Pour une Eglise engagée pour les droits de la personne

Le premier Congrès sur la pastorale des droits humains s’est achevé à Rome

Par Jean-Claude Huot, pour l’Agence APIC

Rome, 8 juillet 1998 (APIC) Le premier Congrès mondial de la pastorale des droits humains s’est tenu du 1er au 4 juillet à Rome, dans le cadre du 50ème anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Organisé par le Conseil pontifical Justice et Paix il a réuni quelque 200 participants de tous les continents. Cardinaux, évêques, prêtres et laïcs ont partagé leurs expériences et réfléchi aux priorités à mettre dans ce domaine central de la mission évangélisatrice de l’Eglise, en présence d’observateurs des Eglises orthodoxes et réformées. La Commission «Justice et Paix», de la Conférence des évêques suisses, était représentée par son secrétaire général, Jean-Claude Huot, et par Mgr Peter Henrici, évêque auxiliaire à Zurich.

En ouvrant le Congrès, le Cardinal Roger Etchegaray, président émérite du Conseil pontifical Justice et Paix, a rappelé la mémoire des évêques John Joseph du Pakistan et Juan Geraldi du Guatemala, morts deux mois auparavant à cause de leur combat pour les droits humains. Furent également rappelées les années de détention au Viêtnam de Mgr François-Xavier Nguyên Van Thuân nommé à la tête du Conseil pontifical Justice et Paix le 24 juin. L’engagement pour les droits humains, pour la justice et paix se fait parfois au risque de la torture et de la mort. Mais partout cette action est porteuse d’espérance pour toutes les personnes bafouées dans leur dignité.

La recherche de la réconciliation

Trois préoccupations centrales se dégagent des travaux de ce Congrès. Les représentants de pays ayant vécu des régimes dictatoriaux ou sortant de guerres civiles ont parlé du difficile chemin vers la réconciliation. Comment faire la lumière sur le passé et reconstruire une société brisée par des années de violence? L’expérience sud-africaine est révélatrice. La Conférence des évêques a pris une part active dans les travaux de la Commission vérité et réconciliation d’Afrique du Sud. Dans tout le pays les gens ont été aidés pour préparer leur témoignage devant la Commission.

En même temps les évêques sud-africains faisaient savoir leur préoccupation sur la manière dont l’amnistie était accordée aux auteurs de crimes commis pour des motifs politiques. Le pardon ne peut être donné que par les victimes. Et pour que celles-ci acceptent de le donner, elles doivent recevoir réparation. Or ce volet du travail de la Commission n’est pas encore clarifié. Cette expérience a suscité un grand intérêt de la part de personnes venues d’Afrique centrale ou de Bosnie-Herzegovine. Elle a été mise en relation avec celles qui ont été faites en Amérique latine ou plusieurs sociétés doivent encore faire la lumière sur leur passé.

Les droits économiques et sociaux

Un autre sujet de préoccupation concerne l’évolution du système économique mondial. Comme l’a résumé brutalement un participant: «Si le système économique dicte sa loi, que restera-t-il des droits humains?» A cet égard la projet d’Accord multilatéral sur les investissements actuellement pendant au sein de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économique) est symptomatique: s’il était accepté il permettrait à des entreprises multinationales de porter plainte contre des Etats qui veulent faire une distinction entre les investissements étrangers et nationaux pour tenir compte de leur propre spécificité sociale, environnementale ou culturelle. Des clarifications sur cet accord ont été souhaitées par les participants.

Le règlement de la dette internationale avec la proposition d’une remise de dette à l’occasion du jubilé de l’an 2000 a recueilli sur tous les continents un accueil favorable. Partout des actions sont en cours ou en préparation pour faire pression sur les Etats les plus riches de la planète afin qu’un mécanisme de remise de dette plus généreux que ceux qui existent soit mis sur pied. Plusieurs participants ont relevé que le service de la dette extérieure rend impossible le développement des pays les plus pauvres, en particulier africains. Le Pape Jean Paul II, en recevant les congressistes le 4 juillet, a déclaré: «La nouvelle architecture de l’économie à l’échelle mondiale doit reposer sur les fondations de la dignité et des droits de la personne […]. Il importe de repousser toute tentative de nier une réelle consistance juridique à ces droits (économiques, sociaux et culturels), et il faut redire que la responsabilité commune de tous les acteurs est engagée – pouvoirs publics, entreprises, société civile – pour parvenir à leur exercice effectif et plénier».

L’accueil de l’autre

Le troisième sujet de préoccupation concerne l’accueil des étrangers et particulièrement des réfugiés. Il touche le continent européen d’une manière spécifique. La politique d’asile des pays d’Europe occidentale est de plus en plus marquée par des courants xénophobes – certes minoritaires, mais actifs. Cela conduit les gouvernements et les parlements à restreindre toujours davantage l’accès aux procédures d’asile et à pratiquer des discriminations de plus en plus ouvertes à l’encontre des étrangers. Il a été fermement rappelé qu’être «sans-papiers» ne prive pas l’individu de ses droits fondamentaux, de sa dignité comme personne humaine.

Le rapport de l’Eglise du Guatemala présenté au public par Mgr Geraldi 48 heures avant son assassinat visait à récupérer la mémoire historique des trente six années de dictature et de guerre vécu par le pays en donnant la parole aux victimes. Les témoins des violences subies demandaient aux délégués des diocèses venus les écouter: «S’il vous plaît, croyez-moi!». C’est ce que demandent les requérants d’asile, les sans-voix de l’exclusion économique et sociale et les victimes des violations des droits humains partout dans le monde. Leur vérité n’est pas facile à entendre. Un souhait a été exprimé par tous les participants: que l’Eglise se prépare mieux, par la formation de ses ministres, à écouter leur parole, à la partager et la transmettre. (apic/jch/pr)

20 avril 2001 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 4  min.
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