L’Eglise latino-américaine s’inquiète
Le phénomène des télé-évangélistes s’amplifie (290888)
Mexique, 29août(APIC) Des voix de plus en plus nombreuses s’élèvent au
sein de l’Eglise catholique latino-américaine pour dénoncer et rejeter le
phénomène des télé-évangélistes d’origine nord américaine mais particulièrement envahissant au sud du Rio Grande. Célèbre aux Etats-Unis, le
«télé-évangélisme» appelle les fidèles à la conversion au tarif de la
publicité télévisée tout en annonçant l’Evangile comme un show de variétés,
avec en sus quelques pseudo-miracles. Mais derrière tout cela il y a de
l’argent, beaucoup d’argent, et de gros bénéfices pour ceux qui manipulent
les téléspectateurs.
Face à l’influence de cette Eglise dite «électronique», le Département
de la Communication Sociale du Conseil épiscopal latino-américain (DECOSCELAM) s’est réuni il y a quelques mois à Tijuana (Mexique). Sous le thème
«L’annonce de l’évangile à la télévision: une menace pour l’Eglise», il a
débattu de la question en compagnie d’experts venus des Etats-Unis et
d’Amérique latine. Les conclusions issues de cette rencontre et des conférences alors données ont récemment fait l’objet d’une publication. Dans
le contexte qui préoccupe l’Eglise, elles vont jusqu’à parler de «défi de
la télévision à l’Eglise».
Le syndrome de l’homme qui triomphe
Le regard critique que pose le DECOS-CELAM sur la télévision et sur son
utilisation par les télé-évangélistes, reflète sa vive préoccupation. A
propos de La télévision, le CELAM affirme qu’à mesure «que la technologie
pénètre les cultures au niveau mondial, les moyens de communications se
mettent de plus en plus au service de l’engrenage production-consommation,
en lieu et place d’être un recours pour le bien des individus, de l’éducation, et de l’information». Quant aux télé-évangélistes, le CELAM relève
que «la technique favorite de l’’Eglise électronique’ qu’on pourrait appeler le syndrome de ’l’homme qui triomphe’ est toujours la même». Presque
tous les programmes évangélistes populaires incluent des interviews de
chanteurs ou d’hommes d’affaires connus qui expliquent qu’avant la réussite, tout allait mal. Le message est clair: croyez en Dieu et pour vous aussi, tout deviendra beau».
Selon John Kenneth Galbraith, les messages de l’»Eglise électronique»
reflètent le manichéisme du IIIème siècle ou tout était divisé en lumière
ou en ténèbres, en esprit ou en matière, en bon ou en mal. En réalité, ditil, ses prédicateurs considèrent tout sous cette forme: vous êtes ou bon ou
mauvais; l’Amérique, c’est Dieu et la Russie le démon.
Donnez pour recevoir
Un des messages des prédicateurs, relève l’étude, est de dire aux fidèles «donnez pour recevoir». Vous demandez une voiture? Soit, mais auparavant il faut donner. Dès lors, pas étonnant que les dons affluent, et par
millions de dollars. Pour l’»Heure de l’Evangile» de Jerry Falwell, diffusé
par la CBN, les gains représentaient en 1983 quelque 230 millions de dollars. Une étude réalisée à l’époque par Robert Abelman, professeur à l’Université de l’Etat de Cleveland (EU), révèlait que sur un total de 40
présentations religieuses d’une durée d’une heure, un télé-évangéliste demande à chaque téléspectateurs de contribuer en moyenne pour 328 dollars.
Ce qui représente, affirme le professeur Abelman, une dépense annuelle de
31.500 dollars.
Pour le seul Jimmy Swaggart, les gains en 1986 atteignaient 140 millions
de dollars. En 1982, ce même personnage figurait au programme de 223 chaînes de télévisions aux Etats-Unis et assurait avoir près d’un million de
personnes sur sa liste de correspondants . Les deux tiers de ceux-ci lui
faisaient en moyenne parvenir 10 dollars par mois. Quant à «Praise the lord
(PTL), de Jim et Tammy Bakker, il a obtenu en 1986 la somme de 29 millions
de dollars par le biais de ses contributions, ventes de propriétés, etc.
Au service de la politique également
D’autres mouvements interviennent pour beaucoup dans ce phénomène des
telé-évangélistes. Pour de l’argent et des millions de dollars certes, mais
pour des raison politiques aussi. Ainsi le mouvement «Moral Majority» de
Falwell, au niveau des élections de 1982 aux Etats-Unis, fit-il pencher, de
façon décisive la balance en faveur de «son» candidat Jesse Helms, du Parti
Républicain, lequel était devenu gouverneur de l’Etat de Caroline du Nord.
Une autre personnalité passe pour avoir une audience plus grande encore:
Pat Robertson qui, il n’y a pas si longtemps, avait encore des aspirations
politiques au niveau de la présidence des Etats-Unis. Robertson avait commencé avec un budjet de 3 millions de dollars. Il possède aujourd’hui un
empire estimé à quelque 230 millions de dollars. (apic/dic/pr)