Pour dépasser le cercle d’un public déjà conquis à la cause, l'organisatrice Albana Krasniqi Malaj a souhaité installer l'exposition BESA à l’extérieur. (Photo: Priscilia Chacón)
Suisse

L'exposition BESA honore les héros méconnus de la Guerre

La Plaine de Plainpalais, à Genève, accueille du 5 au 16 septembre 2016 l’exposition BESA, honorant des héros méconnus qui ont protégé leurs pairs en temps de guerre ou de génocide. L’Université Populaire Albanaise a travaillé avec plusieurs associations pour aller au-delà des catégories et inviter à s’identifier à ces «protecteurs».

«BESA, est un code moral albanais, la promesse de protéger l’étranger, l’autre, autant que soi-même», explique Albana Krasniqi Malaj, directrice de l’Université Populaire Albanaise. Elle présente à une dizaine de personnes l’exposition «Se souvenir pour réinventer l’avenir», sur la Plaine de Plainpalais.

Les visiteurs découvrent deux parties: d’un côté, les portraits de familles albanaises, pour la plupart musulmanes, qui ont sauvé des Juifs pendant la seconde guerre mondiale. De l’autre, des acteurs de paix mis en avant par l’association I am your protector.

Pour la directrice, l’objectif est «la connaissance mutuelle sur des bases factuelles dans un contexte d’islamophobie croissante». Une trentaine de témoignages, comme celui de Beqir Qoqja, un Albanais musulman qui a caché un juif durant un an, faisant chaque semaine un trajet à cheval pour le ravitailler. Dernières photos ajoutées par I am your protector: cinq personnalités politiques qui se sont mobilisées pour empêcher récemment l’expulsion de la fratrie Musa, des Kurdes de Syrie réfugiés en Suisse. «Ces acteurs de l’histoire sont une source d’inspiration pour mon engagement au sein de ma commune», partage une habitante de Jussy, dans le canton de Genève.

Un projet destiné aux jeunes

Les portraits ont été exposés une première fois à la salle du Faubourg en mars 2015. Pour dépasser le cercle d’un public déjà conquis à la cause, Albana Krasniqi Malaj a souhaité installer l’exposition à l’extérieur. «Un passant peut être interpelé par une photo, même sans s’arrêter longtemps», estime-t-elle.

Le projet avait comme premiers destinataires les jeunes entre 14 et 30 ans. L’Université Populaire Albanaise a préparé et envoyé au Département d’instruction publique (DIP) – qui subventionne l’exposition– des dossiers pédagogiques proposant un travail de réflexion historique et éthique. Peu de classes ont répondu à l’appel. Les organisateurs regrettent cette absence; certains avancent une dimension religieuse perçue comme trop présente par les enseignants. «Il s’agit aussi d’enrichir leur culture générale, de donner des références pour éviter certains amalgames diffusés dans les médias»,  juge Laure Bronnec, secrétaire de la Plateforme interreligieuse de Genève.

«Il s’agit d’amener les élèves à réfléchir à cette action et ce qu’elle suscite chez eux»

Contacté, le DIP répond avoir bien transmis la documentation et déclare que l’exposition «est de nature à sensibiliser les élèves du secondaire à la période de l’Holocauste et à ouvrir la réflexion sur les faits historiques plus récents».

S’ouvrir et servir la communauté

Les écoles privées se sont montrées plus intéressées. Luc Hamzavi, enseignant d’histoire à l’Ecole internationale de Genève (EcolInt), a organisé des visites pour les 160 élèves de 3e année du collège de l’établissement. C’est une ancienne élève de l’EcolInt, fondatrice de l’association I am your protector, qui a fait le lien. «Il s’agit d’amener les élèves à réfléchir à cette action et ce qu’elle suscite chez eux», éclaire M. Hamzavi.

«Cela permet aux visiteurs d’une autre religion ou croyance
de voir les bons actes de leurs pairs»

L’institut demande aux adolescents de s’engager de manière réfléchie dans un service à la communauté, auprès des réfugiés ou des personnes âgées par exemple. «Notre école a accueilli des Juifs par le passé. Cela fait partie du patrimoine que nous voulons transmettre à nos élèves», raconte l’enseignant.

Sofia, élève en 3e année à l’EcolInt, est touchée par l’engagement de la fondatrice de I am your protector, s’investissant concrètement pour la paix. «J’apprécie la diversité des acteurs de l’exposition, qu’ils soient musulmans ou chrétiens, même si pour moi il n’est pas nécessaire de mettre en avant la religion». Son camarade Glen réagit: «Au contraire, cela permet aux visiteurs d’une autre religion ou croyance de voir les bons actes de leurs pairs».

Découvertes interreligieuses

Autour de cette exposition, deux après-midis de «découvertes interreligieuses» organisées par la Plateforme interreligieuse de Genève. Une manière de prolonger l’objectif de rencontre et connaissance de l’autre. Le 14 septembre, le petit groupe d’adultes qui termine la visite des photographies a découvert l’association islamique et culturelle d’Ahl-el-Bayt.

Ouvert à l’interreligieux, le public a rencontré la communauté orthodoxe copte de Meyrin. Cinq jeunes professionnels de l’Eglise luthérienne de langue allemande sont venus connaître leurs cousins chrétiens. Visite de l’église par le prêtre et présentations par les jeunes de la communauté révèlent la richesse de ce patrimoine commun remontant à l’Antiquité. Mélisande est ravie: «J’aime beaucoup les icônes. Luther a pourtant lutté pour éliminer ces images à une certaine époque. Il est important pour moi de savoir ce qu’elles signifient pour les orthodoxes».


L’Université Populaire Albanaise propose des cours et un accompagnement pour des personnes migrantes dans la voie de l’intégration socioprofessionnelle à Genève. Elle a initié l’exposition BESA qui s’est tenu dans diverses villes en Suisse (Lausanne, Fribourg, Bâle et Zürich). Elle a collaboré pour cela avec Yad Vashem, un centre à Jérusalem qui préserve la mémoire de l’Holocauste. Les photographies sont de l’Américain Norman H. Gershman, qui les a rassemnlées entre 2003 et 2008 en Albanie.

I am your Protector est une ONG internationale basée à New York qui expose des individus qui se mobilisent les uns pour les autres au-delà de différences de nationalité, de religion, d’ethnie ou de conviction.

Inaugurée le 5 septembre en présence de personnalités de la scène politique genevoise, l’exposition se tient sur la Plaine de Plainpalais, du côté d’unimail, jusqu’au 16 septembre. (cath.ch-apic/pc/gr)

Pour dépasser le cercle d’un public déjà conquis à la cause, l'organisatrice Albana Krasniqi Malaj a souhaité installer l'exposition BESA à l’extérieur.
15 septembre 2016 | 15:45
par Grégory Roth
Temps de lecture: env. 4 min.
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