Une église protestante attaquée par des manifestants en colère

Niger: Vives tensions politiques

Niamey, 3 mai 1998 (APIC) L’église protestante de Maradi, localité située a plus de 600 km à l’est de Niamey, capitale du Niger, a été la cible des partisans de l’opposition qui manifestaient dernièrement pour exiger la démission du gouvernement. L’agression survenue à l’heure du culte dominical a occasionné d’importants dégâts matériels et fait un blessé. Des fidèles ont eu la vie sauve grâce à l’intervention de la police. Ces événements constituent un fait nouveau dans l’histoire de l’Eglise protestante du Niger qui s’est toujours démarquée du jeu politique du pays.

Mur brisé, portail démoli, motocycles endommagés, un ancien de paroisse grièvement blessé à l’oeil, tel est le bilan de l’attaque qui s’est produite lors des récentes manifestations. «Ces événements ne sont pas dirigés contre l’Eglise protestante. Mais des islamistes ont profité de la manifestation pour poser des actes répréhensibles», a affirmé au service de presse protestant (spp) le pasteur Harouna Labo, président de l’Eglise évangélique de la République du Niger (EERN).

Maradi, capitale économique du pays, est considérée comme le fief de groupes islamistes, du fait de sa proximité avec le Nigéria. Cependant, la cohabitation entre musulmans – majoritaires à 98,7% – et chrétiens a de tout temps été bien vécue par les deux communautés religieuses.

Interrogé par téléphone, Sherif Chako, ministre de l’équipement et des infrastructures, un des deux chrétiens occupant des postes ministériels dans le gouvernement, a déclaré: «Je crois que les uns et les autres ont confondu notre appartenance confessionnelle à l’appartenance au gouvernement ou à un parti politique quelconque. C’est extrêmement regrettable, alors que nous avons une constitution qui admet une séparation nette entre l’Etat et la religion.» Le ministre a par ailleurs fustigé les tentatives de l’opposition de se servir de la religion à des fins partisanes, pour combattre le régime en place, avant d’ajouter: «J’affirme que l’islam ne constitue pas une menace pour la minorité chrétienne. D’une manière générale, il y a une cohabitation pacifique entre chrétiens et musulmans.»

Intégrisme islamique : un phénomène récent

Le Niger à l’instar de certains pays de l’Ouest africain (Burkina Faso, Mali, Sénégal) connaît un islam de type traditionaliste, très tolérant. Le phénomène islamiste est apparu ces sept dernières années. En effet, l’ouverture du pays au pluralisme politique, a la suite de la conférence nationale – un forum populaire issu des événements de 1990 qui ont mis fin a 26 ans de régime militaire – a favorisé l’émergence des libertés individuelles. Ainsi se sont créées d’une part diverses associations de défense des libertés (droits de l’homme, émancipation de la femme, protection de la nature) et d’autre part des associations religieuses, notamment des fondamentalistes islamiques ayant des ramifications au Nigeria voisin, ou dans les pays du Golfe persique. Très actifs, ces groupes islamistes ont une grande influence sur les masses populaires et même dans certaines sphères de l’administration. L’aspect qui retient le plus l’attention dans cette évolution récente est l’atteinte aux libertés. Les actes commis ces dernières années sont des signes de menace pour la stabilité sociale et politique du pays. A titre d’exemple, en 1992, des jeunes filles portant des mini jupes ont été déshabillées et battues en public par des islamistes, sous prétexte de moralisation publique. En avril 1994, de violents affrontements ont opposé forces de sécurité et intégristes à l’ouest du pays. Sept gendarmes et un garde républicain ont été tués. La question de la suppression de la laïcité de la constitution et l’adoption de la loi islamique, posée lors de la Conférence nationale, a été remise sur le tapis après le coup d’Etat de janvier 1996, mais sans succès. (apic/spp/ba)

3 mai 2001 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture: env. 3 min.
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