Népal: une loi contre les conversions religieuses

Une nouvelle loi, entrée en vigueur le 17 août 2018, pénalise les conversions religieuses au Népal. Pour la minorité chrétienne du pays, il s’agit d’une manœuvre visant principalement les chrétiens, alors que le Népal fait partie des pays au monde où la population chrétienne croît le plus rapidement.

La nouvelle loi stipule que quiconque encourage ou participe à une conversion religieuse, quel que soit le moyen employé, est coupable d’une infraction pénale et risque une peine de cinq ans de prison et une amende de 50’000 roupies népalaises (400 francs suisses). Dans un pays majoritairement hindouiste, tout étranger coupable d’encourager les conversions religieuses risque d’être expulsé dans un délai d’une semaine, explique Eglises d’Asie, l’agence d’information des Missions étrangères de Paris. .

Les chrétiens visés

Les responsables des communautés chrétiennes népalaises estiment que la manœuvre du gouvernement vise les chrétiens en particulier, qui sont accusés de prosélytisme envers les Népalais des castes inférieures et prétendument vulnérables. Les chrétiens craignent que cette nouvelle loi puisse être utilisée comme un moyen d’intimider et de persécuter les minorités chrétiennes.

La laïcité remise en cause

«La loi s’en prend aux principes mêmes de la laïcité, de la démocratie et des Droits de l’Homme. Elle cherche à restreindre la liberté religieuse de plus de trois millions de chrétiens, fidèles de plus de 12’000 églises au Népal», affirme le président de la fédération, C. B. Gahatraj. Selon lui, les minorités chrétiennes sont déjà confrontées à divers problèmes à cause de la politique discriminatoire de l’Etat. Des églises ont en effet subi des incendies criminels ou des attentats à la bombe. Des gens sont accusés à tort et persécutés pour avoir parlé de leur religion, distribué des Bibles ou tué des vaches, vénérées par les hindous.

L’anthropologue Dambar Chemjong soutient que même si le Népal se déclare comme un Etat laïc, sa Constitution n’est pas ouverte aux autres religions et favorise une identité fondamentaliste hindoue. «Elle approuve et reconnaît la primauté de l’identité hindoue. Et les lois civiles qui sont formulées en fonction de la Constitution contribuent elles aussi à l’institutionnalisation des valeurs et des normes de la religion hindoue», ajoute-t-il.

Les hindous redoutent l’influence chrétienne

Chemjong explique que les principaux partis politiques, qui sont essentiellement composés d’hindous de castes supérieures, se sentent menacés par l’influence croissante de la communauté chrétienne. Une crainte qui les a poussés à réprimer les libertés fondamentales et la liberté religieuse. Il reconnaît que les groupes évangéliques sont actifs au Népal et ont attiré beaucoup de gens. L’une des principales raisons de cette tendance, selon lui, vient du fait que les communautés mises à l’écart socialement et économiquement se révoltent contre le système de caste régressif et toujours solidement ancré.

Plus de 3 millions de Chrétiens au Népal

Et le christianisme parle justement de libération contre ces injustices. D’après le Word christian database (un ouvrage de référence publiant des statistiques mondiales sur le christianisme), le Népal fait partie des pays où la population chrétienne augmente le plus rapidement. Le dernier recensement de 2011 a enregistré environ 375’000 chrétiens. Les communautés chrétiennes affirment que le véritable chiffre serait de plus de trois millions.

Selon le recensement, la population népalaise comprend 81 % d’hindous, 9 % de bouddhistes, 4,4 % de musulmans, 3 % de kiratistes (Kirat Mundhum, religion des groupes ethniques kirantis) et 1,4 % de chrétiens. Des groupes hindous conservateurs, dont le Rastriya Prajatantra Party, ont appelé à une législation stricte contre les conversions religieuses. Ils veulent empêcher les hindous d’être «contraints, trompés ou attirés à l’écart de leur foi ancestrale». Les groupes qui défendent la fondation d’un royaume hindou affirment que les missionnaires étrangers utilisent leurs fonds pour attirer les personnes vulnérables vers le christianisme. (cath.ch/eda/bh)


ONG chrétiennes accusées de prosélytisme

Après le séisme dévastateur de 2015, les autorités ont accusé les ONG chrétiennes d’utiliser le terrain humanitaire pour répandre leurs croyances parmi les victimes de la catastrophe. Cela a entraîné des débats et à des interventions politiques, comme la suppression de l’enregistrement des ONG internationales impliquées dans des prédications religieuses.

Le père Silas Bogati, toutefois, repousse ces accusations. Pour lui, les groupes, les organismes d’aide et les ONG chrétiens sont parmi les premiers à avoir répondu aux besoins d’urgence et aux efforts de réhabilitation, mais uniquement dans une perspective humanitaire. «Simplement parce que vous êtes un groupe chrétien, on vous accuse automatiquement de conversion», regrette-t-il.

Les chrétiens népalais redoutent la nouvelle loi sur les conversions religieuses. | © www.ennepal.org
29 août 2018 | 16:31
par Bernard Hallet
Temps de lecture: env. 3 min.
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