L'abbé Nicolas Glasson, vicaire épiscopal pour la culture de l'appel | © Bernard Hallet
Suisse

Nicolas Glasson: «L'accompagnement des séminaristes doit évoluer»

Secoué par des scandales sexuels à répétition, le diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg (LGF) s’interroge sur la formation des futurs prêtres. Nicolas Glasson, vicaire épiscopal pour les vocations, estime que l’accompagnement et le discernement doivent évoluer au niveau du séminaire.

Les derniers mois ont été difficiles pour le diocèse de LGF. Les révélations d’un abus sexuel perpétré par Paul Frochaux, ancien curé de la cathédrale de Fribourg ont déjà écorné l’image de l’église au printemps. La divulgation, le 15 juillet 2020, de la double vie menée par celui qui lui succéder à ce poste, a constitué un autre coup dur médiatique. Ces affaires interpellent en premier lieu la formation des futurs prêtres. Nicolas Glasson, vicaire épiscopal du diocèse pour la culture de l’appel, les vocations et la formation et supérieur du Séminaire, donne son avis sur la question.

Que ressentez-vous face aux récents scandales qui éclaboussent le diocèse?
Ces affaires me touchent beaucoup, car elles affectent des personnes que je connais bien. Il a été ordonné après moi. Je suis attristé de constater que ces prêtres vivaient mal leur célibat. Peut-être ai-je fait preuve, comme beaucoup d’autres, d’un brin de naïveté pour ne pas m’en être rendu compte.

Cela remet-il en cause, dans votre esprit, l’obligation du célibat?
Non, je pense toujours qu’il s’agit de l’état de vie qui convient le mieux à notre vocation. Mais il s’agit de trouver des moyens qui puissent faire en sorte qu’il soit mieux vécu.

Le problème est pour moi davantage celui de rester fidèle à un engagement. Je pense que cela touche toute la société et également les couples mariés. Je ne suis pas sûr qu’une proportion beaucoup plus grande de personnes en couples que de prêtres soient tout à fait bien avec leur choix après un certain nombre d’années.

On a l’impression que les affaires de sexe dans l’Eglise sont très souvent en rapport avec l’homosexualité. La «masculinité» du clergé joue-t-elle en cela un rôle?
Je ne dirais pas cela. Le fait est que, pour une personne homosexuelle, le milieu de l’Eglise et du séminaire notamment où l’on côtoie avant tout des hommes, peut être vu comme une sorte de «refuge». Pour autant, ce n’est pas mon expérience de rencontrer dans ce contexte des candidats qui possèdent ces tendances, même si je ne lis pas dans leur esprit.

«Le psychologue Amadeo Cencini affirme que seulement 20% à 30% des prêtres vivent leur célibat positivement»

Il est certain que les candidats sont des personnes souvent jeunes, qui manquent parfois d’une certaine maturité et pour lesquelles la conscience de leur affectivité et sexualité n’est pas forcément claire. Je pense que des attirances homosexuelles peuvent ainsi se révéler plus tard.

Mais l’orientation sexuelle des candidats n’est pas l’essentiel. Ce qui l’est, c’est leur capacité à tenir leurs engagements. Et cela exige un travail conséquent de la part des accompagnants pour les aider à discerner ce à quoi ils sont réellement appelés.

Y’a-t-il des propositions au niveau du séminaire visant à éviter que ces problèmes surviennent?
Nous n’avons certes pas attendu l’affaire Frochaux pour agir en ce sens. Nous avons un cours de psychologie régulier qui leur permet d’approfondir leurs interrogations sur leur affectivité et leur sexualité notamment. L’accompagnement et le discernement en ce sens ont acquis également une plus grande place au séminaire.

Ceci représente un grand progrès par rapport au passé. Quand moi-même j’étais au séminaire, je peux dire que ces questions n’étaient même pas abordées.

Le psychologue italien Amadeo Cencini, qui est religieux et travaille beaucoup dans les milieux d’Eglise, affirme que seulement 20% à 30% des prêtres vivent leur célibat positivement. Ce qui ne veut pas dire que le reste s’engage dans des pratiques sexuelles parallèles. Bien plutôt, ils auraient tendance à développer des «compensations». Ce peut être des choses bonnes en soi, mais aussi des passions particulières qui peuvent prendre un peu trop de place à côté du ministère, des comportements compulsifs, un autoritarisme, ou encore l’alcool. Si ce qu’Amadeo Cencini dit est vrai, une voie souhaitable serait d’identifier, chez les candidats à la prêtrise, les risques de développer ces «compensations», de les identifier et d’y travailler.

Craignez-vous finalement que ces différentes affaires provoque une baisse des vocations?
Les plus grandes craintes sont que cela décourage ceux qui se sont déjà engagés dans cette voie. Certains peuvent se demander si le célibat est réellement tenable. Il y a aussi sans doute la pression des familles et des amis. Ces jeunes entendent probablement des phrases telles que: «Quoi, tu veux faire partie de cette bande de menteurs et d’hypocrites?». Au-delà, je me demande quels regards ces jeunes pourront porter sur leurs formateurs et sur moi. Vont-ils se demander si nous sommes tous à mettre dans le même panier?

Quoiqu’il en soit, il est certain que les jeunes qui, à l’heure actuelle, ont le courage de s’engager le font dans une grande indépendance d’esprit. Et quand je vois à quoi ils sont confrontés, cela me fait chaque fois l’impression d’un «petit miracle». (cath.ch/rz)

L'abbé Nicolas Glasson, vicaire épiscopal pour la culture de l'appel | © Bernard Hallet
16 juillet 2020 | 15:23
par Raphaël Zbinden
Temps de lecture: env. 3 min.
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