Quatre jours pour prier, chanter et témoigner

Moselle : 40’000 personnes attendues pour la Convention évangélique tzigane

Chambley, 1er septembre 1999 (APIC) Quelques 40’000 personnes sont attendues du 2 au 5 septembre, à Chambley, en Meurthe-et-Moselle, pour la convention d’été de la Mission évangélique tzigane. Sous un chapiteau de 5’000 places, la communauté tzigane se réunira pour étudier la Bible, prier, chanter, témoigner de sa foi et célébrer le baptême par immersion.

Depuis une vingtaine d’années, environ 70’000 tziganes adultes ont demandé le baptême par immersion – les évangéliques ne pratiquent pas le baptême des enfants – et un peu plus de 150’000 sympathisants assistent aux cultes dans 114 lieux animés par 700 prédicateurs évangéliques. La Mission évangélique tzigane de France, de tradition pentecôtiste, fondée en 1946 par le pasteur Clément Le Cossec, a rejoint la Fédération protestante de France en 1975. Un pasteur tzigane siège parmi les 22 membres du conseil de la FPF. Les pasteurs, issus des divers groupes ethniques tziganes, sont formés pendant trois ans à Nevoy, dans le Loiret, par des professeurs tziganes dans leur centre de théologie. Le mouvement évangélique tzigane a dépassé les limites de l’Europe pour s’étendre aux Etats-Unis et dans les provinces du sud de l’Inde et du Pakistan. Il compterait aujourd’hui près de 300’000 fidèles dans le monde.

Tziganes évangéliques et Tziganes catholiques

Les relations entre la Mission évangélique tzigane et l’aumônerie catholique ne sont pas toujours simples. Cette dernière ne cache pas son agacement face au prosélytisme de certains prédicateurs évangéliques, accusés de mettre trop en avant les phénomènes extraordinaires notamment les guérisons, et de procéder à un deuxième baptême, pourtant proscrit par la charte des Eglises de la FPF. «Les Pentecôtistes nous assaillent et brandissent la peur : «Si tu ne fais pas comme nous, tu ne seras pas sauvé». Ils ne comprennent pas notre dévotion à Marie et la considèrent comme une femme comme les autres», regrettent Pascal et Carmen, un couple de Yenisches, délégués de Normandie au Conseil national de l’aumônerie catholique des gens du voyage. Tous deux admettent pourtant : «Leurs chants sont beaux. C’est vrai qu’on aime ce qui est vivant et il faut bien dire que les cérémonies catholiques manquent souvent de chaleur.»

Pascal et Carmen se retrouvent trois fois par an à l’Ecole de la foi avec quelques familles et l’aumônier régional des gens du voyage pour étudier la Parole de Dieu, prier et approfondir leur foi. Au côté de religieuses et du rachaï – le prêtre -, ils assurent une présence de prière et de témoignage auprès des gens du voyage en pèlerinage : de mai à juin, à Lisieux, en juillet à Pontmain et au rassemblement de Genêts, pour le pèlerinage diocésain au Mont Saint-Michel. Puis au pèlerinage des Tziganes de Lourdes, qui a rassemblé 8’000 personnes du 25 au 30 août. De fait, les Tziganes accordent une large place à la piété mariale.

L’aumônerie des gens du voyage compte dans ses rangs une vierge consacrée, deux religieuses et trois diacres mariés de sang tzigane. Sans oublier le père Claude Dumas, l’aumônier national adjoint, un Manouche. Les Ecoles de la foi connaissent un bel essor, favorisant la catéchèse sur le terrain. Par ailleurs, des «rassembleurs» et des «porteurs de lumière», portent la Parole de Dieu et l’eucharistie aux familles dans les campements. Une réponse au dynamisme prosélyte des évangéliques.

Pour le Père Denis Membrey, secrétaire du comité épiscopal des gens du voyage, l’appartenance religieuse est parfois difficile à déterminer. Des baptisés catholiques ont rejoint les rangs évangéliques et des évangéliques participent au pèlerinage de Lourdes. La Mission évangélique a le gros avantage d’être une Eglise tzigane, faite par les Tziganes et pour les Tziganes, elle est donc parfaitement inculturée. Mais le revers de la médaille est la tendance à renforcer une mentalité de ghetto. L’Eglise catholique de son côté assure une ouverture plus large.

Des voyageurs en voie de sédentarisation

On ne connaît pas exactement le nombre de Tziganes vivant en France : les chiffres varient entre 180’000 et 250’000. La plupart ont la nationalité française. Près des deux tiers sont aujourd’hui sédentarisés, dans des conditions souvent précaires. Ceux qui se déplacent encore se plaignent tant du nombre insuffisant de terrains aménagés pour le stationnement que de leur mauvais état. La loi sur le droit au logement, dite loi «Besson», oblige chaque département à créer un schéma départemental d’accueil des gens du voyage. Chaque commune de plus de 5’000 habitants doit prévoir les conditions de leur passage et de leur séjour par la réservation de terrains aménagés à cet effet. Mais l’écart entre la loi et la réalité est grand. Ainsi, en Ile-de-France, où circulent près de 9’000 caravanes par an, on ne compte guère plus de 500 places de stationnement.

Le plus souvent, les Tziganes échouent dans des terrains «désignés», près des déchetteries. «On nous oblige insidieusement à nous sédentariser. Petit à petit, l’étau se resserre», déplorent Pascal et Carmen. Pascal est rémouleur et ramoneur, une activité qu’il peut exercer en voyage. Mais de plus en plus difficilement car, souligne-t-il, «Les contrôles administratifs sont très contraignants et les charges liées à l’inscription au registre du commerce étouffent nos petits métiers. Etre au bénéfice du Revenu minimum d’insertion (RMI) rapporte davantage et de plus en plus de voyageurs sont assistés». Au coût dissuasif du voyage pour une population aux revenus irréguliers et le plus souvent modestes, s’ajoutent les contraintes liées à la scolarisation des enfants dont l’enjeu capital échappe de moins en moins à la communauté tzigane, analphabète à 70 %. «Nos gamins se font encore traiter de sales gitans à l’école. Mais notre avenir passe par là, afin que nous puissions défendre notre mode de vie et notre culture», admet Carmen. Or scolarisation rime presque obligatoirement avec sédentarisation. (apic/jcn/mp)

1 septembre 1999 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 4  min.
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