Pour Soeur Marie-Rose, "l'être humain doit pouvoir assumer ses choix", y compris le moment de sa mort (Photo: Keystone)
Suisse

Le suicide assisté en débat dans l'Eglise valaisanne

Une religieuse qui dit «oui au suicide assisté», voilà qui étonne. Dans les colonnes du Nouvelliste du 15 février 2016, Sœur Marie-Rose affirme ouvertement son soutien à l’euthanasie. Une prise de position qui suscite son lot de réactions dans l’Eglise valaisanne.

Les déclarations de la religieuse ursuline sédunoise (77 ans) en faveur de l’euthanasie ne sont pas nouvelles – elle affirmait déjà en 2014 son soutien aux associations d’aide au suicide dans l’Echo Magazine ou Le Matin dimanche. Mais elles surgissent aujourd’hui alors que la question prend des tournures politiques en Valais.

En mars prochain, en effet, le Grand Conseil valaisan débattra d’une motion qui vise à octroyer aux patients des hôpitaux et des maisons de retraite les mêmes droits dont bénéficient depuis 2013 les malades vaudois en matière de suicide assisté: recevoir une assistance au sein même des établissements médicaux.

«Un canular»

Dans ce contexte, Sœur Marie-Rose affirme son soutien aux associations d’aide au suicide, comme EXIT. Pour étayer son propos, elle met sur un pied d’égalité la sédation profonde qui, dans les soins palliatifs, peut conduire à la mort et l’euthanasie. «L’attribution d’une dose de morphine qui conduit à la mort […] équivaut à une euthanasie contrôlée par le médecin», explique-t-elle.

Un argument qui n’en est pas un, selon le professeur François-Xavier Putallaz. «Prétendre que la ‘sédation profonde et le suicide assisté poursuivent le même objectif’ relève du canular», écrit le philosophe valaisan dans son blog.

«Derrière l’affirmation ‘je veux mourir’, il y a une détresse, un sentiment d’inutilité que l’Eglise n’a pas à confirmer.» Pierre-Yves Maillard

Il précise: «Dans le cas des soins palliatifs, au contraire, la médecine et l’humanité des accompagnants soulagent la souffrance: si la personne décède, la cause en est alors la maladie».

Même son de cloche du côté de Mgr Jean-Marie Lovey, évêque de Sion: «Les deux sont fondamentalement différents, affirme-t-il, dans le Nouvelliste. Ce n’est pas la même chose de donner une substance à quelqu’un pour apaiser ses souffrances – la situation déclinant alors jusqu’à la mort naturelle qui survient à son heure – ou lui donner une boisson létale qui provoquera la mort. Le but de la sédation est de maîtriser la douleur et la souffrance, pas de donner la mort.»

«Accepter la liberté de chacun»

Reste que, selon la religieuse ursuline, «l’Eglise doit accepter la liberté de chacun. Il est temps qu’elle le fasse, car les gens se détournent déjà de plus en plus d’elle». Mais »recommander l’aide au suicide par crainte de voir les gens quitter l’Eglise, rétorque Pierre-Yves Maillard, n’est-ce pas précisément apporter une très mauvaise réponse aux véritables questions de nos contemporains?» Pour le vicaire général du diocèse de Sion, l’enjeu est plus profond.

«Derrière l’affirmation ‘je veux mourir’, il y a une détresse, un sentiment d’inutilité que l’Eglise n’a pas à confirmer, mais doit au contraire prendre en compte et accompagner. Le véritable défi est de permettre à chacun d’être reconnu, aimé et accompagné jusqu’à la fin de sa vie: ‘Tu es précieux, il est merveilleux que tu existes’».

Tandis que la religieuse prétend que »Dieu ne décide pas de la vie et de la mort», le vicaire général estime que «ce n’est pas à l’homme de le faire».  Là aussi les avis divergent. «L’Eglise doit accepter la liberté de chacun», affirme sœur Marie-Rose. La réponse de Pierre-Yves Maillard se situe sur un autre plan. «Je ne peux pas juger la personne qui affirme ne plus avoir envie de vivre, et le mystère de la souffrance doit toujours être abordé avec un immense respect et une profonde humilité. Mais je reste persuadé que l”Eglise doit chercher à accompagner cette souffrance plutôt que d’affirmer à cette personne: ‘il est bien que tu meures’». «›En Dieu est la vie’, écrit l’évangéliste saint Jean. Le choix de donner la mort n’est jamais une solution», selon le prêtre valaisan.


La motion valaisanne en faveur du suicide assisté

Une motion sur l’assistance au suicide assisté sera débattue en mars prochain au Grand Conseil valaisan. Déposée par six parlementaires – Xavier Mottet (PLR), Sylvie Ancelin-Masserey (PLR), Patricia Casays (PDC), Nadine Reichen (UDC), Patrick Hildbrand (UDC) et Florian Alter (Alliance de gauche) –, elle demande que les Valaisans, à l’instar des Vaudois, puissent obtenir l’aide au suicide à l’intérieur des établissements hospitaliers. Actuellement, les personnes qui désirent une assistance au suicide doivent sortir de l’hôpital ou du home.

Entrée en vigueur en 2013, le modèle vaudois autorise légalement les patients à faire appel à des associations comme EXIT. Pour cela, deux conditions doivent être remplies: que le patient puisse faire preuve de discernement et que des soins palliatifs lui aient été proposés.

«C’est une vraie problématique qui doit être soulevée aujourd’hui», explique au Nouvelliste Xavier Mottet (PLR), l’un des signataire de la motion, «d’autant plus que l’hôpital de Rennaz, qui soignera des patients à la fois valaisans et vaudois, verra le jour en 2018».

Une motion qui relève d’un discours «vieillissant et dépassé», selon François-Xavier Putallaz, qui laisse entendre que «le Valais est en train de trouver une solution souple, adéquate et très humaine». «D’autres solutions concrètes sont envisagées, solutions d’avenir, depuis notamment la constitution d’un Conseil d’éthique clinique dans les hôpitaux». (cath.ch-apic/nf/pp)

Pour Soeur Marie-Rose, «l'être humain doit pouvoir assumer ses choix», y compris le moment de sa mort
15 février 2016 | 17:48
par Pierre Pistoletti
Temps de lecture: env. 4 min.
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