Polémiques, tensions et divisions: les ultraconservateurs à la barre
Œcuménisme: Le fossé grandit entre le COE et l’orthodoxie russe
Moscou, 28 octobre 1998 (APIC) Les polémiques entre le Conseil œcuménique des Eglises (COE) et l’Eglise orthodoxe de Russie ne cessent de s’accumuler et de s’accroître. Les milieux ultraconservateurs orthodoxes mènent la danse et durcissent leurs positions. Les tensions sont parfois vives, malgré le démenti apporté par un prêtre du Département des relations extérieures du Patriarcat de Moscou, sur les intentions de ce dernier de demander au COE d’»abandonner la quête de l’unité de l’Eglise».
Les informations, reprises en particulier par la presse allemande, ont provoqué une grande surprise dans les milieux œcuméniques. On fait en effet remarquer au siège du COE, que l’unité de l’Eglise est la raison d’être de l’oecuménisme.
Pourtant les tensions qui agitent actuellement le mouvement oecuménique avaient ajouté foi à ces informations. Les Eglises orthodoxes, dont la plupart sont membres du COE, se sont montrées, ces dernières années, critiques à l’égard de l’organisation, dont les activités, déplorent-elles, sont trop protestantes et libérales.
Le prêtre orthodoxe, Vsevolod Chaplin, responsable des relations entre Eglise et société au sein du Département des relations extérieures du Patriarcat, dont les propos ont été publiés dans la presse allemande, déclare aujourd’hui à l’Agence œcuménique ENI que ses remarques ont été «mal interprétées».
«Le but de l’unité chrétienne est sacrée et utile pour la chrétienté dans son état de division actuelle», a-t-il rectifié. En précisant qu’une déclaration selon laquelle le COE devrait abandonner sa recherche de l’unité chrétienne va à l’encontre de sa conviction intime. Toutefois, ajoute-t-il, le mouvement oecuménique devrait avoir le courage de faire face au problème du «fossé qui grandit rapidement entre les mondes orthodoxe et protestant» dans le domaine de l’ecclésiologie et de la morale chrétienne.
Hérétiques…
Les objections orthodoxes à propos du libéralisme au sein du mouvement oecuménique – en particulier concernant les vues libérales sur le féminisme et l’homosexualité – ont été aggravées par l’arrivée de missionnaires protestants dans les pays majoritairement orthodoxes de l’Europe orientale. Pour de nombreux orthodoxes conservateurs, les protestants et les catholiques sont rien de moins que des hérétiques.
Les Eglises orthodoxes géorgienne et bulgare ont déjà annoncé leur retrait du COE, alors que le Patriarcat de Moscou doit faire face à de fortes pressions de la part de groupes ultraconservateurs qui le poussent à faire de même.
Selon V. Chaplin, seul un effort honnête pour faire face à cette «dure réalité» pourrait ranimer le dialogue théologique. «Nous devons regarder la situation en face», a-t-il dit. «Pourquoi les 50 dernières années de l’histoire du christianisme, qui coïncident avec les 50 années du mouvement oecuménique (le COE célèbre son 50e anniversaire cette année) n’ont-elles pas réussi à symboliser une période d’unité mais ont, au contraire, débouché sur une période de grandes divisions entre les familles des Eglises orthodoxes, catholique, protestantes et libres?»
Une des raisons, à ses yeux, est l’incapacité des chrétiens à sacrifier leur confort matériel à la vérité de l’Evangile. «Pour un grand nombre d’entre nous, entre autres les orthodoxes, les compromis avec les valeurs du monde qui nous entoure l’ont emporté sur la Divine Vérité».
Faible délégation à l’Assemblée du COE
Au début du mois, le Synode de l’Eglise orthodoxe russe a décidé d’envoyer une délégation de trois représentants à la Huitième Assemblée du COE, qui aura lieu à Harare, au Zimbabwe, en décembre 1998. Dans le passé, le Patriarcat de Moscou envoyait de grandes délégations de quelque 25 membres, conduits par des évêques, aux Assemblées du COE.
Selon la déclaration du Synode, Hilarion Alfeyev, prêtre chargé des relations avec les Eglises non orthodoxes, conduira une délégation avec un mandat «limité». Après l’Assemblée, et selon l’issue de celle-ci, a préciséé V. Chaplin, les responsables de l’Eglise russe prendront une décision concernant leur future participation au COE. Mais il a souligné qu’une telle décision devrait être prise conjointement par toutes les Eglises orthodoxes.
Les Eglises orthodoxes et le COE ont accepté qu’après l’Assemblée une «commission théologique mixte» se réunira pour débattre de l’avenir de la participation orthodoxe au mouvement oecuménique. (apic/eni/pr)