«N’ayez pas peur»

Fribourg: 4e rencontre des religieuses et religieux de Suisse

Fribourg, 8 septembre 2012 (Apic) Quelque 250 religieuses et religieux de Suisse, de plus d’une centaine d’ordres et congrégations, se sont réunis du 7 au 9 septembre 2012, à Fribourg pour leur 4e Rencontre nationale. Outre la rencontre fraternelle et la prière, elles et ils se sont confrontés à leurs peurs. La peur de la fin, la peur de l’autre, la peur pour soi-même et la peur des commencements, comme l’a décortiqué le Frère Jean-Claude Lavigne, prieur du couvent dominicain de l’Annonciation, à Paris.

La diversité des costumes exprimait bien, dans les couloirs de l’université de Pérolles à Fribourg, la diversité de la vie religieuse en Suisse. Du blanc des dominicains au noir des cordeliers, du brun des carmélites au bleu des filles de la charité, en passant par toutes les nuances du gris… Vieillissantes, en régression, les communautés religieuses de Suisse le sont indéniablement. «Nous ne sommes pas des héros mais des gens qui dépassent leur peurs», a relevé, le Frère Jean-Claude Lavigne, prieur du couvent des dominicains de l’Annonciation à Paris et prédicateur de la rencontre. «Il n’y a pas besoin d’être ’super’ pour être capable d’accueillir les autres. Il y a encore beaucoup à faire pour montrer que la vie religieuse peut être heureuse. Et que c’est pour cela que nous l’avons choisie.»

La peur c’est la vie

«La peur c’est la vie. La vie c’est la peur vécue, assumée et dépassée. C’est exactement comme lorsqu’enfant nous avons appris à faire du vélo.» En quelques formules percutantes, le frère prêcheur a démontré que refouler les peurs, les couvrir par le non dit ou les cacher derrière un discours toujours et exclusivement positif, ne peut que les renforcer. Pour un chrétien, et pour religieux, cela signifie «que l’on ne peut pas faire l’économie de la croix, de la peur qu’elle exprime. Que l’on ne peut pas gommer les marques de la mort dans le corps du Christ ressuscité.» La peur peut être un moteur de la vie, car l’audace et le courage ne sont jamais bien loin. C’est tout le sens du «n’ayez pas peur» de l’évangile.

Le dominicain a suggéré quelque attitudes concrètes pour permettre d’affronter ses peurs et de les dépasser. Face à la peur de la fin, la fin du monde, la fin de la vie religieuse, la fin d’une maison, il invite à «opérer un rapatriement libérateur sur le présent». A faire de chaque moment un «instant d’éternité». Pour une religieuse ou un religieux, cela passe en particulier par l’admiration devant la création, par l’oraison et la liturgie, par le fait de se nourrir de la parole de Dieu.

Accueillir l’autre c’est accueillir le Christ

Face à la peur de l’autre, des étrangers, des musulmans, des non-blancs, des jeunes, et des consoeurs et confrères venus de loin, Jean-Claude Lavigne oppose la ’bienveillance a priori’. Qui n’est pas la naïveté, mais la capacité à voir la part unique de chaque personne «à l’image et à la ressemblance de Dieu.» Ou comme le disait déjà la règle de saint Benoît, à l’aube du monachisme occidental, ’accueillir l’autre, c’est accueillir le Christ’.

La peur pour soi-même n’est pas la moins insidieuse. Peur du vieillissement, de la maladie, de la dépendance, de se sentir socialement inutile, d’être une charge. «Elle est particulièrement pénible pour nous religieux masculins», reconnaît le dominicain. «Moi qui, à plus de 60 ans, suis déjà ’moyenâgeux’». Sa stratégie ? Mettre l’accent principal sur la prière personnelle et collective. «Le ’faire’ n’est pas ce qui caractérise d’abord la vie religieuse. Le ’faire’ n’est que la traduction de l’amour de Dieu, le fruit de l’oraison.» Il y a aussi la conviction que la vie religieuse est au-delà des personnes, des institutions. C’est une forme de vie qui, en Occident, remonte à plus de 1’500 ans, avec nombre de mutations au cours des âges.

Regarder au-delà du guidon de son vélo

La peur des commencements frappe aussi les religieuses et les religieux. «Si je frappe cette touche de mon ordinateur ne risque-t-il pas d’exploser ?» plaisante le Frère Lavigne. Mais les nouvelles formes de communications qui abolissent les distances et le temps n’imposent-elles pas de revoir sa vision de l’homme ? Les communautés nouvelles qui expérimentent des formes de vie différentes bousculent les anciennes congrégations. «Nous devons être des veilleurs capables de regarder l’horizon au-delà du guidon de notre vélo, des donneurs d’alerte, des points d’interrogation dans un monde qui prétend tout connaître», répond le dominicain.

Développer des nouvelles formes d’apostolat «auprès des gens de notre âge» pour valoriser la proximité fait aussi partie des pistes à explorer. «Il n’y a pas d’âge pour écouter, pour consoler, pour partager», conclut-il.

Rencontre fraternelle et prière commune

Outre le temps de formation, les rencontres des religieuses et religieux de Suisse, qui ont lieu tous les quatre ans, offrent également des temps de prières et d’échanges fraternels, explique Sr Susanna Baumann, secrétaire de la Conférence des unions des religieux / religieuses et Instituts séculiers de Suisse (KOVOSS / CORISS) organisatrice de la journée. C’est ainsi que les participants ont profité d’un bel après-midi de fin d’été pour une balade à la chartreuse de la Valsainte, à l’ancienne chartreuse de la Part-Dieu, près de Bulle, ou dans les rues médiévales de la cité de Gruyère.

La prière communautaire s’est exprimée lors des vêpres du vendredi soir à l’église Ste-Thérèse et de la messe du dimanche au Christ-Roi.

KOVOSS /CORISS

La Conférence des unions de religieux / religieuses et Instituts séculiers de Suisse (KOVOSS / CORISS), dont le siège est à Fribourg, rassemble 175 ordres et congrégations contemplatifs et actifs dans le pays. Le nombre des religieux est aujourd’hui d’environ 1’250. Ils étaient 3’000 au milieu des années 1960. Les religieuses sont quelque 4’000 contre 5’700 il y a dix ans encore.

(apic/mp)

8 septembre 2012 | 18:08
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture: env. 4 min.
KOVOSS (4)
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