En avril 2016, le pape François est allé à la rencontre des migrants, à Lesbos (Grèce) | © L'Osservatore Romano/Pool Photo via AP/Keystone
Vatican

Les deux seuls voyages de papes en Grèce

Dans trois jours, le pape François entamera son 35ème voyage apostolique hors d’Italie en se rendant, du 2 au 6 décembre 2021, à Chypre et en Grèce. En Grèce, le pontife retournera sur l’île de Lesbos, en soutien des migrants et réfugiés. Il marchera aussi de nouveau dans les pas de Jean Paul II qui, en 2001, fut le premier pape à se rendre en Grèce depuis près de 1000 ans.

Le 4 mai 2001, l’avion de Jean Paul II se pose sur le tarmac de l’aéroport d’Athènes. Le Polonais devient ainsi le premier pape à se rendre sur le sol grec depuis le Grand Schisme de 1054, le «divorce» originel des Églises orthodoxe et catholique.

Rien n’était gagné d’avance. Au cours de l’année précédant le voyage, le pape avait exprimé à plusieurs reprises son souhait de se rendre en Grèce, notamment dans le cadre d’un pèlerinage sur les pas de saint Paul qu’il était en train de planifier à Malte et en Syrie. Il souhaitait notamment visiter l’Aréopage, à Athènes, où Saint Paul avait prononcé son célèbre discours rapporté dans les Actes des Apôtres.

Mais ce désir est très mal accueilli par les évêques orthodoxes. Ces derniers expriment ouvertement leur craintes quant aux «tendances impérialistes» du pape vis-à-vis des autres Églises chrétiennes. Ils rappellent aussi les nombreux griefs qu’ils ont contre les catholiques, des critiques qui remontent même jusqu’au sac de Constantinople par les Croisés en 1204.

L’archevêque catholique d’Athènes et président de la Conférence épiscopale de Grèce de l’époque, Mgr Nikolaos Foscolos, confiait à l’agence I.MEDIA que Jean Paul II souffrait aussi d’une mauvaise image depuis la chute du mur de Berlin, à cause de son action en ex-Yougoslavie, perçue comme hostile aux intérêts serbes – et donc orthodoxes.

Malgré ces nombreux obstacles, les échanges se multiplient entre les leaders orthodoxes, le nonce apostolique et les évêques catholiques en Grèce. Le président grec, Constantinos Stephanopoulos, se rend à Rome en janvier 2001 et remet une invitation au pape. La décision finale intervient toutefois sur décision du Saint-Synode orthodoxe – équivalent d’un Conseil permanent de l’épiscopat catholique – qui accepte une venue du pontife le 7 mars 2001.

Une réconciliation avec les orthodoxes grecs

Deux mois après, Jean Paul II franchit l’Adriatique pour un voyage historique et complexe. Le 4 mai, lors de sa rencontre avec le président grec et l’archevêque orthodoxe d’Athènes et de toute la Grèce, Christodule Ier, le pontife polonais demande officiellement pardon à tous les orthodoxes.

«Pour toutes les occasions passées et présentes où les fils et les filles de l’Église catholique ont péché par action et par omission contre leurs frères et sœurs orthodoxes, puisse le Seigneur nous accorder le pardon que nous lui demandons!», déclare-t-il, entraînant des applaudissements et un sourire de Christodule Ier. Jean Paul II évoque aussi le sac de Constantinople et implore Dieu de «guérir les blessures qui font encore souffrir le cœur du peuple grec».

Juste après, les deux chefs religieux signent une déclaration commune, lue dans la soirée sur l’Aréopage lors d’une cérémonie en mémoire de l’apôtre Paul. Cette lettre condamne «tout recours à la violence, au prosélytisme et au fanatisme au nom de la religion» et revient sur les racines chrétiennes de l’Europe.

Le porte-parole du Saint-Siège de l’époque, Joaquin Navarro-Valls, souligne alors l’importance de ce moment: «Il y a deux mois, l’idée même d’un voyage en Grèce était inconcevable, il y a un mois et demi, elle était irréalisable et aujourd’hui, une déclaration a été signée en Grèce».

