La Question de Dieu connaît une nouvelle actualité
Le théologien allemand Walter Kasper à Louvain-la-Neuve (220289)
Louvain-la-Neuve, 22février(APIC/CIP) Un des théologiens catholiques
allemands les plus en vue, Walter Kasper, a entamé, le 20 février, à
Louvain-la-Neuve (Belgique), une série de huit cours sur «La Question de
Dieu pour l’homme d’aujourd’hui». Le professeur de Tübingen est l’invité de
la chaire Francqui, attribuée pour la première fois depuis sa création en
1936 à la Faculté de Théologie louvaniste.
«Dieu est-il dépassé?», s’est demandé Walter Kasper dans sa leçon
inaugurale, suivie par quelque 300 personnes. Pour beaucoup de penseurs
modernes, la foi en Dieu a paru incompatible avec la liberté humaine. Mais
il y a malentendu, observe le théologien allemand: le Dieu Créateur de la
Bible entend rester distinct du monde. Par ailleurs, la science ne mérite
pas un crédit absolu par rapport à la foi: spécialisation et fractionnement
du savoir amènent aussi de l’irrationalité. Enfin, les prophéties sur la
«mort de Dieu» ne semblent pas réalisées: la religion n’a pas disparu, ni à
l’Est, ni à l’Ouest.
Il y a même, pour le théologien de Tübingen, une nouvelle actualité de
la question de Dieu. C’est une chance pour la théologie. Mais aussi un
défi. A cause d’un certain divorce entre religion et monde technique, ainsi
qu’entre croyances subjectives et institutions des Eglises.
Foi er raison: un vieux débat
Cinq siècles avant Jésus, un sophiste grec trouvait déjà que les hommes
s’étaient fabriqués des dieux à leur image. Alors, rien d’objectif dans la
religion? Ce ne fut pas l’avis des philosophes Socrate et Aristote: ils
trouvaient raisonnable de penser le divin, qui cependant dépasse la raison.
Les philosophes des Lumières, au XVIIIe siècle, iront beaucoup plus loin.
Mais Walter Kasper estime qu’ils n’ont pas fondamentalement remis en cause
l’idée de la religion: ils étaient surtout opposés à l’absolutisme de la
théologie et à l’autoritarisme de l’Eglise. Du coup, la religion fut reléguée dans la vie privée. En somme, à chacun ses convictions. On en voit
les conséquences aujourd’hui, déplore le théologien: on ne combat plus la
foi, on y est indifférent. Mais s’il n’y a plus rien d’absolu, la dignité
de l’homme ne va-t-elle pas s’effondrer?.
Aux yeux du monde sécularisé, le vieux débat entre foi et raison est
apparamment tranché au détriment de la foi. Et pourtant, réplique Walter
Kasper, la foi ne se nourrit pas que de sentiments: elle a besoin de la
raison. Le Concile Vatican I, au siècle dernier, s’est d’ailleurs opposé
tant au règne de la foi «pure» (fidéisme) qu’à celui de la raison «pure»
(rationalisme). Aujourd’hui, dans la ligne du Concile Vatican II, la
théologie n’a plus envie de prendre la défense de sa foi en fournissant des
«preuves» de Dieu. Il n’est pas prêt non plus à capituler devant les
exigences critiques. Il pense, selon Walter Kasper, que la foi en Dieu «a
sa raison propre, interne». Le chrétien, notamment, «croit pour comprendre:
ce n’est pas un refus de la raison, mais une invitation à penser».
Walter Kasper ajoute: le Dieu de la Bible n’est pas qu’une idée. Il se
révèle comme «celui qui sera toujours là». En Jésus, cette promesse a
trouvé son accomplissement. Et c’est pourquoi, aux yeux de ses disciples,
l’existence humaine n’est pas vide de sens: pour toujours, «Dieu est
amour». (apic/cip/pr)