Belgique: Les évêques et supérieurs religieux assignés en justice
Le Saint-Siège sommé de rendre des comptes
Gand, 2 juin 2011 (Apic) Près de 80 victimes présumées d’abus sexuels ont lancé une action judiciaire au civil contre le Saint-Siège et les évêques et supérieurs religieux belges, le 1er juin 2011. Les plaignants attendent du tribunal de première instance de Gand qu’il constate la responsabilité civile de l’Eglise dans un jugement intermédiaire et statue sur une indemnisation provisionnelle pour les dommages subis, indiquent les médias francophones.
L’action du collectif de victimes d’abus sexuels commis par des prêtres et des religieux est une première en Europe. Il y a quelques semaines, Walter Van Steenbrugge, avocat du groupe de victimes, avait annoncé que ses clients allaient assigner le Vatican en justice. Une fois traduite en italien, l’assignation à comparaitre devrait être transmise au «Saint-Siège», «l’administration centrale de l’Eglise catholique romaine» et «l’incarnation de la papauté».
Si le pape, qui bénéficie de l’immunité en tant que chef d’Etat de la cité du Vatican, n’est pas directement visé par la lettre de l’huissier, il est cependant considéré comme responsable par les victimes, indique le quotidien français «Libération». L’assignation stipule en effet que Benoît XVI «nomme les évêques et a autorité sur eux, ce qui le rend responsable de leurs erreurs». Et, pour Walter Van Steenbrugge, le pape «peut en outre être tenu responsable pour ses propres erreurs: il a négligé d’intervenir personnellement et de donner des instructions, ce qui a permis aux abus de se poursuivre et au préjudice de s’aggraver.»
Responsabilité morale
Les évêques belges et les supérieurs religieux sont également concernés par l’assignation. Le 30 mai 2011, les responsables religieux avaient reconnus leur «responsabilité morale» et ouvert la voie à l’indemnisation des victimes. Ils s’étaient d’autre part engagé «unanimement à prendre toutes les mesures dont ils disposent pour éviter que les faits graves, que toute notre société déplore avec raison, ne puissent se reproduire à l’avenir.»
Une autre avocate des victimes, Christine Mussche, attend plus qu’une déclaration: «C’est positif, mais ce ne sont encore que des mots. Si les évêques proposent quelque chose de satisfaisant pour les victimes, nous sommes prêts à laisser tomber l’action en justice.» Quant au Saint-Siège, il devra pour échapper à l’action en justice reconnaître avoir «détruit des gens».
475 témoignages
Depuis plus d’une année, l’Eglise catholique belge est profondément ébranlée par les scandales de pédophilie. D’après le service d’information catholique américain CNS, la commission indépendante chargée d’enquêter sur les abus sexuels a découvert des cas dans la plupart des diocèses du pays ainsi que dans toutes les écoles et ordres religieux. Elle relève 475 témoignages d’abus, dont 300 sur des enfants âgés de moins de 15 ans lors des faits. Deux-tiers des victimes sont de sexe masculin, 13 se sont donné la mort par la suite et 6 autres ont commis des tentatives de suicide.
Mgr Roger Vangheluwe, ancien évêque de Bruges, avait été poussé à la démission le 23 avril 2010 après avoir reconnu avoir «abusé sexuellement d’un jeune de son entourage proche» – son neveu – lorsqu’il était prêtre mais aussi évêque. Le 15 avril 2011, le prélat belge avait accordé une interview aux chaînes de télévision VT4 et VTM, avouant avoir abusé d’un deuxième neveu et affirmant qu’il n’avait «pas du tout l’impression d’être un pédophile.» (apic/libération/cns/amc)