Des petits pains pour les bidonvilles de Chennai, à Madras

Neuchâtel : Les paroisses catholiques soutiennent une boulangerie autogérée en Inde

Par Valérie Bory, Apic

Neuchâtel, 4 avril 2008 (Apic) L’Inde moderne se développe, avec aux portes de ses mégapoles, les bidonvilles, où survit toute une population d’enfants et d’adultes, sans espoir de s’en sortir. Un prêtre catholique indien leur vient en aide depuis 31 ans avec son organisation, Asha Nivas. A travers le relais, en Suisse, des Amis d’Asha Nivas, les paroisses catholiques de Neuchâtel ainsi que celle de Bienne contribuent au développement d’une boulangerie autogérée par des femmes, dans l’Etat de Madras.

A Kannagi Nagar, à 20 km au sud de Chennai, dans l’Etat indien de Madras, 25’000 familles avaient été déplacées, à la suite au tsunami de décembre 2004. Relogées par le gouvernement, mais privées de travail, manquant de tout, une cinquantaine de ces familles ont pu développer une boulangerie industrielle, avec l’aide de l’organisation caritative indienne Asha Nivas, fondée en 1977 par un prêtre catholique indien natif du Kerala, pour soutenir les familles des 200 bidonvilles de Chennai, scolariser les enfants et développer l’autonomie des femmes.

Près de Kannagi Nagar, à Okkiampet-Thoralpakkam, la boulangerie autogérée, à la fois centre de formation et unité de production, est le dernier projet mis sur pied et auquel les paroisses catholiques de Neuchâtel et Bienne ont collaboré. Il donne du travail à 50 familles et indirectement à 500. Les pains, pâtisseries et biscuits sont vendus par des centaines de micro entreprises gérées par des femmes dans différents quartiers de Chennai.

Des broderies des bidonvilles au parrainage de familles indiennes par des Suisses

La contribution suisse à l’association indienne, ce fut, dès 1979, la création des «Amis d’Asha Nivas» (anciennement au Fils d’Indra). Des bénévoles romands se sont constitués en association pour participer à la scolarisation des jeunes et à la formation des femmes. D’abord en organisant des expositions-ventes de broderies réalisées dans les quartiers défavorisés de Chennai. Puis, en raison d’une certaine saturation du marché, comme l’explique Jean-Claude Gressot, de Neuchâtel, qui s’est en outre occupé pendant 20 ans de La Main tendue, l’association s’est tournée vers les parrainages d’enfants et de familles, avec un lien direct amical, à travers des échanges de courriers. Ainsi est né « Une famille suisse solidaire d’une famille indienne ».

La famille adoptante s’engageant à verser un modeste montant mensuel et régulier, placé en Inde sur un compte d’épargne bancaire, géré par la famille elle-même, avec Asha Nivas.

A la boulangerie, mise sur pied en 2005-2006, tous les jours 25’000 pains sont fabriqués, ainsi que 25’000 galettes, des biscuits et pâtisseries. Les bénéfices permettent de payer des salaires et d’investir dans la formation professionnelle des femmes et la scolarisation des enfants.

Pour développer la boulangerie et livrer dans les régions avoisinantes, sur les marchés locaux, dans les restaurants, il a fallu acheter une camionnette. Ce furent les contributions du Centre d’entraide des paroisses catholiques de Neuchâtel, de la paroisse catholique de Bienne, avec une entreprise de Neuchâtel et une fondation française (La Ferthé) qui ont permis l’achat de la camionnette flambant neuve d’Asha Bakery. En mars 2008, elle a stationné pour la première fois devant la boulangerie industrielle pour la photo de circonstance, avec à ses côtés le Père Kurian et 2 bénévoles indiennes souriantes dans leur sari.

Les femmes indiennes tiennent la famille à bout de bras

Les femmes indiennes paient un lourd tribut à la misère et à des traditions ancestrales qui les détruisent. Le Père Thomas Kurian déplore qu’à Chennai, beaucoup de femmes dépendent souvent de maris au chômage ou dépensant leur maigre salaire en alcool ou avec des prostituées. Le pilier de la famille est donc souvent la femme. Le Père indien reconnaît que « l’une des plaies de l’Inde, ce sont les bidonvilles qui gangrènent les grandes villes et drainent une population d’enfants, de femmes et d’hommes sans avenir ».

L’organisation d’entraide Asha Nivas touche plus de 60’000 personnes des quartiers défavorisés de Chennai. Pour tenter d’arracher les enfants au dénuement, à la rue ou à l’exploitation d’employeurs locaux, 75 centres scolaires, des abris pour les enfants sans toit, des crèches, des orphelinats, des homes, des dispensaires ont été construits.

Du petit groupe de bénévoles romands, engagés depuis 30 ans, ne reste que quelques membres qui souffrent aujourd’hui du manque de relève, comme dans beaucoup d’associations carburant avec l’engagement et l’idéalisme sans failles – il en faut – de quelques-uns. « On est vraiment sur la corde raide », lance Jean-Claude Gressot, inquiet pour la pérennité du Comité des «Amis d’Asha Nivas» à court terme. « Les gens sont trop sollicités, trop fatigués, trop stressé pour s’engager», ajoute Charles Péléraux, ingénieur, et l’un des pionniers des débuts. Deux mondes, aux antipodes.

Des photos sont disponibles à l’Agence Apic (apic/vb/pr)

3 avril 2008 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 3  min.
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