJ) en Suisse.

Depuis combien de temps vivez-vous à Disentis?
Après avoir terminé mes études de médecine en 2020, je suis entré au monastère le 1er janvier 2021, jour de la fête de la Sainte Vierge Marie. J’ai choisi cette date parce que j’ai été baptisé le 1er janvier 1997.

La séparation d’avec votre famille et vos amis a-t-elle été difficile?
Pour moi non, mais pour eux, oui. Surtout pour ma grand-mère, ma mère et Madame Montserrat Soler, que je voyais souvent à Yverdon jusqu’alors. J’ai aussi suffisamment de contacts épistolaires avec mes amis. Et Disentis est de toute façon un endroit où beaucoup de jeunes viennent régulièrement pour des journées de réflexion ou des événements pour la jeunesse. C’est pourquoi j’ai régulièrement revu mes amis au monastère.

Frère Laurentius Sauterel a prononcé sa profession perpétuelle à Disentis (GR) le 10 août 2025 | © Stefan Schwenke

Qu’est-ce qui vous plaît particulièrement dans la communauté de Disentis?
La fraternité: des relations simples, une estime palpable entre tous, notre Abbé Vigeli Monn est pour nous tous un véritable père, qui dirige bien la communauté et sait encourager chacun.

Qu’est-ce qui vous est le plus difficile?
Je souffre d’une maladie auto-immune qui m’a été diagnostiquée en 2019. Elle me cause beaucoup de douleurs, des troubles chroniques du sommeil, parfois du désespoir, et représente un défi quotidien.

Souhaitez-vous également devenir prêtre?
Oui, c’est pour cela que j’étudie actuellement la théologie à l’Université de Fribourg. Avant de commencer mes études de théologie, j’ai obtenu un master en neurobiologie afin de pouvoir enseigner la biologie au lycée de l’Abbaye de Disentis en qualité de médecin.

Comment voyez-vous l’avenir de votre communauté?
Nous avons plusieurs jeunes confrères, quatre nouveaux frères sont entrés après moi et sont restés. La transmission de la foi à la jeune génération est une tâche importante qui incombe de plus en plus aux monastères. Beaucoup de jeunes viennent nous voir avec des questions importantes. Cela me rappelle les paroles de Jésus: «La moisson est grande, mais les ouvriers sont peu nombreux. Priez donc le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers dans ses champs (Mt 9,37 ; Lc 10,2).»

Y a-t-il des priorités ou des aspects particuliers que vous souhaitez mettre en avant dans votre communauté?
C’est le Christ qui définit cela à travers nous. L’important est de l’écouter et d’être attentifs afin de comprendre ce qu’il attend de nous. Nous espérons de nouvelles entrées, ce qui est tout à fait réaliste, comme nous l’ont montré les années précédentes.

Nous pouvons employer nos nouveaux confrères comme enseignants dans notre école, que nous dirigeons avec beaucoup de passion, malgré la baisse du taux de natalité dans la région. Notre couvent soutient pleinement cette initiative, car cette école est un pilier important de l’éducation et de la culture dans la région. Le fait que les bénédictins dirigent une école témoigne du fait que la science et la foi ne sont en aucun cas contradictoires, mais au contraire en harmonie. Nos élèves viennent de différentes régions de Suisse et du monde entier – jusqu’en Chine –, d’une grande diversité de cultures et de traditions. Ceux qui s’intéressent davantage à la foi chrétienne se manifestent d’eux-mêmes et montrent qu’ils souhaitent en savoir plus. C’est un enrichissement mutuel.

«Ce qui est génial dans une communauté monastique, c’est que nous nous complétons très bien les uns les autres»

Un autre domaine où nous avons vraiment besoin de forces est la pastorale. De plus en plus de personnes viennent nous voir parce qu’elles ont subi des coups du sort, qu’elles sont désespérées, ou cherchent un sens à leur vie. Pour cela, il faut des moines expérimentés, comme les pères du désert au IVe siècle. Mais on n’acquiert pas immédiatement après des études de théologie l’expérience nécessaire pour exercer la fonction d’accompagnateur spirituel et de confesseur. On constate souvent que plus un confrère est âgé et expérimenté, plus il se voit confier naturellement des tâches pastorales. Ce qui est génial dans une communauté monastique, c’est que nous nous complétons très bien les uns les autres. (cath.ch/kath/scn/rz)

Nouveau moine à l'Abbaye bénédictine de Disentis (GR), Frère Laurentius Sauterel est originaire d'Yverdon | © Stefan Schwenke
28 août 2025 | 11:37
par Rédaction
Temps de lecture : env. 6  min.
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