Le Pérou entre manifestations politiques et processions religieuses
Au Pérou, une centaine de personnes ont été blessées et une autre est décédée le 15 octobre 2025, lors d’une énième manifestation contre le gouvernement, qui a tourné à l’affrontement avec la police. L’archevêque de Lima Carlos Castillo a invité à «une journée de deuil et de solidarité» avec les victimes, la veille de la procession du Seigneur des miracles.
Depuis plus d’un mois, des manifestations ont lieu dans plusieurs villes du Pérou, à Lima, Arequipa (sud), Cuzco (sud-est) et Puno (sud-est), pour protester contre l’insécurité. Un nombre sans précédent d’assassinats et de cas de rackets imputés au crime organisé est en effet répertorié dans le pays. La dernière manifestation en date, organisée le 15 octobre, a tourné au drame après que la police a dispersé les protestataires à coups de gaz lacrymogènes et de matraques. Une centaine de blessés ont été comptés, tant parmi les manifestants que les forces de l’ordre, et une personne a perdu la vie.
Six présidents depuis 2020
Quelques jours auparavant, dans la nuit du 9 au 10 octobre 2025, la présidente Dina Boluarte a été destituée par le Parlement péruvien. Et c’est José Jerí, président dudit Parlement, qui a pris la présidence du pays par intérim jusqu’en juillet 2026.
Dans la lignée des précédentes, la mobilisation du 15 octobre, prévue avant le changement inattendu de gouvernant, a répondu notamment à l’appel de la Gen Z, un mouvement de jeunes manifestants identifiable à leur drapeau One Piece – le manga le plus vendu de l’histoire, dans lequel le héros Luffy s’oppose à des groupes dominants. Des organisations féministes faisaient aussi partie du cortège, mobilisées contre le nouveau président Jerí qui a fait l’objet d’une plainte pour viol, classée sans suite en août par le Parquet.
L’Église, facteur de stabilité
Face à ces violents heurts, le cardinal Carlos Castillo a appelé les Péruviens à l’unité. Connu pour son engagement en faveur des pauvres, proche de feu le Père Gustavo Gutiérrez (considéré comme le fondateur de la théologie de la libération), l’archevêque de Lima incarne une certaine continuité institutionnelle de l’Église face à un contexte de grande instabilité politique. Il a vécu les renversements successifs de Martin Vizcarra et Manuel Merino en novembre 2020, l’intérim de Francesco Sagasti de 2020 à 2021, la présidence mouvementée du président populiste de gauche Pedro Castillo de 2021 à 2022, celle de Dina Boluarte depuis 2022 et enfin, aujourd’hui, celle de José Jerí.
Le Seigneur des miracles
Lors de son homélie du samedi 18 octobre 2025, à la messe précédant la traditionnelle procession du Seigneur des Miracles qui se déroule dans le centre historique de Lima, le cardinal Castillo a déclaré qu’il espérait que Dieu puisse «consoler les personnes qui ont été blessées de différentes manières ces derniers jours, parmi lesquelles plusieurs jeunes, plusieurs personnes âgées et aussi nos frères de la police nationale». Il a aussi rappelé que l’image du Seigneur des Miracles représente un Christ «métissé» qui encourage «l’union, la diversité et la capacité d’appréhender le meilleur» de chacun.
Lorsque l’image du Seigneur des Miracles est arrivée sur la Plaza de Armas de Lima, où se trouve le palais du gouvernement, José Jerí n’a pas manqué de lui rendre hommage, puis a porté le brancard pendant quelques minutes, vêtu de la robe violette traditionnelle qui identifie les fidèles du «Christ brun».
«El Señor de los Milagros» est l’une des traditions religieuses les plus importantes du Pérou, remontant au XVIIe siècle. La dévotion est centrée sur une image du Christ crucifié, peinte par un artiste afro-péruvien anonyme à Lima. En 1655, un tremblement de terre dévastateur avait frappé la ville, détruisant de nombreux bâtiments mais laissant l’image miraculeusement intacte. Cet événement a été considéré comme un miracle par la population locale, faisant de l’image un puissant symbole de foi et de résilience. (cath.ch/ag/arch/lb)