Mgr Ian Ernest est directeur du Centre anglican de Rome | © I.Média
Vatican

Mgr Ian Ernest, un pont entre Rome et Cantorbéry

Directeur du Centre anglican de Rome, Mgr Ian Ernest, représente de la Communion anglicane près le Saint-Siège. Cet optimiste à l’enthousiasme communicatif prône d’abord un œcuménisme d’action: les chrétiens doivent ensemble «établir le Règne de Dieu au milieu de ce monde blessé».

À l’occasion de la Semaine de prière pour l’Unité des chrétiens, I.MEDIA a rencontré Mgr Ian Ernest, directeur du Centre anglican de Rome dans ses locaux du palais Pampilj. Qui aurait pu imaginer que le prestigieux palais Doria Pampilj, perle du baroque romain, abrite le siège de la représentation anglicane à Rome ? C’est en poussant une petite porte, non loin l’immense galerie qui attire chaque année des millions de visiteurs, qu’on accède par un ascenseur à l’Anglican Center. Dans un appartement aux splendides plafonds à caissons, une bibliothèque digne d’une université anglaise tapisse les murs. Étonnant mélange qu’offre ce lieu, perdu entre le charme anglais et le faste de l’aristocratie romaine.

«Nous devons beaucoup aux Pampilj», reconnaît Mgr Ian Ernest. Si la célèbre famille héberge le centre depuis maintenant 55 ans, c’est parce que l’une des princesses a épousé un Anglais, «qui se trouvait être anglican», explique-t-il. «Les Pampilj ont cru en Vatican II et ont voulu nous offrir cet espace qui nous permet aujourd’hui d’avoir une participation active à Rome». L’institution a été créée par Paul VI en 1966 à la suite de sa rencontre historique avec Mgr Michael Ramsey, alors archevêque de Cantorbéry.

Une fraternité fondée sur l’action commune

L’une des premières missions du centre, détaille Mgr Ian Ernest, est de «faire connaître la richesse de nos deux Églises» et d’éduquer le public catholique comme anglican à la foi de l’autre. Un dialogue qui s’incarne notamment par des visites au sein du centre et l’organisation de bon nombre d’évènements. Et bien que le coronavirus ait bouleversé l’agenda de l’année 2020, ce Mauricien francophile a très à cœur d’en faire un lieu dans lequel se vit l’encyclique du pape «Fratelli tutti (..) dans toute sa largeur». Loin de se décourager, il a multiplié l’organisation de séminaires en ligne et s’est emparé de la récente canonisation de John Henry Newman – homme qu’il admire profondément – comme un point de rencontre entre les deux Églises.

«En tant qu’être humain, nous adorons cultiver les différences mais il faut reconnaître aussi la richesse qui nous unit!»

Mais ce passionné de culture et de musique rappelle également que la fraternité doit surpasser le simple dialogue et se construit également «dans le faire ensemble». Dans la lignée de ses prédécesseurs, il s’attache donc à rencontrer bon nombre de hauts responsables de la Curie afin de mettre sur pied divers projets. Le combat contre la traite humaine, l’éradication du trafic d’organes ou encore la protection de l’environnement figurent ainsi parmi ses priorités. Jonglant d’un projet à l’autre, il travaille aussi bien avec le Dicastère pour le service du développement humain intégral sur un «projet qui touche les États insulaires» qu’à la création d’une école de musique pour les réfugiés avec des amis artistes italiens.

«L’œcuménisme est capable d’apporter la paix dans le monde»

«Le mouvement œcuménique est avant tout un mouvement qui doit prôner un esprit de collaboration entre tous, qui que nous sommes», résume Mgr Ernest. Bien loin d’écouter les critiques que certains pourraient faire à l’égard de l’œcuménisme, il confie regarder avec enthousiasme le chemin parcouru ces 50 dernières années. «En tant qu’être humain, nous adorons cultiver les différences mais il faut reconnaître aussi la richesse qui nous unit! Aujourd’hui, ma présence à Rome ne laisse personne indifférent!», se réjouit-il.

Alors que ces dernières années ont permis de clarifier les points de divergence doctrinale entre les deux Églises – portant notamment sur la direction de l’Église, la Vierge Marie, le ministère ordonné ou encore l’Eucharistie -, il s’agit aujourd’hui, selon le Mauricien, de «regarder ce monde fatigué par ces divisions» et de réaliser ensemble «ce que Dieu nous demande». Une mission, à l’entendre, loin d’être anodine: «Dieu nous choisit pour établir son Règne et guérir le monde de ses imperfections». Proche de la communauté du Chemin neuf, il veut croire en la pertinence des mots de Laurent Fabre, son fondateur: «l’œcuménisme est capable d’apporter la paix dans le monde».

Voyage au Soudan du sud, un sujet toujours sur la table

Parmi les grands projets qui unissent l’Église anglicane et l’Église catholique au service de la paix, il y a ce désir du pape et de Mgr Justin Welby, l’actuel archevêque de Cantorbéry, de se rendre au Soudan du Sud. Reporté en raison de la pandémie, ce déplacement devrait selon lui se concrétiser un jour. «Je pense que lorsqu’il y a une graine qui a été mise en Terre, elle doit porter du fruit mais il faut être patient». Si personne ne peut donner de date à ce déplacement en raison de la crise sanitaire, «le désir de réaliser cette mission ne s’est pas affaibli», assure-t-il.

«Il faut regarder ce monde fatigué par ces divisions et réaliser ensemble ce que Dieu nous demande».

Celui qui est aussi «le représentant officiel de l’archevêque de Cantorbéry» au Vatican a également une casquette diplomatique qu’il veut mettre au profit du bien commun. Ces «multiples rencontres avec des personnalités influentes de l’Église catholique» qui ponctuent son quotidien ont pour but d’aboutir à une collaboration concrète entre les deux Églises, souhaite-t-il. «Nous avons 40 provinces dans le monde anglican et nos évêques [catholiques comme anglicans] font face aux mêmes problèmes, qu’ils soient économiques où qu’ils concernent la sécularisation. Il faut arriver à construire des ponts de rencontres avec les différents dicastères afin que nous puissions encourager les évêques à travailler ensemble localement».

Cultiver la relation avec le Christ

Cet activisme ne saurait pour autant lui faire oublier l’importance de sa foi, chemin vers l’unité. À ce titre, remarque-t-il, le thème de la Semaine de prière pour l’unité des chrétiens – «Demeurez dans mon amour et vous porterez du fruit en abondance» – démontre que c’est bien en cultivant «une relation intime avec Christ» que nous pourrons «construire des relations intimes avec les autres». L’affection qui unit le pape François et Mgr Welby se nourrit selon lui de cette relation qu’il ont chacun avec le Seigneur.

Cette semaine particulière se terminera par des vêpres communes entre les responsables des Églises à Rome le 25 janvier prochain. Ce moment, il le prépare avec soin «afin que ce ne soit pas un spectacle mais un moment de grâce». C’est avec solennité qu’il compte donc se prosterner devant la tombe de saint Paul avec les autres responsables religieux. Même si seule une centaine de personnes pourront assister à cette prière commune en la basilique Saint-Paul-hors-les-Murs de Rome, le dignitaire anglican espère que de nombreuses personnes seront touchées par le biais des médias. (cath.ch/imedia/cg/mp)

Mgr Ian Ernest est directeur du Centre anglican de Rome | © I.Média
22 janvier 2021 | 17:24
par I.MEDIA
Temps de lecture: env. 5 min.
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