Brésil: Des indiens massacrés pour avoir résisté aux grands propriétaires terriens
Nouveau massacre dans l’état du Mato Grosso du Sud
Rio de Janeiro, 24 novembre 2011 (Apic) La lutte des peuples indigènes pour la paix et le droit de vivre sur leurs terres ancestrales ne cesse de faire des victimes dans l’état du Mato Grosso du Sud, au sud du Brésil. Le 18 novembre 2011, un nouveau massacre a été perpétré dans le campement Tekoha Guaiviry, dans la commune de Amambai, faisant un mort, quatre disparus et de nombreux blessés. Un nouveau drame dénoncé par l’Eglise Catholique, notamment par Dom Erwin Kräutler, évêque d’Altamira, dans l’Etat du Para, en Amazonie, et Président du Conseil Missionnaire Indigène (CIMI).
Vendredi 18 novembre, 6h30 du matin. Arrivés à bord d’une dizaine de camionnettes, 42 pistoleros, masqués et fortement armés, envahissent le campement Tekoha Guaiviry, dans la commune de Amambai, dans l’Etat du Mato Grosso du Sud, près de la frontière entre le Brésil et le Paraguay. Pris de panique, les 60 indiens de la tribu Guarani-Kaiowa, tentent de fuir dans un bosquet d’arbres tout proche. Nisio Gomes, 59 ans, le cacique de la tribu, lui, décide de rester. Il paiera de sa vie cet acte de courage en étant abattu à bout portant de plusieurs balles dans la tête, la poitrine, les jambes et les bras, avant que les meurtriers n’emportent son corps. Probablement en guise de preuve pour leur commanditaire.
«Mon père n’a pas été la seule personne abattue, explique Valmir, le fils du cacique qui a essayé d’empêcher le meurtre de son père, mais qui a été violemment frappé. Une femme et une enfant ont également été assassinées et leurs corps ont été emportés dans une camionnette de couleur grise.» Valmir affirme également qu’une grande partie des Guarani-Kaiowa de la communauté ont pris la fuite dans la forêt, alors qu’ils étaient visés par les tirs des pistoleros. Une version confirmée par des femmes indigènes ayant fuit et qui ont réussi à atteindre les municipalités voisines de Amambai e Ponta Porã. Cinq d’entre elles ont été hospitalisées pour blessures par balles. Deux autres sont toujours portées disparues. Les cinq autres avaient préféré rebrousser chemin.
Reprendre possession des terres ancestrales
Ce massacre intervient alors que cette communauté avait décidé, le 1er novembre de reprendre possession d’une partie de leurs terres ancestrales, occupées depuis près de 20 ans par trois fazendas (grandes propriétés). Jusqu’à lors, les Guarani-Kaiowa «vivaient» en effet au bord d’une route nationale. Une situation jugée «intolérable» par Dom Erwin Kräutler, évêque d’Altamira, dans l’état du Para, en Amazonie, et président du CIMI. «Ce nouveau massacre n’est pas un acte isolé, déplore t-il. Depuis des décennies, les indiens du Brésil sont en effet expulsés de leurs terres ancestrales par des fazendeiros qui utilisent la manière forte. Et lorsqu’ils résistent, ils le font au péril de leurs vies.»
La situation est d’autant plus intolérable pour le prélat qu’elle est le résultat de la politique de plusieurs gouvernements successifs. «J’ai rencontré à plusieurs reprises Lula, l’ancien président, assure Dom Erwin. A chaque fois je lui ai demandé de prendre en compte les demandes des tribus indigènes et de recevoir les caciques. Mais, malgré les promesses, il n’a jamais rien fait. Et Dilma Rousself, qui lui a succédé, a adopté la même attitude.» Une absence de «courage politique» qui plonge les indiens du Brésil dans une situation toujours plus critique. «En plus des meurtres (voir encadré), les suicides sont de plus en plus nombreux, assure le président du CIMI. Si on continue à fermer les yeux, nous seront tous complices d’un nouveau génocide.»
Mgr Redovino Rizzardo, évêque du diocèse de Dourados, sur lequel se trouve le campement Tekoha Guaiviry, est inquiet lui aussi. «Au nom de l’Eglise catholique, je renouvelle ma demande aux autorités civiles, judiciaires et militaires de mettre fin à une situation qui nous fait honte et nous opprime. Je demande également pardon aux victimes de telles injustices et violences, commises, probablement, par des personnes qui se prétendent chrétiennes.» Des personnes désormais recherchées par les hommes de la Police Fédérale, dépêchés sur place quelques jours après l’attaque. Trop tard sans doute pour retrouver la trace des meurtriers.
Encadré:
L’état du Mato Grosso du Sud est l’état du Brésil le plus touché par les violences perpétrées à l’égard des peuples indigènes, avec 34 meurtres pour la seule année 2010. C’est ce que révèle une étude publiée en 2011 par le CIMI portant sur la période 2002 à 2010. Le document indique en outre que plus de 1200 familles vivent dans des conditions dégradantes, regroupées au sein de 31 campements, souvent situés au bord de grands axes routiers. Dans ces conditions très précaires, plus de 4000 enfants souffrent de malnutrition. Actuellement, 98% de la population indigènes vit sur moins de 75’000 hectares, soit 0,2% du territoire de cet état. En comparaison, toujours dans le Mato Grosso du Sud, 70’000 têtes de bétail occupent 22,3 millions d’hectares. (apic/jcg)