Le curé maronite devant son presbytère détruit à Alma El Chaeb, au Sud-Liban | © Thomas de la Barre ACN
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L’Église aide les populations dans un Sud-Liban dévasté

Depuis le 27 novembre 2024, date de l’entrée en vigueur du cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah, les frappes israéliennes meurtrières n’ont pas cessé au sud du Liban. L’Église tente d’aider les population victimes des intenses bombardements et des déplacements de masse qu’ils ont entraînés, note Thomas de la Barre, responsable d’Aide à l’Église en Détresse (ACN) pour la Suisse romande.

Jacques Berset, pour cath.ch

Les troupes israéliennes ont pénétré au Sud-Liban dès le 1er octobre 2024 pour démanteler les positions du Hezbollah et maintiennent toujours cinq positions dans la région, contrairement aux accords de désengagement.

Les bombardements israéliens ont causé de gros dégâts au sud du Liban | © Thomas de la Barre

Visitant fin mai 2025, au sein d’une délégation d’ACN les régions dévastées au sud du pays, Thomas de la Barre a rencontré de multiples partenaires de projets, des familles en difficulté et d’autres contacts locaux, qui ont décrit les nombreux défis auxquels la population continue d’être confrontée, spécialement dans les régions frontalières avec Israël. Sur place, les religieuses font tout ce qu’elles peuvent pour fournir de l’aide matérielle et un soutien pastoral aux communautés chrétiennes traumatisées.

Les chrétiens touchés

Dans le district de Tyr, à un kilomètre et demi de la frontière avec Israël, entouré de villages chiites complètement rasés, le village majoritairement chrétien d’Alma El Chaeb a lui aussi subi de violents bombardements. Le clocher de l’église a été visé et la nef est endommagée. «Le curé maronite nous fait visiter les ruines de son presbytère, où il vivait depuis 1990. De nombreuses activités paroissiales s’y déroulaient: catéchèse, préparation aux sacrements, réunion, accueil des fidèles. En septembre 2024, un missile a totalement détruit le presbytère. Le prêtre assure que les chrétiens vont rester sur cette Terre sainte visitée par le Christ Jésus, la Vierge Marie et les apôtres.

À Ain Ebel, un village chrétien à quelques encablures de la frontière israélienne, Sœur Maya El Beaino, de la congrégation des Sœurs des Saints Cœurs de Jésus et Marie, confie que la mission de sa congrégation est «d’aller aux périphéries et d’accompagner ceux qui ont besoin d’aide». En octobre 2024, la population locale a eu 40 minutes pour évacuer avant le début des frappes aériennes. 

Sous les bombardements, le soutien spirituel de Sœur Maya

La nuit, la sœur entendait les explosions tout autour d’elle, mais elle n’est pas partie car elle savait que les fidèles comptaient sur son soutien spirituel. Se rappelant la période la plus violente de la guerre, à savoir octobre et novembre 2024, elle explique à la délégation d’ACN que seules les personnes âgées sont restées dans le village à ce moment-là.

Sœur Maya el Beaino aide les populations au Sud-Liban | © Thomas de la Barre/ ACN

«Elles préféraient mourir chez elles que partir ailleurs.» Pour la religieuse, le soutien d’ACN a été crucial pour leur fournir des médicaments qu’il aurait été impossible d’obtenir autrement pendant les bombardements intensifs. Le comportement des enfants, qui avaient été évacués, a changé depuis la guerre, explique Sœur Maya: ils sont plus violents, ont des problèmes psychologiques, profèrent des insultes…

Fuite des familles avec une bonne formation

Sœur Gerard Merhej, directrice de l’école des religieuses antonines de Debel, dans le caza de Bint-Jbeil, dans le gouvernorat de Nabatiye, près de la frontière avec Israël, décrit les graves conséquences des bombardements. Ils ont provoqué la fuite de nombreuses familles avec une bonne formation vers la capitale Beyrouth, où elles ont davantage d’opportunités pour trouver du travail. Depuis le début de la guerre, le nombre d’enfants fréquentant l’école a été divisé par deux, passant de 400 à 200, relève Sœur Gerard Merhej.

Les oliviers arrachés gratuitement par les bulldozers israéliens

Relevant les conséquences économiques désastreuses de la guerre, elle souligne que les familles qui sont restées au village n’ont plus de revenus parce qu’elles travaillaient dans l’agriculture et leurs champs ont été détruits. «Des champs sur les collines appartenant au diocèse maronite de Tyr, ont été totalement dévastés, les oliviers ont été arrachés gratuitement par les bulldozers israéliens, les arbres ont été brûlés. Des centaines de familles n’ont plus de moyens de subsistance…», selon Mgr Charbel Abdallah, archevêque maronite de Tyr.

À Debel, ceux qui sont restés au village «tentent de relancer des cultures à plus petite échelle comme source alternative de revenus» afin de pourvoir aux besoins de leurs familles, poursuit la religieuse.

L’Église «donne de l’espoir aux familles qui souffrent»

Témoignant de l’engagement de l’Église dans cette situation qui semble désespérée, Thomas de la Barre constate qu’effectivement, «elle donne de l’espoir aux familles qui souffrent».

 Les projets d’aide d’urgence en cours se concentrent sur la couverture des besoins immédiats de la population dans le dénuement. De nombreuses paroisses ont actuellement accueilli des réfugiés. (cath.ch/be/rz)

Destructions massives en dehors des combats
Amnesty International, dans son rapport Nulle part où retourner: destruction massive du sud du Liban par Israël, montre que les forces israéliennes ont, «en dehors du cadre des combat», utilisé des explosifs et des bulldozers pour détruire des structures civiles, notamment des maisons, des mosquées, des cimetières, des routes, des parcs, des champs d’oliviers et des terrains de football, dans 24 agglomérations.
 L’ONG de défense des droits humains affirme que «la destruction massive et délibérée par l’armée israélienne de terres agricoles et de biens civils dans le sud du Liban [lors de l’invasion du Sud-Liban débutée le 1er octobre 2024, ndlr] doit faire l’objet d’une enquête pour crimes de guerre». Le rapport porte sur la période allant du début de l’invasion terrestre du Liban par Israël, le 1er octobre 2024, jusqu’au 26 janvier 2025, et révèle que plus de 10’000 structures ont été fortement endommagées ou détruites durant cette période. La plupart des destructions ont eu lieu après le 27 novembre 2024, date de l’entrée en vigueur d’un accord de cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah.
Malgré le cessez-le-feu conclu en novembre 2024, après l’offensive israélienne contre la milice du Hezbollah lancée dès le 8 octobre 2023, qui s’est transformée en guerre à grande échelle en septembre 2024, faisant plus de 4000 morts et environ 17’000 blessés, les bombardements se poursuivent. JB

Le curé maronite devant son presbytère détruit à Alma El Chaeb, au Sud-Liban | © Thomas de la Barre ACN
8 septembre 2025 | 10:56
par Rédaction
Temps de lecture : env. 4  min.
AED-ACN (2), Hezbollah (18), Israël (286), Liban (262), Proche-Orient (15)
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