Un paysan du Lot83, à Anapu, en Amazonie brésilienne (Photo:Jean-Claude Gerez)
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Nouvelle vague de meurtres en Amazonie brésilienne

Anapu, 12.11.2015 (cath.ch-apic) La Commission pastorale de la terre (CPT) a dénoncé auprès du Ministère public fédéral (MPF) une vague de sept assassinats liés à des conflits agraires, perpétrés lors des quatre derniers mois à Anapu, au cœur de l’Amazonie brésilienne. Dans le courrier envoyé le 11 novembre 2015 au MPF, la CPT n’hésite pas à lier ces crimes au grand propriétaire terrien Regivaldo Pereira Galvao. Surnommé «Taradao», il est accusé d’être l’un des commanditaires du meurtre de Sœur Dorothy Stang, le 12 février 2005.

Selon la CPT, un groupe d’hommes armés agit depuis plusieurs mois dans la commune d’Anapu, menaçant en particulier les petits agriculteurs du lot 83 de la parcelle Bacajá, des terres publiques officiellement cédées à des paysans sans terre dans le cadre de la réforme agraire. Ces terres sont pourtant toujours occupées illégalement par des petits propriétaires, soupçonnés d’être des exécutants de Regivaldo Pereira Galvao. Cet ensemble de terres est d’ailleurs surnommé «La Ferme du Taradao». C’est dans ces parcelles que vivaient cinq des sept victimes.

«Ces personnes ont été assassinées dans la partie urbaine d’Anapu, pour éviter de montrer les liens directs des homicides avec les conflits liés à la terre, s’indigne Sœur Jane Dwyer, de la Congrégation Notre-Dame de Namur, qui a travaillé une dizaine d’années au côté de Sœur Dorothy avant que celle-ci ne soit tuée par deux pistoleiros à la solde de grands propriétaires terriens. Mais les raisons profondes de ces meurtres sont claires.»

«Des zones de guerre»

La religieuse affirme également que les conflits sont permanents dans la région. «Il y a des zones plus tranquilles et d’autres où c’est la guerre, assure Sœur Jane. Et le lot 83 est une zone de guerre. Les personnes qui se prétendent propriétaires sont incapables de présenter un quelconque titre de propriété prouvant cela. En janvier 2014, Rosângela Galvao, l’épouse de Regivaldo Pereira Galvao, a menacé un groupe de travailleurs et leur a assuré qu’elle était la propriétaire de ce lot!»

La religieuse rappelle à ce propos que Regivaldo Pereira Galvao avait été condamné dans un premier temps à 30 ans de prison pour avoir été reconnu comme l’un des commanditaires du meurtre de Sœur Dorothy Stang. Il est aujourd’hui en liberté après avoir déposé un recours suspensif de sa condamnation devant le Tribunal fédéral suprême (STF)

«Tout le monde est menacé de mort»

L’un des cas dénoncés par la CPT est l’assassinat, le 27 octobre dernier, de José Nunes, l’un des leaders des habitants du lot 83. Il a été exécuté dans le centre d’Anapu par deux hommes à moto. La CPT affirme que José Nunes avait fait une déclaration auprès de la police d’Anapu, après avoir été menacé verbalement par un grand propriétaire de la région. «Il était allé se renseigner sur le droit réel de quelques grands propriétaires à occuper certains lopins de terres, affirme Sœur Jane Dwyer. Cela a été considéré comme une menace grave. En fait, tout le monde est menacé de mort ici. Ils disent qu’ils ont une liste de personnes à abattre, mais personne ne sait qui figure sur cette liste».

Déjà en septembre dernier, quand quatre morts avaient été enregistrées, cette vague de violence avait fait l’objet d’une réunion à Belém avec des représentants d’institutions responsables de la Sécurité Publique, de la CPT, du MPF, des forces de sécurité et de l’administration du ministre de l’Agriculture et de la réforme Agraire. Mais aucune décision concrète n’avait été prise. Et le climat d’insécurité et d’impunité est toujours aussi préoccupant à Anapu. (apic/jcg/rz)

Un paysan du Lot83, à Anapu, en Amazonie brésilienne
12 novembre 2015 | 16:00
par Raphaël Zbinden
Temps de lecture: env. 2 min.
Amazonie (114), Brésil (389), CPT (31)
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