La participation des fidèles catholiques est bien plus importante en Afrique qu'en Occident | photo d'illustration © Jake Stimpson/Flickr/CC BY 2.0
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L'Église en Afrique ne suivra pas le Synode allemand, selon un prêtre

Le prêtre nigérian Justine John Dyikuk, qui a participé à l’Assemblée synodale africaine, ne croit pas que l’Eglise du continent sera influencée par le chemin synodal allemand. Il considère que ce dernier va «à l’encontre des principes de l’Ecriture Sainte».

Comme dans les autres parties du monde, l’Eglise en Afrique a réalisé sa phase continentale du Synode sur la synodalité, lancé par le pape François en octobre 2021. L’assemblée synodale africaine s’est réunie du 1er au 6 mars 2023 à Addis-Abeba, en Ethiopie, sous l’égide du Symposium des conférences épiscopales d’Afrique et de Madagascar (SCEAM).

Quelque 200 délégués venus de tout le continent se sont engagés à «former la famille synodale de Dieu dans la pratique d’un leadership intégral et vivifiant, relationnel et collaboratif, capable de générer la solidarité et la coresponsabilité».

Justine John Dyikuk y a notamment participé. Le prêtre a été directeur de la communication du diocèse nigérian de Bauchi. Il est actuellement maître de conférences en mass-médias à l’Université de Jos (Nigeria) et Senior Fellow pour la politique internationale en matière de liberté religieuse au Religious Freedom Institute (RFI), à Washington. Il travaille également comme journaliste pour plusieurs médias occidentaux.

Combattre le cléricalisme

Il relève au site catholique américain Crux que cette assemblée ecclésiale était passablement différente des précédentes qui ont pu réunir les Eglises d’Afrique. Outre les 9 cardinaux, 29 évêques et 41 prêtres présents, la majorité des 206 participants étaient des femmes et des hommes laïcs, des personnes consacrées, y compris des jeunes, des représentants des autres traditions chrétiennes et des traditions de foi de toutes les parties du continent africain, de Madagascar et des Îles (au large de l’Afrique).

«Cela a permis à la hiérarchie de l’Église sur le continent de s’asseoir et d’écouter les membres du laïcat et des autres traditions religieuses, assure-t-il. En outre, le désir d’abandonner toute forme de cléricalisme pour pratiquer un ‘leadership intégral et vivifiant, relationnel et collaboratif, capable de générer la solidarité et la coresponsabilité’ rend ce synode continental unique».

Appel à respecter l’Eglise africaine

Le prêtre nigérian estime ainsi que les propositions émises lors de l’assemblée peuvent aider à guérir les profondes divisions de l’Afrique. Il juge que les deux plus grands défis auxquels l’Église du continent est confrontée sont la menace de l’islam et l’instabilité politique «qui conduit à la persécution des chrétiens et parfois à des guerres». 

Il a rappelé que l’Afrique faisait également face à des problèmes d’ethnicité, de népotisme et d’inculturation. Justine John Dyikuk se réjouit ainsi de la volonté du Synode africain d’étendre et d’inclure »nos différences, notre diversité, nos tensions et nos forces». Il a salué le fait que le synode ait »exhorté l’Église universelle à respecter l’Église du continent africain, qui est unique, comme un partenaire de progrès, en marche vers le ciel».

Le signe de Jonas

L’ecclésiastique pense que le plus grand domaine de réforme pour l’Église est «le signe de Jonas», c’est-à-dire la repentance. «Certains libéraux pensent que les réformes organisationnelles suffisent à faire avancer l’Église. Je ne partage pas ce sentiment. Demandons-nous si nous avons satisfait aux exigences des dix Commandements, des six Lois de l’Église et des sept Sacrements. (…) Ceux qui cherchent à remodeler l’Église en termes de réformes risquent de devenir les victimes d’un programme séculier qui ne correspond pas à ce que Jésus a enseigné, a vécu et a transmis, également dans sa mort».

Justine John Dyikuk ne voit pas ainsi d’un bon oeil le chemin synodal allemand, qui s’est achevé le 11 mars dernier. L’assemblée qui se tenait à Francfort a voté un certain nombre de textes demandant notamment au pape l’instauration du diaconat féminin, la possibilité de bénir les couples homosexuels, ou encore un réexamen de la discipline du célibat sacerdotal.

Le «contre-exemple» anglican?

«Je suis optimiste et pense que l’Afrique n’adhérera pas à ces propositions bon marché», critique le prêtre africain. Et de rappeler que si les Eglises d’Europe sont financièrement aisées, l’Afrique est bien plus dynamique en termes de ferveur, de vocations et de participation des fidèles.

Le Nigérian estime qu’à l’avenir, «au lieu de suivre la voie des changements doctrinaux proposés par le chemin synodal allemand, l’Église en Europe et en Amérique devrait former une synergie plus forte d’échange de clergé, de transfert de connaissances ecclésiastiques, de formation du clergé/religieux et de partage des biens temporels». «L’Église allemande devrait peut-être répondre aux questions suivantes: le schisme de Martin Luther a-t-il amélioré l’Église?» Justine John Dyikuk pose également la question «des leçons à tirer de l’Église d’Angleterre, qui a ouvert ses portes à certains de ces changements doctrinaux, mais dont le nombre de fidèles n’a pas augmenté depuis lors.» Le prêtre se réfère à la récente décision de l’Eglise d’Angleterre d’autoriser la bénédiction des couples homosexuels, provoquant la menace d’autres églises anglicanes, notamment en Afrique, de sortir de la Communion.

Un Synode allemand contraire à la Bible?

«Suivre le Synode allemand, c’est aller à l’encontre des principes de l’Ecriture Sainte, de la tradition sacrée et des enseignements magistériels, affirme le spécialiste en communication. Il est réconfortant que le Saint-Père ait dû intervenir pour avertir les autres, y compris l’Afrique, de ne pas suivre l’exemple allemand. Nos évêques et nos prêtres, leurs collaborateurs, transmettent la foi authentique dans l’Église une, sainte, catholique et apostolique», affirme le Père Dyikuk. (cath.ch/crux/arch/rz)

La participation des fidèles catholiques est bien plus importante en Afrique qu'en Occident | photo d'illustration © Jake Stimpson/Flickr/CC BY 2.0
16 mars 2023 | 18:17
par Raphaël Zbinden
Temps de lecture: env. 4 min.
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