Les recettes fiscales des Eglises d'Allemagne  ont atteint des sommets en 2018 | © 2013 Tim Reckmann / pixelio.de
Vatican

Le Saint-Siège veut ajouter une dimension éthique au système économique et financier

De nouvelles formes basées sur la charité sont nécessaires face à un système économique et financier parfois égoïste. C’est ce qu’explique un document de la Congrégation pour la doctrine de la foi et du Dicastère pour le développement humain intégral, publié le 17 mai 2018. Intitulé Œconomicae et pecunariae questiones (Questions économiques et financières), ce document propose des pistes éthiques concrètes pour renouer avec ce qui est authentiquement humain.

Malgré la crise de 2008, déplore le document, «aucune réaction (…) n’a permis de repenser les critères obsolètes qui continuent de gouverner le monde». «Un égoïsme aveugle semble parfois prévaloir» dans le système financier mondial. Le marché «n’est pas en mesure de se réguler par lui-même» car il ne peut ni créer les conditions de son développement comme la confiance et le cadre réglementaire, ni corriger ses «expressions nuisibles».

Face à ce constat, il faut élaborer de nouvelles formes pour le système économique et financier. Le but est de «favoriser la reprise de ce qui est authentiquement humain» face à «l’essoufflement» de la conception individualiste de l’homme-consommateur, relève le texte sous-titré:  Considérations pour un traitement éthique sur certains aspect du système économique et financier actuel.

L’engagement pour le bien commun, «forme excellente» de charité

Par sa mort et sa Résurrection, le Seigneur «ne rachète pas seulement l’individu mais aussi les relations sociales». L’engagement pour la société et le bien commun est donc une «forme excellente» de charité, «voie royale» de l’action de l’Eglise. Ce document propose ainsi de rappeler certains principes évidents. Cela est d’autant plus nécessaire que se développe une culture»sans scrupule où les «exclus ne sont pas des exploités mais des déchets».

L’homme, expliquent les auteurs, est avant tout un être de relations. Il est appelé à vivre en communion avec les autres, et le but de l’activité économique est intégral. Pour être légitime, le profit doit donc s’appuyer sur un triptyque: promotion intégrale de la personne, destination universelle des biens, option préférentielle pour les pauvres. Ces critères devraient selon les auteurs être enseignés dans les formations universitaires économiques.

Tel un organisme vivant

Dans ce document, le système financier est comparé à un grand organisme dans les «veines» duquel coule une immense quantité de capitaux. Dans cette optique, une bonne santé équivaut à une bonne diffusion des richesses au profit de la dignité des hommes et du bien commun. A l’inverse, les outils financiers peu fiables peuvent avoir l’effet d’une «intoxication».

Il est ainsi suggéré aux autorités publiques de mettre en place une coordination supranationale entre les systèmes financiers locaux. Et ce, afin de prévenir d’éventuels effets négatifs. Une transparence totale est de même indispensable, est-il considéré, pour éliminer les formes de déséquilibre injuste. L’information permet en effet à chaque individu de protéger ses intérêts, dans la pleine liberté.

Une attention particulière doit aussi être portée aux produits bancaires dérivés (tels que les credit default swap) favorisant des bulles spéculatives comme celle à l’origine de la dernière crise économique. Dans le même veine, les manipulations de taux d’intérêt constituent une grave violation éthique.

Comités éthiques

Dans ce contexte, le Saint-Siège recommande de plus de doter les banques d’organismes internes d’autocontrôle des décisions et des produits proposés. Des comités d’éthique pourraient ainsi être placé au côté des Conseils d’administration. Il ne s’agit donc pas seulement de vérifier la conformité à la loi, mais aussi la conformité à l’éthique.

Parallèlement, le document fait état du système de finance offshore favorisant le contournement fiscal et le blanchiment d’argent sale et donc l’aggravation de la dette publique. Il est recommandé de réguler ces transactions offshore en créant un impôt minimum. Celui-ci «suffirait pour résoudre une grande partie du problème de la faim dans le monde».

Sortir de la spirale de la dette

Le document reconnaît toutefois que le marché parallèle peut être favorisé par un système fiscal étatique pas toujours juste. Il est aussi souligné que la dette publique s’explique notamment par une gestion maladroite. Les Etats sont donc appelés à appliquer des réformes structurelles sages afin de sortir de la spirale de la dette.

La responsabilité en matière d’éthique incombe aussi à chacun des consommateurs. Ces derniers peuvent en effet à travers leurs achats «faire le choix de biens issus d’un processus moralement honnête». il s’agit alors «de voter chaque jour» par l’achat ce qui aide le bien réel de tous et de rejeter ce qui nuit.

«Même s’il peut sembler fragile et insignifiant», peut-on enfin lire en conclusion, chaque geste de notre liberté «s’inscrit dans une positivité qui dépasse nos pauvres forces». La somme de tous les actes de bonne volonté forment un réseau qui relie le Ciel et la terre. Celui-ci est la condition indispensable à l’humanisation de l’homme et du monde. (cath.ch/imedia/ah/xln/mp)

Les recettes fiscales des Eglises d'Allemagne ont atteint des sommets en 2018 | © 2013 Tim Reckmann / pixelio.de
17 mai 2018 | 11:40
par Maurice Page
Temps de lecture: env. 3 min.
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