Les médias égyptiens critiques dans le collimateur des députés

Le parlement égyptien doit prochainement débattre d’une loi visant à protéger les «symboles historiques et religieux» de la diffamation dans les médias. Une soixantaine de députés veulent s’en prendre à ceux qui critiquent des personnalités religieuses fondamentalistes comme le cheikh Sharawi.

Des députés ont demandé le 19 novembre 2017 qu’une loi visant à punir sévèrement les commentateurs politiques et les intellectuels qui s’en prennent à de tels symboles soit rapidement adoptée. Ils prennent notamment la défense de la figure du cheikh Mohamed Metwalli El-Sharawi (ou Chaârawi), un théologien musulman très populaire en Egypte, qui a contribué à la diffusion d’un islam rigoriste dans son pays et, au-delà dans le monde arabe.

Le député indépendant Samir Ghattas, s’est, par contre, opposé à ce projet de loi, affirmant qu’il lui rappelait les tribunaux de l’Inquisition en Europe à l’époque médiévale. Il a dit son espoir que ce projet de loi n’obtiendrait pas l’approbation de la Chambre.

Cinq à sept ans de prison

«Une personne reconnue coupable d’insulte à l’un des symboles religieux du pays pourrait être condamnée à cinq à sept ans de prison et à une lourde amende de 100’000 Livres égyptiennes» (environ 4’800 euros, ndlr), a déclaré Omar Hamroush, secrétaire général de la commission des affaires religieuses du Parlement égyptien. Il a déclaré le 19 novembre aux journalistes que «les campagnes de diffamation contre les personnalités historiques et religieuses égyptiennes ont augmenté ces derniers mois», rapporte l’agence de presse égyptienne al-ahram on line. Il a qualifié Mohamed Metwalli El-Sharawi de «religieux éclairé».

Il s’agit d’agir contre «ceux qui aiment insulter ces symboles par le biais des médias», a déclaré pour sa part le député indépendant Ahmed El-Tahaway, du gouvernorat de Sharqiya, dans le delta du Nil. Il a déploré que l’un de ces symboles – le théologien musulman Mohamed Metwalli El-Sharawi – ait récemment été l’objet d’insultes sur une chaîne de télévision privée. Le député visait la journaliste et analyste politique Farida El-Shobashi, qui avait reproché sur une chaîne de télévision privée au cheikh Sharawi et à d’autres prédicateurs salafistes d’avoir joué depuis les années 1970 un rôle déstabilisateur en fomentant les luttes sectaires en Egypte et dans le monde arabe.

Pour l’excision des filles

Mohamed Metwali Sharawi, né le 5 avril 1911 et mort le 17 juin 1998, théologien musulman jouissant d’une grande aura en Egypte grâce à ses apparitions télévisuelles régulières dans le cadre d’émissions consacrées à l’islam, se vantait de n’avoir plus lu d’autre livre que le Coran après 1997. Dans plusieurs fatwas – avis juridiques donnés par un spécialiste de la loi islamique – Sharawi a autorisé l’excision des filles, une pratique courante en Egypte, et déclarait que les femmes ne pouvaient être nommées à des postes important au gouvernement ou devenir juges en raison du «caractère incomplet» de leur foi et de leur esprit. Il avait également attaqué des intellectuels égyptiens renommés tels les philosophes Tawfiq al-Hakim et Zaki Naguib Mahmoud ainsi que le célèbre écrivain Naguib Mahfouz.

Pour des dizaines de députés, qui appuient cette attaque visant les médias critiques, il faut agir. Farida El-Shobashi demande que l’on ne transforme pas en idoles des religieux comme le défunt Sharawi, alors que des avocats ont annoncé vouloir intenter des poursuites contre la journaliste, l’accusant de mener une campagne hostile contre l’islam. La famille d’El-Sharawi a également déclaré avoir intenté une action en justice contre El-Shobashi auprès du procureur général. Omar Hamroush a déclaré que son projet de loi visait à «protéger de la diffamation les personnalités publiques qui ont joué un rôle de premier plan dans l’histoire de l’Egypte». (cath.ch/ahram/be)

20 novembre 2017 | 17:27
par Jacques Berset
Temps de lecture: env. 2 min.
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