Mali: Indignation dans le pays après la profanation du mausolée d’un saint à Tombouctou

Les salafistes qualifiés d’ignorants et d’intolérants

Bamako, 8 mai 2012 (Apic) Les craintes et l’indignation sont grandes après la profanation par des islamistes armés du mausolée du Cheikh Sid Mahmoud ben Amar, un des grands érudits de Tombouctou, au nord du Mali. Dans le monde entier, des voix se sont exprimés qui craignent pour le sort des monuments de la ville, inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO.

Ce mausolée est un des nombreux symboles de Tombouctou, baptisée la «cité des 333 saints». Les salafistes d’Aqmi (Al-Qaïda au Maghreb islamique) et d’Ansar Dine qui contrôlent, depuis fin mars, la ville de Tombouctou, au nord du Mali, ont profané le mausolée d’un des saints de la ville le vendredi 4 mai. Un des fidèles qui se rendait au cimetière a été giflé par les hommes en armes. Les islamistes qui ont pris le contrôle de la ville veulent y imposer la loi islamique la plus rigide, faisant fuir la petite communauté chrétienne.

Tombouctou est inscrite depuis 1988 au Patrimoine mondial de l’UNESCO

Tombouctou est inscrite depuis 1988 au Patrimoine mondial de l’UNESCO, pour ses trois grandes mosquées, ainsi que pour ses dizaines de milliers de manuscrits, dont certains datent de l’ère préislamique. Ils témoignent de l’âge d’or de ce grand centre intellectuel et religieux au XVIe siècle. Au lendemain de sa prise par les fondamentalistes musulmans, la Directrice générale de l’UNESCO, Irina Bokova, a exprimé sa vive préoccupation, sur le risque que profanation du site du patrimoine mondial de Tombouctou. Elle a rappelé «obligation internationalement, reconnue des pays à sauvegarder leur patrimoine en temps de guerre».

Dans un communiqué, lu samedi à la télévision nationale, le gouvernement de transition a fait part aussi de son indignation. Il a relevé cette profanation a été perpétrée par des individus «sans foi ni loi». Il a condamné «avec la dernière énergie, cet acte inqualifiable qui foule au pied les préceptes de l’islam, religion de tolérance, et le respect de la dignité humaine».

Tollé général parmi les intellectuels

Les hommes politiques et les intellectuels du Mali, au delà de tout clivage politique, ont aussi élevé de la voix pour fustiger cet «acte de barbarie», «d’ignorance» et «d’intolérance». Samedi dernier, à Bamako, les querelles autour de la transition politique ont cessé à l’évocation de la profanation du mausolée de Cheikh Sid Mahmoud.

Abdou Sidibé, député de la région de Gao, une autre grande ville du nord du Mali, a estimé qu’en touchant au patrimoine sacré de Tombouctou, les islamistes ont commis l’irréparable: «Tombouctou a toujours été un phare. Le nom de Tombouctou est plus connu que le nom ’Mali’. Tout le pays est consterné, cela dépasse l’entendement. C’est comme si le ciel tombe sur la tête», a-t-il lancé.

Pour Cheikh Omar Sissoko, célèbre cinéaste malien, la profanation de Tombouctou est «le signe suprême de l’intolérance». «Ce mausolée fait partie du patrimoine culturel et spirituel de Tombouctou, mais aussi de l’humanité». Les islamistes avaient pris l’engagement de ne pas toucher au matériel spirituel de la ville.

«L’intolérance qui se développe aujourd’hui est une tragédie»

Cet engagement est «caduc et l’intolérance qui se développe aujourd’hui est une tragédie», a-t-il fait remarquer.

Le professeur Baba Akhib Haïdara, ancien haut fonctionnaire de l’UNESCO, a déclaré qu’il est touché au plus profond de son âme. «Je souffre et avec moi, tous souffrent de la même façon. On régresse, on régresse, c’est inacceptable. On s’attaque à des valeurs, à des esprits, à ce qu’il y a de profond dans l’âme de Tombouctou», a-t-il ajouté. Il a appelé l’UNESCO à mobiliser l’opinion publique internationale contre cette profanation, soulignant que «ce n’est pas ça l’islam et ça peut devenir une grand catastrophe si on ne fait rien». «On n’est pas dans l’islam, on est dans la dégradation de toute trace de civilisation et de savoir», a pour sa part souligné Ismaïla Samba Traoré, écrivain et éditeur. (apic/rfi/ibc/be)

8 mai 2012 | 17:50
par webmaster@kath.ch
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Mali (60), Tombouctou (3)
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