Algérie: Colloque organisé par le ministère des Affaires religieuses

Malgré des zones de silence, une rencontre réussie

Alger, 15 février 2010 (Apic) La question de la liberté de conscience et de culte en Algérie, a été traitée lors d’un Colloque organisé par le ministère des Affaires religieuses. Mais, pour le président de la Fédération protestante de France, le pasteur Claude Baty, qui y assistait, la liberté de changer de religion et de le manifester demeure un sujet très épineux dans le pays.

Si la loi de 2006 garantit l’exercice du culte en Algérie, la difficile question des conversions fait toujours problème. Celles-ci ont surtout lieu en Kabylie, dans le nord du pays. Si elles deviennent plus visibles et concernent des personnes se tournant vers les néo-évangéliques, la loi de 2006 tend à les réprimer.

La loi de mars 2006 a également braqué les projecteurs sur les nouveaux convertis. Cette législation relative à la réglementation de l’exercice du culte et des lieux de culte autres que musulmans, nommée aussi loi anti-prosélytisme, se veut, en théorie, garante de la paix entre les confessions. Répressive, elle vise notamment à empêcher les conversions des musulmans vers une autre religion. Paradoxalement, cette loi est estimée positive par les responsables d’Eglises, « puisqu’elle leur permet d’être visibles, de marquer le champ du religieux algérien mais surtout d’en finir avec des pratiques cultuelles souterraines et d’obtenir des agréments officiels », relate Karima Dirèche, une chercheuse du CNRS.

Mais, contrairement au dessein de ses auteurs, la loi « permet d’accentuer le caractère algérien et donc national » des communautés religieuses des convertis.

Conversions à caractère politique

Les causes des conversions sont multiples. Selon une analyse sociopolitique, la conversion pourrait traduire, et principalement en Kabylie, la tentative de s’opposer au pouvoir et de se distinguer face à l’arabo-islamisme idéologique nationaliste algérien. Le ministre des Affaires religieuses algérien, Bouabdellah Ghlamallah, trouve en effet que l’évangélisation « reflète un manque de nationalisme et un éloignement de la religion chez certains citoyens ». Pour nombre de convertis, leur choix est avant tout un choix politique: «Car s’affirmer chrétien devient une revendication d’ethnicité qui renvoie à une histoire et à un patrimoine religieux bien plus anciens que celui de la communauté arabo-islamique dans laquelle on ne se reconnaît plus ». Mais les convertis affirment souvent que leur adhésion au culte néo-évangélique ne se veut pas seulement un retour aux sources, mais avant tout l’affirmation de leur appartenance autochtone, leur ancrage national. Ils s’autorisent à des discours interprétatifs sur l’islam, et leur connaissance les pousse plus à un comparatisme religieux qu’à un déni de l’islam.

Un Colloque relativement satisfaisant selon le pasteur Claude Baty

Pour le président de la Fédération protestante de France, le colloque organisé à Alger les 10 et 11 février a été une réussite: les échanges ont été libres, sincères et respectueux, déclare-t-il. Un pas a, selon lui, été fait en direction des chrétiens. Il veut y voir des raisons d’espérer. Mais il se demande tout de même si ces bonnes paroles seront suivies d’effets, de gestes concrets.

Le pasteur regrette cependant que les protestants évangéliques n’ont pas été comptés parmi les intervenants et qu’il «n’ont pu que se sentir visés lorsque le prosélytisme servant des desseins politiques a été dénoncé, des accusations d’instrumentalisation par l’étranger, et notamment par les Etats-Unis, implicitement rappelées.» Il ajoute que «tout ne dépend pas des autorités politiques, la part de responsabilité des protestants est indéniable. Leur incapacité à se rassembler ruine non pas la légitimité de leurs revendications, mais leur capacité à les porter efficacement.» (acpic/com/arch/js)

15 février 2010 | 10:55
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 2  min.
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