Liban: En visite en Israël, Béchara Raï prône la réconciliation avec les anciens de l’ALS
Le patriarche maronite refuse de considérer ces Libanais comme des «traîtres»
Haïfa, 1er juin 2014 (Apic) En visite en Israël, le patriarche maronite Béchara Raï a prôné le 31 mai 2014 la réconciliation avec les anciens de l’ALS, l’Armée du Liban Sud, une milice libanaise qui a collaboré avec Israël. L’ALS a combattu au sud du Liban contre la présence palestinienne et les miliciens du Hezbollah. Après le retrait de l’armée israélienne en l’an 2’000, ces Libanais se sont réfugiés en Israël où la plupart part vivotent et ne se sentent pas intégrés. 3’000 d’entre eux souhaitent rentrer au pays.
Certains de ces supplétifs administraient la prison clandestine de Khiam pour le compte des Israéliens dans la «zone de sécurité» qu’ils occupaient au sud du pays. Amnesty International avait dénoncé les tortures pratiquées durant des années dans ce centre de détention clandestin.
Ni criminels ni collaborateurs
Près de 3’000 Libanais qui avaient collaboré avec Israël ont fui la bande frontalière en 2000, lors du retrait de l’armée israélienne du Liban, pour se réfugier dans le pays voisin. Le patriarche maronite a laissé entendre qu’il s’agissait d’un véritable drame social que l’Eglise maronite ne pouvait ignorer. Il l’a souligné en marge des célébrations religieuses qu’il a présidées en l’église Saint-Louis, à Haïfa. A ses yeux, ces réfugiés en Israël sont tout autant des Libanais que les autres, voire «même plus». Ils ne sont ni des criminels ni des collaborateurs.
Haïfa abrite au moins un tiers des quelque 10’000 maronites qui vivent en Israël, sans oublier les épouses et les enfants des Libanais qui ont servi dans l’ALS et qui se sont réfugiés en Israël. Dans l’Etat juif, ils ont une vie sans avenir. Dans une interview avec la chaîne de télévision libanaise LBCI, le patriarche a déclaré qu’il était temps de procéder à une «réconciliation» avec cette population étant donné que ce ne sont ni des «traîtres» ni des «criminels». «Ils n’ont ni paralysé la présidence», ni causé la fuite de réfugiés et la pauvreté, et «ils n’ont pas créé une crise économique et sociale au Liban», a-t-il lancé, en faisant allusion au Hezbollah et à ses alliés qui bloquent le travail du Parlement, retardant d’autant l’élection du président libanais.
Virulente critique du Hezbollah
C’est justement le Hezbollah qui a critiqué avec virulence la visite du patriarche maronite en Israël, la qualifiant de «péché», craignant par là le risque d’une «normalisation» des relations avec l’Etat d’Israël. Bien que le Liban et Israël soient des pays en état de guerre, le patriarche maronite a revendiqué la liberté pour un pasteur de l’Eglise de pouvoir visiter ses fidèles où qu’ils se trouvent. Il a souligné que sa visite à la communauté maronite en Israël était d’ordre strictement religieux.
Au dernier jour de sa visite pastorale en Terre sainte, le patriarche maronite a promis, face à la situation dramatique des Libanais réfugiés en Israël lors du retrait de l’armée israélienne du Liban-Sud, en mai 2000, que leur cas sera de nouveau soulevé à son retour au Liban. Si le patriarche Raï a assuré qu’il refuse de considérer ces Libanais comme «des agents», des «pestiférés» politiques, «des traîtres» dont il faut fuir le contact, juste bons pour la prison et l’oubli, il refuse toutefois l’amnistie pour ceux qui, parmi eux, se sont rendus coupables de crimes.
De nombreux jeunes Libanais sont nés en Israël
Le chef de l’Eglise maronite s’est montré particulièrement sensible aux cas des parents ayant fui les villages maronites frontaliers comme Aïn Ebel, Debl et Rmeich. Ces derniers ont exprimé leur inquiétude pour l’avenir de leurs enfants, de ceux qui étaient en bas âge quand l’exode s’est produit, et qui sont aujourd’hui des hommes accomplis, ou de ceux qui sont nés après cet exode, et qui sont en 2014 au seuil de l’adolescence. Tous les biens de ces familles-là sont au Liban, relève-t-il, et il n’est pas humain de les contraindre à y renoncer, rapporte le quotidien libanais «L’Orient-Le Jour».
L’évêque maronite de Haïfa et de Terre sainte, Mgr Moussa Hage, qui réside à Haïfa, avait évoqué leur cas au cours d’un entretien accordé à Télé-Lumière, précisant que les enfants de familles maronites nés en Israël n’étaient plus enregistrés aux registres de l’état-civil libanais. Pour préserver les droits de ces enfants victimes d’une situation historique qui leur échappe, il avait précisé que ces naissances étaient, au moins, enregistrées dans les registres des paroisses de leurs parents.
En vertu d’un accord relativement souple passé sous la présidence d’Emile Lahoud, des dizaines de familles étaient rentrées au Liban, moyennant une peine de prison réduite pour le père, indique le quotidien libanais. Par contre, les miliciens coupables de crimes de guerre ont pris le parti d’eux-mêmes, soit de rester en Israël, soit d’émigrer, sachant qu’ils s’exposent à des actes de vengeance ou à de trop longues sentences de prison, en cas de retour. (apic/orj/be)