Le mariage précoce de gamines devient un trafic juteux

Mauritanie: Des fillettes de six ans « mariées » à des riches des pays arabes du golfe

Nouakchott, 26 décembre 2008 (Apic) Le mariage précoce des jeunes mauritaniennes de six ans à peine pour certaines, à des hommes riches des Etats du Golfe arabe est en train de devenir un trafic juteux. Plus elles sont jeunes, plus elles ont de la valeur. La pratique matrimoniale était jusqu’ici connue en milieu rural. Elle est maintenant courante dans les villes, a rapporté IRIN (Réseau d’information régionale intégrée, une agence de presse de l’ONU).

Les familles peuvent demander entre 4’000 dollars et plusieurs dizaines de milliers de dollars, selon que la fillette soit jeune ou plus âgée. «Le mariage précoce est presque une garantie de profit pour la famille en un rien de temps», a déclaré à IRIN un sociologue, Sidi Mohamed Ould Jyyide, ajoutant que le mariage précoce des jeunes filles aux riches du golfe est «devenus un nouveau commerce».

Ce sont des trafiquants qui mènent en général ces mariages. Pour ce faire, ils sont « prêts à payer tous les frais de voyage et d’hébergement des fillettes». Ce sont soit des intermédiaires rémunérés, qui travaillent pour le compte d’hommes à la recherche de jeunes épouses, soit les membres des familles des victimes.

Selon Ould Jyyide, ce qui était auparavant une pratique culturelle impliquant uniquement l’échange de présents symboliques est devenu un véritable «commerce» essentiellement pratiqué par des familles urbaines pauvres qui tentent de vendre leurs filles en mariage à des familles riches.

Pour Hussein Ould Medo, analyste culturel, auteur et professeur, les mariages d’enfants sont encore monnaie courante en Mauritanie et peuvent être considérés comme «le moyen» de rejeter ce que certains perçoivent comme les maux de la modernisation. «C’est une façon de lutter contre un changement radical ou contre une modernisation négative».

Une évidence, mais pas de chiffres

Selon une source du gouvernement, il est difficile de déterminer le taux de mariages précoces en Mauritanie. Au ministère de la Promotion des femmes et des familles, «on ignore le taux véritable de ces mariages, car la plupart des cas ne sont pas déclarés en tant que mariages officiels, en plus, il n’existe aucune statistique», a déclaré Aminetou Mint Takki, directrice du ministère. Les cas de non-respect de l’âge légal du mariage, tel qu’il a été fixé dans le code de la famille, doivent être «sanctionnés», a-t-elle fait remarquer. En théorie.

Oumelkhary Mint Sidi Mohamed, 14 ans, une victime, a raconté que lorsqu’elle avait huit ans, son père l’avait emmenée loin d’Adel Beghrou, son village, situé près de la frontière entre la Mauritanie et le Mali, et l’avait confiée à une tante à Nouakchott, qui l’avait conduite jusqu’en Arabie saoudite. A l’arrivée, le rêve de fortune de la famille s’est vite transformé en cauchemar, car elle avait été violée sur place par un cousin intermédiaire, alors qu’elle attendait d’être présentée à de riches prétendants, en Arabie saoudite.

«Pour sauver la face, ma famille s’est arrangée avec lui pour qu’il fasse de moi sa femme et me ramène au pays», a-t-elle poursuivi, ajoutant : « je me suis retrouvée servante chez lui. Il a commencé à me battre dès que ma famille est partie. J’ai parlé à mon père de mes souffrances incessantes pour mettre fin à cette terrible relation».

Mais même après l’intervention de sa famille pour obtenir le divorce un an après son mariage, a-t-elle poursuivi, son père a tenté de nouveau de la vendre en mariage… en Arabie saoudite.

L’étrange conception d’un ouléma

En vertu du code national de la famille en Mauritanie, l’âge légal du mariage est de 18 ans. Cette loi n’est guère «utile» pour certaines filles du pays, à en croire Aminetou Mint Moctar, présidente de l’Association des femmes chefs de famille. «Le code de la famille n’est pas appliqué pour protéger les plus pauvres et les personnes sans instruction», a-t-elle déploré.

De nombreux habitants de la Mauritanie, pays essentiellement musulman, appliquent le code religieux qui autorise le mariage d’une fille même à 15 ans. A ce sujet, a expliqué Hamden Ould Tah, secrétaire général de l’Association des oulémas (érudits musulmans) de Mauritanie, «il est acceptable, dans la religion musulmane, d’épouser une fillette de six ans, mais tout contact physique doit attendre qu’elle ait atteint sa maturité biologique». (apic/ibc/pr)

26 décembre 2008 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture: env. 3 min.
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