Les travaux ont coûté 500 millions de dollars: grandiose cérémonie

Moscou: La Russie pleurent ses sous-mariniers, l’Eglise orthodoxe consacre sa cathédrale

Moscou, 23 août 2000 (APIC) Les opérations de secours entreprises après le naufrage du sous-marin russe Koursk dans la mer de Barents ont éclipsé ce qui devait être le point d’orgue des célébrations du millénaire de l’Eglise orthodoxe russe le dernier week-end: la consécration de la cathédrale du Christ-Sauveur, le 19 août, et la cérémonie de canonisation de mille martyrs du 20e siècle, avec entre autres celle du tsar Nicolas II et de sa famille, le 20 septembre.

Des prières spéciales ont été prononcées pour les sous-mariniers du Koursk, leurs familles et les sauveteurs durant les liturgies solennelles du week-end. Le patriarche Alexis II et des centaines d’évêques et de prêtres orthodoxes russes et étrangers participaient à ces cérémonies. Mais le concert de gala qui devait avoir lieu devant la cathédrale le dimanche soir a été annulé et le président Valdimir Poutine a transformé la réception prévue pour les responsables d’Eglise en une «réunion de travail».

Le samedi matin 19 août, des milliers de fidèles orthodoxes ont défilé en procession dans le centre de Moscou jusqu’à la cathédrale. La plupart des marcheurs portaient des croix et des banderoles, et d’autres de petites icônes avec la famille impériale.

«Enfin voici venu le grand jour pour lequel nous prions depuis longtemps», se réjouit Tatiana Bocharova, une jeune paroissienne moscovite. La restauration de la cathédrale et la canonisation du tsar Nicolas après huit ans de débat animé – qui ne font sans doute que commencer – ont marqué «une ère nouvelle» pour l’Eglise et le pays, dit-elle. «Nous retrouvons à nouveau notre Russie».

Le patriarche Alexis a récité une prière pour les «bâtisseurs, décorateurs et bienfaiteurs» de la cathédrale, en présence du premier ministre russe Mikhail Kasyanov, et du maire de Moscou, Yuri Luzhkov, qui a joué un rôle important dans la promotion de cet ouvrage. Assistaient aussi à la cérémonie des responsables et représentants de 14 Eglises orthodoxes dans le monde.

Il y a dix ans, la construction de la cathédrale semblait peut probable, voire impossible. Certains intellectuels affirmaient que la Russie ne pouvait s’offrir un tel luxe, alors que d’autres critiquaient le projet de reconstruction. Peu après la mise en chantier, certains détracteurs ont fait état de soi-disant irrégularités financières de la part des autorités municipales de Moscou et de l’Eglise elle-même.

Une piscine à la place

Mais le symbolisme historique du projet était trop fort pour que l’idée soit abandonnée. La première église bâtie sur ce site, dont la construction avait duré 43 ans et qui s’était achevée en 1883, commémorait un des plus hauts faits de la Russie, la victoire sur Napoléon en 1812. Et pourtant, en 1931, cette église fut détruite par explosion sur ordre de Staline qui voulait faire ériger à cette place un monument à la gloire du communisme. Ce projet fut abandonné, après plusieurs tentatives infructueuses, et le trou qui avait été creusé fut transformé en une piscine ouverte.

Mais les Moscovites n’avaient pas perdu le souvenir de l’église qui se trouvait là. Dés la fin des années 80, alors que le communisme s’effondrait et que les chrétiens cherchaient le moyen de réparer des décennies d’athéisme, un petit groupe de fidèles a commencé à faire campagne pour sa reconstruction.

Un «promoteur» intéressé

Ce fut en 1994 que le projet a trouvé son «promoteur» en la personne du maire de Moscou, homme aux grandes ambitions politiques et qui, avec la cathédrale, a laissé son empreinte sur la ligne d’horizon de la ville.

Mais Yuri Luzhkov et les partisans de ce projet ont du faire face à une vive opposition. En 1995, l’écrivain Igor Yarkevich déclarait – et beaucoup pensaient comme lui – que «la reconstruction de la cathédrale et les scandales politiques et financiers qui s’ensuivront inévitablement vont définitivement creuser le fossé entre la nation et l’Eglise et l’orthodoxie».

De nombreux conflits ont éclaté à propos de l’intérieur de la cathédrale, notamment entre l’architecte Alexei Denisov et les 80 membres de son équipe et Zurab Tsereteli, directeur de l’Académie des beaux-arts.

Malgré ces querelles entre artistes, et entre la ville et l’Eglise, le maire a fait avancer le chantier. Un oeil rivé sur la présidence – que Vladimir Poutine a finalement remportée – Yuri Luzhkov voulait utiliser ce projet pour redorer son blason.

500 millions… mais artistes mal payés

S’il n’a pas été élu à la présidence, il a du moins bien établi sa réputation. L’artiste et prêtre orthodoxe Leonid Kalinin, devenu coordinateur en chef de l’ouvrage artistique de la cathédrale en 1998, a confié la semaine dernière à l’Agence oecuménique ENI que Yuri Luzkhov s’était révélé le «timonier» de ce gigantesque projet.

Le coût de la reconstruction n’a cessé de croître au fur et à mesure que l’édifice se profilait sur la ligne d’horizon de la capitale. Au début les autorités municipales avaient parlé de 150/200 millions de dollars, puis de 300 millions. La semaine dernière, le responsable adjoint du Fonds de reconstruction, Sergei Semennko, a précisé que le coût total des travaux entrepris ces six dernières années était d’environ 500 millions de dollars.

Cette somme est d’autant plus surprenante que les artistes engagés recevaient entre 20 et 30 dollars par mètre carré pour un travail hautement qualifié. Aujourd’hui la cathédrale est achevée, et les Moscovites ne pourraient plus concevoir leur ville sans elle. Si certains architectes se montrent encore critiques, les ardents défenseurs de la cathédrale ne manquent pas de rappeler que les architectes du 19e siècle, eux aussi, avaient critiqué le premier édifice construit sur le site. (apic/eni/pr)

23 août 2000 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 4  min.
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