«Les ponts ne doivent pas passer au-dessus des questions»
Série d’été Apic 2014: Bâtisseurs de ponts (1)
Grâce au Frère morave Hartmut Haas, une Maison des Religions se bâtit à Berne
Berne, 21 mai 2014 (Apic) Une «Maison des Religions» sera inaugurée fin 2014 à Berne. En tant que responsable exécutif de l’association «Maison des Religions – Dialogue des Cultures», Hartmut Haas a constamment oeuvré à ce but depuis l’an 2000. Un constructeur de ponts par excellence. Comment doivent être élaborés des ponts, afin qu’ils puissent soutenir? L’Apic a justement rencontré le pasteur Haas sur le pont de la rivière Schwarzwasser (Schwarzwasserbrücke), près de Schwarzenburg dans le canton de Berne.
Hartmut Haas, âgé de 65 ans, est pasteur de la Société des Frères moraves (Herrnhuter) de Berne. Les racines de ce mouvement remontent au réformateur bohémien Jan Hus, au 15e siècle. L’histoire des Frères moraves est marquée par la persécution et la fuite durant la contre-réforme. Une communauté est installée à Berne depuis 1739.
Nous nous trouvons maintenant sur le pont de la Schwarzwasser, qui surplombe au loin le «Sensegraben» – une partie encaissée de la vallée de la Singine – et relie par la route et le rail Schwarzenburg à Berne. La rivière coule loin au dessous de nous. Elle va bientôt se jeter dans la Singine. Les grottes et les corniches des rives escarpées de ces vallées offraient autrefois refuge aux gens du voyage et aux hors-la-loi. Le ressortissant de la Forêt-Noire Hartmut Haas, venu de Bâle à Berne il y a 14 ans, est vraiment fasciné par ces gorges, ces vallées et leurs histoires. La vallée de la Singine marquait autrefois le fossé confessionnel entre le canton de Fribourg catholique et la Berne protestante. Mais pour vraiment connaître cette histoire, il faut descendre tout en bas dans la vallée.
A quoi servent les ponts tels que celui sur la Schwarzwasser, si haut perché par-dessus le lit de la rivière? Ils sont assurément une bénédiction pour les échanges et une liaison rapide. Mais à une époque comme la nôtre, la construction des ponts les plus confortables possibles masque des paysages et des pans entiers de l’histoire de l’humanité, affirme Hartmut Haas.
Prendre au sérieux les défis entre les religions
Si le dialogue interreligieux doit être fructueux et vrai, il ne doit pas se contenter de ponts qui «passent le plus vite possible par-dessus les questions», estime-t-il. Une véritable construction de pont consiste à prendre au sérieux les défis émanant des histoires des différentes traditions religieuses, ainsi que les différences dans les évolutions sociales, les constellations théologiques et les écoles de pensées.
Nous sommes maintenant descendus sur l’ancien pont enjambant la Schwarzwasser. Il a été bâti en 1832 par des prisonniers. Le dialogue interreligieux a besoin de ponts comme celui-ci: des passages très bas, insérés des deux côtés dans le paysage. Au lieu de chercher à combler les fossés ou à les nier, le dialogue entre les religions a besoin de petits ponts qui permettent la rencontre, afin de comprendre vraiment l’autre dans sa façon de vivre et dans son originalité. Pourtant les défis demeurent: «Le dialogue interreligieux reste toujours un cheminement sur une passerelle provisoire et peu sûre. Il y a encore beaucoup trop peu de passages sécurisés, solides et fiables, capables d’assurer la réussite de la rencontre avec l’autre bord.»
La part inconstante et fragile du dialogue interreligieux
Hartmut Haas sait qu’il existe parfois «quelque chose d’inconstant et de fragile» dans le dialogue interreligieux. Il le constate lorsque, sur des sujets actuels, d’anciens préjugés, par exemple entre catholiques et réformés, sont soudain réactivés. Ou lorsque tous les musulmans sont encore une fois jetés dans un même panier, celui du fondamentalisme.
Le dialogue interreligieux n’est, dans tous les cas, pas une liaison rapide à travers un pont. Et il ne devrait pas être non plus une passerelle branlante en laquelle on ne peut pas avoir confiance, ni servir les intérêts particuliers d’une petite minorité qui se contente de niches, estime Hartmut Haas, campé sur une rive de la Schwarzwasser, où zonaient autrefois les gens du voyage, les Jenisch et les juifs. «Le dialogue de la vie et des religions était menacé par ceux qui savaient toujours mieux que les autres, à savoir les savants, les évêques, les institutions, ceux qui proclamaient: Ma propre foi est la bonne, et si tu vas à la rencontre des autres, alors tu t’éloignes de ta propre foi».
Entre temps, les responsables des Eglises officielles ont adopté une tout autre attitude. «Le dialogue des religions est devenu une part intégrante de la mission des Eglises.» Et cette mission se comprend mieux au niveau de l’ancien pont sur la Schwarzwasser: le plus près possible de l’eau et du lit ravagé de la rivière.
Encadré:
De tout temps, des gens se sont engagés pour bâtir des ponts: entre les personnes, mais aussi entre les confessions, religions, générations, races, langues ou entre différents milieux. Ces bâtisseurs de ponts peuvent réussir, mais il arrive que leur entreprise soit difficile, pénible, épuisante ou même compromise. La série d’été 2014 de l’Apic/Kipa donne la parole à des femmes et des hommes qui bâtissent des ponts dans différents domaines.
Indication aux rédactions: Des images sur cet article peuvent être commandées à la rédaction alémanique de l’Apic/Kipa: kipa@kipa-apic.ch. Prix pour diffusion: 80 frs la première image, 60 frs les suivantes.
(apic/job/bb)