Lucerne: 10’000 enfants «clandestins» en Suisse ? (230492)

Conséquences psycho-sociales destructrices pour les enfants de saisonniers

Lucerne, 23avril(APIC) Il y aurait en Suisse quelque 10’000 enfants

«clandestins», des enfants de saisonniers, travailleurs dont le statut légal ne permet pas le regroupement familial. Ces chiffres ont été donnés

jeudi à Lucerne par Marina Frigerio Martina, psychologue de l’enfance, et

Simone Burgherr, journaliste, à l’occasion de la sortie de leur livre «Enfants cachés», paru aux Editions Rex-Verlag, à Lucerne. «Les enfants cachés

font partie en Europe des personnes persécutées», a lancé Marina Frigerio

Martina, qui a travaillé comme psychologue scolaire avec des enfants de

travailleurs étrangers.

Même si cette estimation de 10’000 enfants «clandestins» est constestée

par le Département fédéral de justice et police, il n’en reste pas moins

que la situation de ces enfants vivant dans l’illégalité en Suisse, soumis

à l’angoisse permanente d’être découverts et renvoyés chez eux, a pour eux

et leur famille des conséquences psycho-sociales très graves. S’il est illégal pour un travailleur au bénéfice d’un permis de saisonnier d’emmener

en Suisse femme et enfants, beaucoup le font, car la séparation d’une famille constituée leur est souvent insupportable.

Selon Marina Frigerio Martina, les conséquences psychologiques pour les

«enfants cachés» sont semblables à ce que l’on rencontre chez des enfants

du tiers monde qui ont connu la torture: des syndromes d’angoisse massive,

des limitations dans le développement intellectuel et social et des difficultés d’intégration ultérieures. Ce que les parents ont vécu de si pénible

dans le pays hôte est retransmis à la jeune génération, et empoisonne pendant encore longtemps les relations entre Suisses et étrangers.

Les auteurs de cette étude, qui ont rencontré des familles d’anciens

saisonniers et de travailleurs toujours soumis à ce statut, estiment que

70’000 saisonniers vivant en Suisse sont mariés, et qu’une partie d’entre

eux ont emmené avec eux un ou plusieurs enfants. Elles mentionnent encore

l’existence d’enfants clandestins de travailleurs au noir et de personnes

sans autorisation de séjour. Les conséquences psycho-sociales du statut de

saisonnier ne touchent pas seulement les enfants clandestins en Suisse souvent cachés et privés de scolarité – mais également ceux qui restent

dans le pays d’origine, séparés de l’un des parents. Selon Simone Burgherr,

en Suisse, la seule exception est Genève, où la solidarité avec ceux qui

séjournent illégalement en Suisse est grande et l’attitude de la police des

étrangers considérée comme libérale. Les auteurs concluent que la suppression du statut de saisonnier, sous la pression de la CEE, ne résoudra pas

tous les problèmes, puisqu’il restera des enfants clandestins de travailleurs au noir et de ceux qui n’appartiennent pas à l’Espace économique européen. (apic/be)

23 avril 1992 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 2  min.
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