Symposium international sur le théologien Hans Urs von Balthasar
Lugano: Evènement à la faculté de théologie
Lugano, 3 mars 2005 (Apic) La faculté de théologie de Lugano rend hommage au grand théologien catholique suisse pour le centième anniversaire de sa naissance. Un symposium international, réunissant des intellectuels catholiques du monde entier autour de la personne du grand théologien, se termine le 4 mars après une semaine d’échanges.
L’événement autour du centenaire de la naissance du grand théologien originaire de Lucerne, Hans Urs von Balthasar, s’inscrit aussi dans la célébration du 40e anniversaire du Concile Vatican II. Le symposium, sous le titre La mission théologique de von Balthasar, a été ouvert le 28 février par Mgr Peter Henrici, théologien et évêque auxiliaire émérite de Coire, en présence de nombreux théologiens et autres universitaires, et se clôt le 4 mars. Le 2 mars un concert a été dédié à des oeuvres de Mozart, que le philosophe, également féru de musique, aimait, donné à l’Eglise San Rocco à Lugano.
Liée à l’événement, une exposition, ouverte avec le symposium, d’une artiste lettone Mara Rikmane, qui a illustré entre autres la Divine Comédie, de Dante, aura lieu jusqu’au 29 avril à la faculté de théologie de Lugano.
A l’occasion de cette rencontre internationale, le Giornale del Popolo de Lugano a interviewé le professeur Libero Gerosa, recteur de la Faculté de théologie de Lugano et qui a pu rencontrer en mai 1988 Hans Urs von Balthasar. Cette rencontre s’est faite dans la salle d’attente de la gare de Lugano, à l’occasion d’une première réunion de l’AMATECA (Associazione di Manuali di Teologia Cattolica), une oeuvre née, dit Libero Gerosa, de «la vision qu’avait Baltahasar du savoir catholique avec la force créative d’un homme comme Eugenio Corecco». (Ndlr. le fondateur de la faculté de théologie de Lugano).
Le but du symposium, selon Libero Gerosa, est de «vérifier s’il existe aujourd’hui une communauté de jugements avec la pensée théologique de Balthasar». Il est nécessaire, ajoute-t-il, «de se tourner vers les grands maîtres, étant donné que nous vivons dans une société dominée par la parcellisation du savoir théologique, alors que Balthasar a toujours eu une regard capable d’embrasser tout un système de pensée et avait un jugement vraiment prophétique».
Nous ne devons pas seulement le considérer comme «l’homme le plus cultivé de son temps, comme disait Henri de Lubac (Ndlr théologien et philosophe jésuite français), mais comme un homme de foi, qui a souffert dans le silence de la contemplation et payé de sa personne sur le plan humain et ecclésial. Son itinéraire théologique et spirituel est tout un, avec son expérience de marginalisation de l’institution, qui a atteint son point culminant lorsqu’il n’a pu assumer un rôle d’expert dans le Concile Vatican II», déclare le professeur luganais. VB
Encadré:
Une immense figure de théologien, d’une culture infinie
L’homme qu’honore pour le centenaire de sa naissance la Faculté de théologie de Lugano est né à Lucerne en 1905, aîné d’une famille de trois enfants. Balthasar, élevé dans un milieu croyant, étant un enfant précoce. Dès l’âge de quatre ans, il se met à apprendre le français. Sa mémoire est immense, tout comme sa curiosité et sa passion «pour tout ce qui est beau» selon le mot de sa mère. Sa vie et son oeuvre furent profondément marquées par la musique, dès son enfance: Schubert, Tchaïkovsky, Mozart, surtout, plus tard, Mahler.
Après Vienne, Balthasar étudia ensuite à Berlin, suivant les cours du germaniste Helmut von Glesenapp et du théologien Romano Guardini, qui l’influença fortement. En 1928, à l’Université de Zürich, Balthasar défend sa thèse, intitulée L’histoire du problème eschatologique dans la littérature moderne allemande. Un an plus tard, il entre dans la Compagnie de Jésus. De 1933 à 1936, il étudie à Lyon, où il fait la connaissance du père Henri de Lubac, qui lui fait connaître les Pères de l’Église et les grandes oeuvres de la littérature catholique contemporaine: Claudel, Bernanos et Péguy. En 1936, il est ordonné prêtre à Munich L’année suivante, il publie une version augmentée de sa thèse sous un nouveau titre: L’apocalypse de l’âme allemande. En 1940, il quitte l’Allemagne en guerre pour revenir en Suisse, où il devient aumônier d’étudiants.
Il rencontre la mystique et médecin Adrienne von Speyr, avec qui il se lie d’amitié. En 1944, ils fondent ensemble l’Institut Saint-Jean, d’inspiration ignacienne. En 1945, il publie Le coeur du monde, puis en 1950, un ouvrage majeur sur Thérèse de Lisieux, et quitte la Compagnie de Jésus pour collaborer plus étroitement avec Adrienne von Speyr.
L’oeuvre théologique la plus originale du vingtième siècle
De 1961 à 1987, Balthasar publia sa célèbre trilogie: La gloire et la croix, La dramatique divine, et la Théologique. Elle est considérée comme l’oeuvre théologique la plus originale du vingtième siècle. De 1969 à 1988, il fut membre de la Commission théologique internationale. Cependant, le père Balthasar n’a pas participé au Concile Vatican II. Il fut élu cardinal en 1988 et mourut le 26 juin de la même année, deux jours avant de recevoir la pourpre cardinalice.
En plus d’apporter une contribution fondamentale à la théologie, notamment à la christologie et à la patristique, Balthasar fut un grand traducteur: il traduisit en allemand des oeuvres de Charles Péguy, Paul Claudel, Henri de Lubac, Louis Bouyer. Admirateur de Goethe, Hans Urs von Balthasar était un esprit humaniste dans toutes ses dimensions. Le cardinal Jean Daniélou disait de lui qu’il était «l’homme le plus cultivé qui existe aujourd’hui».
Jean Paul II: «la splendeur du vrai»
Il a reçu de nombreux prix internationaux pour son oeuvre, dont le Prix International Paul VI. Jean Paul II prononçait alors, lors de l’audience spéciale dans la Salle Clémentine pour la remise du Prix, ces mots: «L’amour fervent de la théologie, qui a soutenu sa profonde réflexion sur les oeuvres des Pères, des théologiens et des mystiques, obtient aujourd’hui une importante reconnaissance. Il a mis ses vastes connaissances au service d’un ’’Intellectus fidei’’, qui allait être capable de montrer à nos contemporains la splendeur du vrai émanant de Jésus-Christ». Von Balthasar, ajoutait le pape, «a dédié toute sa vie à la recherche théologique, comme contemplation amoureuse de Dieu et service à l’Eglise». (apic/ag/vb)