Louvain: réflexion sur les visions et apparitions (231190)

Louvain-la-Neuve, 23novembre(APIC) Le professeur Antoine Vergote, théologien et psychologue, était le 17 novembre l’invité de la Société Théologique de Louvain pour guider la réflexion sur un sujet qui suscite l’intérêt

de beaucoup: «Visions et apparitions». Il a relevé qu’en ce domaine l’homme

contemporain est beaucoup plus prudent que ses prédécesseurs: concevoir la

possibilité d’apparitions n’est pas encore affirmer leur réalité.

«La foi chrétienne est trop sérieuse pour dépendre des visions. Mais elle est trop humaine pour s’en offusquer, a commencé par indiquer le professeur Vergote. Pour caractériser les visions et les apparitions, il se base

d’abord sur la description qu’en donnent les voyants, qui dégagent trois

facteurs: le contenu ne relève pas du commun; le visionnaire a conscience

de recevoir quelque chose, d’être bénéficiaire d’une vision qui lui est

donnée; enfin, le visionnaire se rend compte qu’il ne peut explorer le phénomène.

Dans l’histoire de l’Eglise, A. Vergote a relevé six types de visions.

Les Pères du désert tel saint Antoine, le père des ermites, ont eu des visions de tentation. A partir du haut moyen âge et jusqu’au XVIIIe siècle,

le contenu des visions est souvent alarmant (enfer, purgatoire) et déclenche des conversions. Les visions de missions, comme celles de Jeanne d’Arc,

sont moins nombreuses. Les visions mystiques, rapportées à partir du XIIe

siècle, surtout en Allemagne et en Italie, sont des visions apaisantes qui

engendrent le ravissement. D’autres visions se réfèrent aux événements de

la Passion du Christ et s’accompagnent parfois de stigmatisation, comme

chez Thérèse Neumann. Enfin, au XXe siècle, les apparitions de la Vierge

Marie se sont multipliées: on en dénombre plus de cinquante depuis la dernière guerre.

Tous ces phénomènes ont un point commun, a souligné le conférencier: ils

sont toujours marqués par le contexte culturel et religieux des visionnaires. En outre, ils sont à l’origine de toute une tradition narrative et

littéraire, ce qui complique la tâche de l’observateur, qui a de la peine,

entre ce qui a été vécu et ce qui est raconté, à faire la part des choses.

Des hallucinations ?

Longtemps on a cru que les visions étaient d’origine surnaturelle.

L’avènement de la psychiatrie a jeté la suspicion sur ces phénomènes. La

description rigoureuse des hallucinations chez les malades mentaux a aussi

amené à soumettre les visions et les apparitions au seul jugement psychiatrique. Cependant, les médecins se gardent de plus en plus d’identifier vision et maladie.

Le professeur Vergote penche plutôt, pour sa part, vers une interprétation psychologique. Il estime que visions et apparitions sont de l’ordre de

l’hallucination au sens psychologique et non pathologique du terme.

Sur le plan psychologique, l’hallucination comporte trois éléments: des

désirs puissants sont à l’oeuvre; ces désirs s’expriment dans des réalités

visibles inspirées de souvenirs quotidiens; la personne «hallucinée» a le

sentiment d’une réalité vécue. Cependant, on ne saurait démontrer la réalité de ce qui apparaît, pas plus qu’on ne saurait démontrer le contraire.

Des miracles ?

Qu’en est-il du caractère surnaturel des visions ? Si Dieu intervient, a

expliqué A. Vergote, son intervention s’intègre dans le processus psychologique qui a été décrit. On ne peut ni la démontrer ni la contrôler. «Je ne

nie pas l’intervention divine. Il y a don de Dieu. Mais il ne s’agit pas

d’une grâce plus spéciale que la présence de l’Esprit de Dieu dans toute

vraie prière comme dans tout engagement chrétien authentique», a-t-il relevé.

En tant que psychologue, A. Vergote considère les visions et les apparitions comme des «phénomènes psychologiques caractérisés par la foi du

croyant». En tant que chrétien et théologien, il ajoute: «Dans ces phénomènes psychologiques, il est possible de voir à l’oeuvre l’Esprit de Dieu».

Mais ici, c’est à l’Eglise qu’il revient de se prononcer quant à l’»authenticité chrétienne» des visions et apparitions.

Visions et apparitions sont-elles des phénomènes miraculeux ? Le professeur Vergote n’interdit pas de le penser, mais insiste en conclusion: «Si

l’on a trop besoin de preuves, il est bon de relire l’évangile de Jean.

lorsque le Christ ressuscité se fait voir à ses Apôtres, c’est Thomas l’incrédule qui réclame des preuves». (apic/cip/cor)

23 novembre 1990 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 3  min.
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