Mauritanie: le gouvernement durcit la loi sur le blasphème

Le gouvernement mauritanien a adopté, le 21 novembre 2017, un projet de loi durcissant les peines pour blasphème. Cette décision intervient quelques semaines après la condamnation, le 9 novembre, d’un jeune blogueur, pour offense au prophète Mahomet.

Le projet de nouvelle la loi, qui sera soumis au Parlement, après avoir été adopté en Conseil des ministres, stipule notamment que «les auteurs de propos blasphématoires ne seront pas appelés à se repentir. Ils seront systématiquement exécutés», rapporte le site de Radio France internationale.

La Mauritanie fait partie des pays qui maintiennent la peine de mort, mais elle observe un moratoire sur les exécutions capitales. Depuis 1987, il n’y a pas eu d’exécution dans le pays. La loi en vigueur  permet à une personne reconnue coupable de blasphème, de ne pas être exécutée, si elle se repent.

Deux ans de prison ferme

Depuis le jugement de Cheikh Ould Mkheytir, les radicaux musulmans qui rejettent le verdict, réclamant, chaque vendredi après la grande prière, son exécution, lors de manifestations qu’ils organisent. Car, sur le conseil de ses avocats, Cheikh Ould Mkheytir s’est repenti. Le tribunal en a tenu compte.

Mais, bien qu’ayant déjà purgé sa peine de deux ans de prison ferme, le blogueur est toujours en prison. «Juridiquement, mon client est libre, mais en réalité, il est séquestré par les autorités de Nouakchott pour, je ne sais, quelle raison d’Etat», a déploré un de ses avocats.

Cheikh Ould Mkheytir  a été jugé par la cour d’appel de Nouadhibou, au nord-ouest du pays où il est détenu depuis son arrestation, le 2 janvier 2014. Il est accusé d’avoir offensé le prophète Mahomet dans un texte en arabe publié sur Facebook en 2013, intitulé: «La religion, la religiosité et les forgerons».

Appartenant à la famille des forgerons, il dénonce dans le texte, la société de castes qui existe toujours en Mauritanie, ainsi qu’en Afrique de l’Ouest chez les grands groupes ethniques mandingues, peuls, wolofs et soninkés. Il y évoque aussi l’exemple du prophète Mahomet, soulignant d’emblée, que le problème des castes en Mauritanie «n’a rien à voir avec la religion. Il n’y a pas de lignée, ni de caste dans la religion, ni maallemim (hommes libres), ni bidân (nobles)».

Une attaque contre le prophète

Pour les islamistes, c’est une attaque contre le prophète de l’Islam. D’où la mobilisation pour sa mort. Il a nié plusieurs fois avoir offensé sa religion et son prophète. «Je n’ai pas, consciemment ou inconsciemment, blasphémé à l’encontre du prophète (Mahomet) et je ne le ferai jamais. Je ne crois d’ailleurs pas qu’il y ait dans ce monde plus respectueux envers lui  que moi», a-t-il écrit en réponse aux nombreuses critiques de son texte, tout en fustigeant  «ceux qui osent inventer de faux hadiths et les attribuent au prophète (…)».

De nombreux défenseurs des libertés en Mauritanie ont qualifié la nouvelle disposition de «loi personnalisée, alors que la loi est par nature impersonnelle et n’est pas censée refléter l’état de l’opinion publique». (cath.ch/ibc/bh)

23 novembre 2017 | 17:05
par Bernard Hallet
Temps de lecture: env. 2 min.
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