Le port du niqab est un sujet qui fait débat en Suisse (Photo:Asian Media/Flickr/CC BY-NC-ND 2.0)
Suisse

Le PDC s'érige en rempart contre le fondamentalisme islamiste

Dans une Suisse sécularisée, les questions liées à la religion et sa gestion occupent néanmoins une place toujours importante. Dans une prise de position de cinq pages publiée le 12 décembre 2018, le parti démocrate chrétien (PDC) s’est penché sur la paix le religieuse et le vivre ensemble. Il vise essentiellement le fondamentalisme islamiste. Mais semble rater sa cible.

Pour le PDC «les responsables politiques des pays occidentaux tendent à sous-estimer la virulence et la diffusion de l’idéologie islamique à des fins de prosélytisme.» Bien qu’il s’en défende, le parti centriste vise donc essentiellement les problèmes liés à la présence des musulmans dans le pays.

«Le fondamentalisme représente un défi important pour la Suisse et pour l’Europe. Nous sommes le parti le mieux placé pour en parler, avec une longue expérience dans le domaine du règlement des différends entre l’Etat de droit et la religion. Le grand défi est de définir ce qui est permis dans une démocratie qui respecte l’Etat de droit et ce qui ne l’est pas.», explique dans Le Temps, le président du PDC, le Zougois Gerhard Pfister.

Droits humains et Etat de droit

Pour le PDC, les principes fondamentaux reposent sur les Droits humains et l’Etat de droit. Il en découle les valeurs de liberté, d’égalité et de solidarité. Le modèle suisse comme «réalisation politique exceptionnelle» est «l’héritage de notre culture judéo-chrétienne mais aussi de nos apprentissages politiques». Les mouvements fondamentalistes représentent dès lors «une menace sérieuse pour les sociétés ouvertes, car ils participent à la remise en cause du système politique, du vivre ensemble, de la notion de bien commun et de gouvernance qui ont fait leurs preuves pendant plus de 150 ans».

Nous refusons la charia

Concrètement, le PDC entend défendre le pays contre l’émergence de droits ou de sociétés parallèles. Il rappelle que le droit religieux doit être clairement subordonné à l’Etat de droit. «Nous refusons la charia». Le parti s’inquiète en particulier du mariage des enfants et des mariages forcés. Il veut aussi interdire les prédicateurs qui appellent à la haine et à la violence. Il réclame la transparence sur le financement et l’organisation des associations musulmanes. «Une majorité du PDC rejette en l’état actuel de la situation une éventuelle reconnaissance des organisations musulmanes ainsi qu’une éventuelle formation des imams en Suisse», mais le parti concède qu’une telle reconnaissance relève de la compétence des cantons.

Non à la burqa mais…

Le papier du PDC consacre aussi un large chapitre à la question du voile et de la burqa. Il est opposé «aux prescriptions vestimentaires porteuses d’un caractère discriminatoire ou coercitif.» Mais là encore le fédéralisme doit primer et les cantons doivent pouvoir décider en fonction des spécificités locales.

Le PDC préconise enfin quelques mesures positives. Il suggère en particulier de soutenir davantage l’intégration et la formation des femmes et des filles migrantes, «notamment par des mesures leur permettant de faire garder leurs enfants». 

L’art du compromis qui ne satisfait personne

Fruit d’un compromis interne, le texte du PDC va, en fin de compte, beaucoup  moins loin que les propositions initiales du président Pfister qui envisageait une politique nettement plus dure.  «Les démocrates-chrétiens ont fait un effet d’annonce, mais la montagne accouche d’une souris», décoche dans La Liberté Jean-Luc Addor, conseiller national (UDC, VS). «C’est comme si le sujet avait été traité sans être traité. Finalement, seul un postulat est annoncé comme toute mesure», remarque Valérie Piller Carrard, conseillère nationale (PS, FR).

Le PDC tombe dans le panneau du populisme ambiant

A l’interne aussi la dissidence se fait entendre. Dans une tribune du Temps, Sophie Buchs, membre de la présidence du PDC Genève, estime que le document «rate sa cible. Sous le couvert de concepts larges et d’un fédéralisme bon teint, ce papier vise directement la gestion de l’islam en Suisse. A la première lecture, on regrette les grosses ficelles visant à nous faire croire que toutes les religions sont concernées. La conseillère municipale de Carouge pointe aussi le manque de bases concrètes pour soutenir les impressions des auteurs, les propos généralisants et souvent peu en rapport avec les réalités du paysage religieux suisse. A la deuxième lecture, elle «s’étonne que le PDC tombe si facilement dans le panneau du populisme ambiant.»

«Au lieu de s’enfermer dans un discours visant à renforcer la peur de l’autre à des fins électorales court-termistes, le PDC suisse devrait se poser la question suivante: veut-il accompagner les changements sociaux et proposer une vision d’avenir ou créer le terreau d’une crise sociale amenée par l’exclusion d’une partie de la population?», conclut Sophie Buchs. (cath.ch/mp)

Le port du niqab est un sujet qui fait débat en Suisse
13 décembre 2018 | 12:29
par Maurice Page
Temps de lecture: env. 3 min.
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