Monde: Il y a 40 ans, le 25 juillet, était publiée «Humanae vitae»

Des questions, et un débat toujours présents, 40 ans après

Rome, 24 juillet 2008 (Apic) Il y a 40 ans, le 25 juillet 1968, trois ans après la fin du Concile Vatican II, le pape Paul VI publiait son encyclique «Humanae vitae», sur le mariage et la régulation des naissances. Se fondant sur le droit naturel, elle dénonçant toute méthode artificielle. Elle eut l’effet d’une bombe et plongea l’Eglise dans une profonde crise. L’encyclique a provoqué de nombreux remous, une approbation d’un côté, une levée de boucliers de l’autre. Le tout teinté de nuance selon les tendances.

Promulguée par Paul VI, l’encyclique déclarait d’emblée «intrinsèquement déshonnête» toute méthode artificielle de régulation des naissances, réaffirmant ainsi la position traditionnelle de l’Eglise à l’encontre de l’opinion publique très largement favorable à un assouplissement de la doctrine catholique. Cela eut l’effet d’une bombe et déclencha une profonde crise d’autorité dans l’Eglise.

Le pape rappelait dans cette encyclique que la doctrine de l’Eglise sur le mariage est fondée sur «le lien indissoluble, que Dieu a voulu et que l’homme ne peut rompre de son initiative, entre les deux significations de l’acte conjugal: union et procréation». Il exprimait également la doctrine de l’Eglise sur la contraception artificielle.

Dès sa parution, l’encyclique apparut un peu partout comme un refus pur et simple de la contraception. Aux Etats-Unis, plus de deux cents théologiens catholiques déclaraient explicitement que ce document n’était pas un enseignement infaillible et que par conséquent «les époux peuvent décider de façon responsable en accord avec leur conscience que la contraception artificielle est permise en certaines circonstances.» Les conférences épiscopales, un peu partout dans le monde, essayèrent d’adoucir le caractère contraignant de l’encyclique en mettant l’accent sur la primauté de la liberté de conscience individuelle.

Yves Semen, directeur de l’Institut Philanthropos à Fribourg, s’est penché sur le discours de Jean Paul II relatif à la sexualité. Le pape polonais a soutenu Paul VI et l’encyclique Humanae vitae, avec des nuances, estime-il. Son point de vue, dans une interview accordée à l’»Echo Magazine», paru mercredi, et dont nous publions des extraits.

Q.: Humanae vitae, promulgué en 1968, est-il un texte de progrès ou de rupture?

Yves Semen: C’est un texte de progrès parce que c’est un texte de rupture. Rupture, car il met un terme aux débats de la commission créée par Jean XXIII et que le cardinal Wojtyla [futur Jean Paul II, ndlr] a intégrée au moment de son élargissement par Paul VI. Mais ce texte est de progrès car il était nécessaire de clarifier la position de l’Eglise. On croyait que l’Eglise allait suivre l’esprit du monde, elle a eu l’audace d’être signe de contradiction. Ce texte courageux a été le fruit d’un combat intérieur de Paul VI.

Q.: Les buts du mariage sont l’union et la procréation, explique l’encyclique. Comment ne pas dissocier les deux?

Yves Semen: On s’est focalisé sur la manière de ne conserver que la fonction d’union entre époux en «évacuant» la procréation au moyen de procédés artificiels. Mais il faudrait équilibrer les choses. Si on fait valoir avec raison le caractère peccamineux de la contraception, il faut aussi évoquer les fautes liées aux négligences dans la manière de poser l’acte conjugal et qui portent atteinte à sa dimension unitive. On oppose ces deux dimensions, alors que l’unité des deux est donnée par la communion entre les époux. Une communion vraie et authentique ne peut exclure ni la procréation ni l’union de l’acte conjugal.

Q.: Vous avez travaillé sur la pensée de Jean Paul II relative à la sexualité. Va-t-elle dans le même sens que celle du pape Paul VI?

Yves Semen: Du point de vue des conclusions éthiques, oui. Mais Jean Paul II, dans son enseignement de la théologie du corps donné lors de 130 catéchèses du mercredi, adopte une pédagogie différente, résolument personnaliste. Il ne se demande pas d’abord quelle est l’intention de la nature dans la relation de l’homme et de la femme, mais quelle est l’intention de Dieu en créant l’homme et la femme comme êtres sexués. Il élabore ainsi la «théologie de la sexualité» qui manquait à l’Eglise.

Jean Paul II a été attentif à la dimension relationnelle entre époux. Il a pleinement soutenu Humanae vitae…

Yves Semen: En 1966, la commission pontificale s’est séparée en une faction majoritaire, favorable à un changement de discours à l’égard de la contraception, et une autre, minoritaire, en faveur de la discipline traditionnelle. Jean Paul II n’a pas pu participer à cette réunion. S’il avait été là, il aurait probablement pu faire valoir les travaux de la commission qu’il avait créée à Cracovie, avec une approche plus élaborée au plan des attendus anthropologiques.

Les travaux polonais, consignés dans un mémorandum, sont arrivés à Rome en février 1968: trop tard pour servir de canevas à l’encyclique. Le schéma d’Humanae vitae est hérité de la faction minoritaire. Mais certains éléments proviennent du mémorandum de Cracovie. Paul VI et Jean Paul II arrivent aux mêmes conclusions, mais le grand apport de Jean Paul II, c’est de situer la contraception dans une théologie du corps nouvelle. C’est puissant et libérateur. (apic/echmag/bl/pr)

24 juillet 2008 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 4  min.
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