Le tourisme en Terre sainte a désespérément besoin d'un rebond
Alors que le vent de la guerre semble se détourner de Gaza, l‘industrie du tourisme en Terre sainte a désespérément besoin d’un rebond. Après deux ans d’arrêt presque complet, attirer à nouveau des visiteurs et des pèlerins est un défi.
Lors de son passage à Fribourg, le 14 novembre 2025, le cardinal Pierbattista Pizzaballa a lancé un appel insistant: «Venez en Terre Sainte, les chrétiens sur place ont besoin de vous! Actuellement, il n’y a pas de problèmes de sécurité!» Pour le patriarche latin de Jérusalem «la guerre est terminée, il est temps de revenir en pèlerinage auprès de l’Eglise-Mère!».
Le cardinal rappelle que beaucoup de chrétiens travaillent dans le secteur du tourisme, notamment comme chauffeurs de bus, restaurateurs, personnel hôtelier, artisans ou guides touristiques. L’absence des pèlerins ces deux dernières années est pour eux une catastrophe économique, car ils ont perdu une bonne partie de leur source de revenus.
Le DFAE reste très prudent
Alors que le Département fédéral des Affaires étrangères suisse (DFAE) continue de «déconseiller de se rendre en Israël pour des voyages touristiques et tout autre voyage qui ne présente pas un caractère d’urgence,» le flux de pèlerins et de visiteurs se rétablit lentement. La plupart des compagnies aériennes ont désormais rétabli leurs vols réguliers vers Israël.
«La demande n’a jamais vraiment diminuée, mais dans la période de guerre, uniquement un très petit nombre de voyages en groupes ont pu être maintenus», relève Alexandre Python, directeur de l’agence Ad Gentes, à Genève. «Nous avions un départ prévu en octobre, mais il a été reporté à cause d’un prix de vol trop élevé, car la compagnie israélienne El-Al était la seule à desservir encore le pays. Nous y retournerons après Pâques et le départ est garanti.»
Pour le diacre genevois, manifester sa solidarité avec les chrétiens de Terre Sainte est essentiel. «Lors de chaque voyage, nous allons à la rencontre des institutions et des communautés locales, dans les territoires palestiniens et en Israël.»
Retour des festivités de Noël à Bethléem
Après deux ans sans festivités, le maire de Bethléem, Maher Canawati, a annoncé le retour des traditionnelles illuminations et célébrations de Noël. « Rejoignez-nous pour célébrer l’espoir, prier pour la paix et partager avec le monde le message indestructible de Bethléem: la lumière est plus forte que les ténèbres et l’amour est plus fort que la peur», invite l’édile dans une vidéo enregistrée en anglais.

En plus de l’illumination du sapin, un marché de Noël sera organisé du 12 au 14 décembre, ainsi qu’une «Nuit internationale», le 19 décembre, où les missions diplomatiques seront invitées à partager les traditions de Noël de leurs pays, rapporte le site Terre sainte.net. La parade des scouts devrait également avoir lieu les 24 décembre et 6 janvier, et cette fois en musique.
L’absence de touristes, couplée à l’annulation des permis de travail en Israël, et à la banqueroute de l’Autorité palestinienne, ont mis à mal une population où le chômage s’élève aujourd’hui à 60%, estime la municipalité.
Quelques groupes et visiteurs individuels se sont déjà annoncés pour Noël, mais les hôtels de Bethléem, Beit Sahour et Beit Jala resteront encore majoritairement vides.
«Au cas où un touriste passerait par là»
Asad Giacaman, lunette noire et chemise soignée, tient une petite boutique dans la rue de la Grotte du lait, à Bethléem, raconte Terre-sainte magazine. Voilà un an qu’il n’arrive plus à honorer le loyer de son échoppe. «Le local appartient à l’Église grecque-orthodoxe, qui me demande 50 dinars jordaniens (environ 60euros) par mois. Je ne gagne même pas cette somme», souffle le commerçant, âgé de 73ans. Asad devrait être à la retraite, mais aucun système de sécurité sociale publique n’existe en Palestine. Il ouvre donc sa boutique tous les jours, au cas où un touriste passerait par là.
À l’âge d’or des pèlerinages, dans les années 2015-2019, Bethléem accueillait en moyenne 1,5 million de visiteurs par an. Travailler dans le tourisme était l’assurance d’un revenu facile et confortable, si on acceptait de ne pas compter ses heures.
Depuis le Covid-19, et le 7 Octobre 2023, la dépendance de la ville envers le tourisme s’est muée en une crise économique d’une ampleur inégalée.
En Israël on souffre aussi
Côté israélien , la situation n’est guère meilleure. «Il y a un grand écart entre les déclarations de cessez-le-feu, les célébrations, et l’arrivée des touristes à l’aéroport Ben Gourion de Tel Aviv, car trop de facteurs entourant la fin de cette guerre sont encore inconnus », a déclaré au Times of Israël Yossi Fatael, directeur général de l’Association israélienne des voyagistes.»La fin de la guerre ne signifie pas la fin de la crise d’image à laquelle Israël a été confronté pendant cette guerre. Il faudra plus de temps pour régler ce problème.»
2% de l’économie israélienne
Avant la guerre, le tourisme représentait plus de 2% de l’économie israélienne, contribuant à hauteur d’environ 20 milliards de shekels (6,1 milliards de dollars) par an, tout en employant directement plus de 200’000 personnes, selon le ministère du Tourisme.
En 2019, le pays avait accueilli un record de 4,5 millions de visiteurs. En 2023, après les années covid-19, et avant le 7 octobre, 3 millions de touristes avaient visité Israël, selon les données du ministère. En 2024, le nombre de visiteurs n’a pas dépassé le million, et seulement 1,4 million sont attendus en 2025. Sur les 3’000 voyagistes et organisateurs actifs avant la guerre, seuls 1’000 environ sont encore en activité. Les villes les plus touchées sont Haïfa, Tibériade, Jérusalem et Nazareth.
Premiers signes d’intérêt
Yossi Fatael a commencé à voir les premiers signes d’intérêt de la part des visiteurs étrangers, même s’il s’agit principalement de pèlerins, de groupes religieux et de délégations plutôt que de touristes lambda. Pour lui, il faudra au moins six mois avant de voir des groupes organisés revenir en nombre et environ deux ans pour revoir le boom touristique de 2019. «Beaucoup de gens refuseront de venir en Israël à cause de la politique», admet le responsable. Mais le tourisme pourrait jouer un rôle important dans la réhabilitation de l’image d’Israël.
Un avis partagé par son confrère suisse Alexandre Python.»La plupart des visiteurs savent faire la différence entre le peuple israélien qui aspire à la paix et le gouvernement extrémiste de Benjamin Nethanyaou. Il en est d’ailleurs de même du coté palestinien entre le peuple et les gens du Hamas.» Le directeur d’ad Gentes se veut optimiste rappelant la grande résilience des populations de Terre Sainte. (cath.ch/mp)