Le lendemain, le pape polonais célèbre une messe au Palais des sports d’Athènes avant de rejoindre l’aéroport. La suite de son voyage l’amènera en Syrie puis à Malte, avant qu’il ne rentre à Rome le 9 mai 2001.

2016: la visite du pape François aux migrants de l’île de Lesbos

Avec Jean Paul II, le pape François est donc le seul pape à s’être rendu en Grèce. Quinze ans après le voyage du premier, son déplacement s’inscrit dans un cadre bien différent de celui du pontife polonais: celui de la crise migratoire et de l’accord controversé entre l’Union européenne et la Turquie sur les migrants. Ce dernier prévoit que tous les migrants arrivant en Grèce n’ayant pas fait de demandes d’asile, ou dont la demande a été rejetée, soient renvoyés en Turquie. Bien que critiqué par le Saint-Siège et de nombreuses ONG comme étant une violation du droit international, cet accord est toujours en place aujourd’hui.

Le 16 avril 2016, le pape François se rend sur l’île de Lesbos pendant quelques heures afin de rencontrer des migrants et des réfugiés. À son arrivée, le pontife est accueilli par le chef d’État grec et les leaders orthodoxes.

«Nous sommes venus attirer l’attention du monde»

Avec les responsables religieux, il se dirige alors vers le camp de réfugiés de Mòria, qui abrite à l’époque plus de 5’500 personnes – ce qui faisait de lui l’un des plus grands camp de migrants d’Europe, jusqu’à sa fermeture après un incendie en 2020. Là, le pape et les autres chefs religieux passent du temps avec les demandeurs d’asile. Puis chacun prononce un discours appelant à apporter une plus grande aide aux réfugiés.

«Je suis venu ici avec mes frères, le Patriarche Bartholomée et l’Archevêque Hyéronyme, simplement pour être avec vous et pour écouter vos histoires», déclare le pape François aux réfugiés. Et de poursuivre: «Nous sommes venus attirer l’attention du monde sur cette grave crise humanitaire et plaider pour sa résolution». Les trois leaders religieux signent une déclaration conjointe appelant la communauté internationale à agir face à la crise migratoire.

Après un déjeuner avec des réfugiés de diverses nationalités et une rencontre avec la communauté catholique locale, le pape François rejoint les autres chefs religieux dans les locaux de la Garde côtière locale pour prier et commémorer ceux qui ont perdu la vie sur la route des migrations.

Puis, ils jettent des couronnes de lauriers à la mer, un geste symbolique en mémoire des victimes de la crise migratoire qui fait écho au geste de 2013 du pape François lors de son voyage à Lampedusa.

Trois familles de réfugiés à bord de l’avion papal

Le pape choisit de conclure sa visite par un autre geste symbolique important, celui d’emmener avec lui trois familles de réfugiés à bord de l’avion papal. Ces trois familles sont toutes musulmanes et originaires de Syrie.

Le Père Federico Lombardi, directeur du Bureau de presse de l’époque, explique que tous les réfugiés étaient dans le camp avant l’accord entre la Turquie et l’Union européenne et qu’ils seront pris en charge par la communauté Sant’Egidio à leur arrivée à Rome.

Durant le vol retour, le pape François confie avoir pris sa décision une semaine auparavant, avec «l’inspiration» d’un de ses collaborateurs. Il l’avait alors «immédiatement acceptée» parce qu’il avait «vu que c’était l’Esprit qui parlait».

«Je n’ai pas fait le choix entre chrétiens et musulmans», avait-il souligné. «Ces trois familles avaient leurs papiers en règle, et on pouvait le faire. Il y avait, par exemple, deux familles chrétiennes dans la première liste qui n’avaient pas leurs papiers en règle. Ce n’est pas un privilège, tous les douze sont enfants de Dieu», avait-il conclu. (cath.ch/imedia/ic/rz)

En avril 2016, le pape François est allé à la rencontre des migrants, à Lesbos (Grèce) | © L'Osservatore Romano/Pool Photo via AP/Keystone
29 novembre 2021 | 14:46
par I.MEDIA
Temps de lecture: env. 5 min.
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